Manifestations: Ben Gvir reproche le non-recours à la force, Shabtai soutient la police
Le ministre déclare que la police a perdu "le contrôle de la ville face aux anarchistes", réclame une enquête ; le commissaire Shabtai "déplore" la réprimande publique

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a critiqué publiquement la police de Jérusalem pour ne pas avoir utilisé la force pour disperser les manifestants anti-gouvernementaux après les violences qui ont éclaté lors d’une manifestation dans la capitale jeudi soir, accusant la police « d’avoir perdu le contrôle de la ville à un groupe d’anarchistes ».
Kobi Shabtai, le commissaire de police, a immédiatement réagi à ces propos en soutenant les policiers et en déplorant que les divergences sur la stratégie de maintien de l’ordre soient étalées publiquement.
Cet incident est le dernier en date des tensions croissantes entre Ben-Gvir, du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, qui a demandé plus de pouvoir sur les décisions politiques de la police au détriment des forces professionnelles.
« Un événement au cours duquel des pneus ont été brûlés à côté de l’appartement du Premier ministre, l’autoroute Jérusalem-Tel Aviv a été bloquée et le train léger de la ville a été bloqué – ce sont des incidents très graves auxquelles ont assisté les forces de police, mais elles ont reçu l’ordre explicite de ne pas appliquer la loi et de ne pas confronter les émeutiers », a déclaré Ben Gvir dans une déclaration publiée après le rassemblement de jeudi soir, affirmant que la police avait perdu « le contrôle de la ville à un groupe d’anarchistes ».
Ben-Gvir appelle régulièrement les manifestants de gauche ou anti-gouvernementaux des « anarchistes ».
Le ministre a accusé le commandant de la police du district de Jérusalem, Doron Turgeman, et l’a convoqué tard dans la nuit a un « entretien pour clarifier les choses… afin de comprendre pourquoi il a donné l’ordre de ne pas appliquer la loi ce soir » avant la tenue de grandes manifestations anti-gouvernementales devant la Knesset prévues pour la semaine.
Shabtai a défendu Turgeman, le félicitant d’avoir « tenu bon et fait preuve de discrétion dans la gestion de la manifestation. » Shabtai, sans mentionner le nom de Ben Gvir, a réagi aux critiques publiques.

Le chef de la police « déplore que cette investigation soit menée de manière publique au moment où les forces de police sont sur le terrain, et non dans le cadre d’une enquête opérationnelle menée comme d’habitude à la fin des opérations. »
Selon la Treizième chaîne, Turgeman aurait bien rencontré Ben Gvir.
Ben Gvir a paru intensifier ses tentatives de discréditer Shabtai vendredi matin, en annonçant qu’il mettrait sur pied un groupe d’anciens hauts responsables de la police pour « aider le commissaire qui a des difficultés à faire face aux manifestations et à la criminalité dans les rues ».
Selon la presse israélienne, l’équipe se composera probablement de trois anciens commissaires, Uri Bar-Lev, Shlomo Katabi et Yoram Halevi, qui conseillent Ben Gvir depuis plusieurs mois.
Les policiers ont réagi avec colère à cette décision, un officier supérieur anonyme ayant déclaré au site d’information Ynet que « celui qui a besoin de conseillers c’est Ben Gvir, qui ne comprend rien au travail de la police israélienne ».
Quelque 400 manifestants s’étaient rassemblés devant l’appartement privé du Premier ministre dans le quartier de Rehavia à Jérusalem, où il vit en attendant que les travaux de rénovation de la résidence officielle du Premier ministre soient achevés.
Les manifestants ont indiqué qu’ils avaient le droit de manifester devant son domicile de la rue Azza, puisqu’il est utilisé comme résidence officielle.
Les manifestants se sont heurtés à une centaine de partisans du gouvernement, donnant lieu à des actes de violence, ce qui a obligé la police à séparer les deux groupes. Les policiers ont procédé à deux arrestations.
La police a déclaré dans un communiqué, qu’elle avait agi de manière à respecter « la liberté de manifester et la liberté d’expression conformément à la loi. »

La coalition, dirigée par Netanyahu, est en train de faire pression pour une réforme radicale qui augmenterait le contrôle du gouvernement sur le système judiciaire, lui permettrait d’annuler les décisions des tribunaux avec la plus petite majorité et lui donnerait le plein pouvoir sur les nominations judiciaires.
Les manifestants anti-gouvernementaux ont également été victimes de plusieurs actes de violence et d’abus pendant la marche.
Ainsi, alors que le groupe défilait dans le centre-ville, un jeune, au visage couvert, a crié à plusieurs reprises à un manifestant qui filmait : « Je vais vous faire une Shoah… Je suis Hitler… Heil Hitler », avant de présenter son majeur à la caméra.
״אני אעשה לכם שואה! שואה! אני היטלר!״ בן נוער בצעקות על המפגינים. השוטרים לידו ללא תגובה. pic.twitter.com/Bq0OFt9gtz
— Matan Golan (@MatanGolanPhoto) February 9, 2023
Dans un autre incident, une voiture se serait dirigée vers les manifestants avant d’être arrêtée par un haut responsable de la police, qui a sorti son arme de poing et l’a utilisée pour frapper la vitre de la voiture, avant d’appréhender le conducteur, selon le site d’information Ynet.
Au terme de la manifestation dans la capitale, des employés des chemins de fer ont brièvement empêché certains manifestants de rentrer chez eux par la gare Yitzhak Navon de Jérusalem.
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des agents de sécurité de la gare refusant l’entrée aux manifestants, qui portaient des t-shirts sur lesquels figuraient des slogans montrant leur opposition à la réforme judiciaire prévue, tels que « Dictature ? Pas question ».
הדיקטטורה הגיעה לתחנת רכבת נבון בירושלים, לא נתנו לאמיר השכל, אמיר חרמוני ומפגינים נוספים להיכנס. בושה! pic.twitter.com/PBiMzd0mbY
— Michal Galosh (@galoshm) February 9, 2023
Après avoir été bloqués pendant 10 minutes, les manifestants ont été autorisés à entrer dans la gare et à prendre leur train à destination de Tel Aviv.
L’une des personnes bloquées par la sécurité était Amir Haskel, ancien général de l’armée de l’air et actuel leader du groupe anti-gouvernemental Ein Matzav [Hors de question].
S’adressant à Ynet, Haskel a raconté l’incident. « Nous sommes arrivés à la gare pour retourner à Tel Aviv après la manifestation, mais à notre arrivée à la station, nous avons été arrêtés par les gardes de sécurité à cause de nos t-shirts. »

« Nous avons attendu jusqu’à ce qu’ils reçoivent l’ordre d’autoriser ou non notre entrée, ce qu’ils ont finalement fait. Il ne fait aucun doute que cette situation était particulièrement désagréable. Heureusement, nous étions arrivés avec beaucoup d’avance et nous n’avons pas raté le train », a-t-il déclaré.
Dans un communiqué, Israel Railways a déclaré que les gardes de sécurité ont pour instruction de refuser l’entrée aux passagers portant des vêtements susceptibles d’inciter à la violence. « L’incident fera l’objet d’une enquête et si les agents de sécurité ont enfreint les protocoles, nous prendrons des mesures supplémentaires », a-t-il ajouté.
Plus tôt, l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Dan Halutz, s’était adressé à une foule de manifestants au cimetière militaire du Mont Herzl, louant la manifestation prévue, la décrivant comme une « marche pour libérer Jérusalem du siège que lui impose le gouvernement ».
« Nous parlons d’un combat pour notre liberté, pour la déclaration d’indépendance dont ils essaient d’effacer des clauses importantes. Nous ne le permettrons pas », a souligné Halutz.
Les manifestations hebdomadaires contre le remaniement judiciaire devraient se poursuivre samedi soir, la police ayant prévu de fermer certaines zones au centre de Tel Aviv. Des manifestations plus modestes sont prévues à Jérusalem.