MBS aurait appelé Netanyahu pour renouveler la licence de Ryad pour Pegasus -NYTimes
La licence n'ayant pas été renouvelée après le meurtre de Khashoggi, le prince héritier aurait souhaité régler la question en échange de l'ouverture de son espace aérien à Israël

Le New York Times a rapporté vendredi que le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, avait téléphoné directement au Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, pour obtenir le renouvellement de la licence expirée du royaume pour le tristement célèbre logiciel espion Pegasus de NSO Group, en échange de l’ouverture de son espace aérien aux vols israéliens.
Selon le reportage, le ministère israélien de la Défense a refusé de renouveler la licence de Ryad pour le logiciel après son expiration, invoquant l’abus par l’Arabie saoudite du logiciel espion de NSO, faisant apparemment référence au cas de Jamal Khashoggi, un journaliste saoudien qui aurait été traqué avec Pegasus avant son assassinat en 2018.
Sans la licence d’exportation, NSO n’était pas en mesure de fournir à l’Arabie saoudite une assistance de routine sur le logiciel, et ses systèmes tombaient en panne. De nombreux appels entre les assistants du prince héritier, les dirigeants de NSO, le Mossad et le ministère israélien de la Défense n’avaient pas permis de résoudre le problème, selon le journal.
Le prince héritier a alors passé un appel téléphonique direct et urgent à Netanyahu, demandant le renouvellement de la licence, selon des sources bien informées.

Cet appel était antérieur à l’annonce des accords d’Abraham, une série d’accords de normalisation conclus en 2020 entre Israël et les États du Golfe que sont les Émirats arabes unis et Bahreïn. (Plus tard, le Maroc et le Soudan ont rejoint les accords.)
Un élément essentiel de ces accords était l’autorisation de l’utilisation de l’espace aérien saoudien, pour la toute première fois, par des avions commerciaux israéliens se rendant vers l’est en direction du Golfe.
Netanyahu, qui n’était pas au courant du problème de licence avant sa conversation avec le prince héritier, a immédiatement ordonné au ministère de la Défense de le résoudre, selon le reportage.
Un fonctionnaire du ministère a appelé la salle des opérations de NSO la nuit même et a demandé à ce que les systèmes saoudiens soient réactivés. Mais le responsable de la conformité de la société en service a rejeté la demande et exigé une licence signée, selon le New York Times.

Le responsable aurait dit à l’employé que les ordres venaient directement de Netanyahu. Il a ensuite accepté de recevoir un courriel du ministère et, peu de temps après, le logiciel espion Pegasus était à nouveau opérationnel en Arabie saoudite.
Le lendemain matin, un coursier du ministère de la Défense a livré un document timbré et scellé au siège de NSO, selon le reportage.
La vente initiale de Pegasus au royaume, sous la supervision du prince, a été effectuée en 2017 pour des frais d’installation de 55 millions de dollars, selon le NY Times.
Seuls certains hauts responsables de la défense, relevant directement de Netanyahu, ont pris part aux échanges avec les Saoudiens, « en prenant des mesures de confidentialité extrêmes », a déclaré au journal l’un des Israéliens impliqués dans l’affaire.

« Rendre les Saoudiens heureux était important pour Netanyahu, qui était au milieu d’une initiative diplomatique secrète qui, selon lui, cimenterait son histoire en tant qu’homme d’État – un rapprochement officiel entre Israël et plusieurs États arabes », précise le reportage.
Dans une déclaration publiée vendredi par le bureau de Netanyahu, l’ancien Premier ministre a démenti le reportage.
« L’affirmation selon laquelle le Premier ministre Netanyahu aurait parlé à des dirigeants étrangers et leur aurait offert ces systèmes en échange d’une réalisation politique ou autre est un mensonge complet », indique le communiqué.
« Toutes les ventes de ce système ou de produits similaires de sociétés israéliennes à des pays étrangers sont effectuées avec l’approbation et la supervision du ministère de la Défense, comme l’exige la loi israélienne », a déclaré le bureau de Netanyahu.

NSO affirme qu’elle ne vend Pegasus qu’aux gouvernements dont le but est de lutter contre le crime et le terrorisme. Toutes les ventes doivent être approuvées par le ministère de la Défense. Bien qu’elle affirme avoir mis en place des garanties pour éviter les abus, NSO affirme n’avoir aucun contrôle sur la manière dont un client utilise le produit et n’avoir aucun accès aux données qu’il collecte. Elle affirme avoir mis fin à plusieurs contrats en raison de l’utilisation inappropriée de Pegasus.
La société a été impliquée dans de nombreux scandales ces dernières années et a dû faire face à un torrent de critiques internationales suite à des allégations selon lesquelles elle aiderait les gouvernements, y compris les dictatures et les régimes autoritaires, à espionner les dissidents et les défenseurs des droits.
Ces dernières semaines, le quotidien économique israélien Calcalist a publié une série d’articles alléguant que la police israélienne utilisait Pegasus sans les autorisations nécessaires pour surveiller des cibles israéliennes, notamment des manifestants politiques. La police a nié avoir abusé du logiciel, mais le procureur général d’Israël a ouvert une enquête à ce sujet.
En novembre, le ministère américain du commerce a inscrit NSO Group sur une liste noire, l’ajoutant à la liste des entreprises étrangères qui se livrent à des cyber-activités malveillantes.
Le New York Times a également rapporté que le logiciel espion Pegasus avait été acheté par le FBI et qu’une équipe de NSO s’était rendue aux États-Unis pour le mettre en place.
Toutefois, l’article indique qu’après des tests approfondis, l’agence de sécurité américaine avait finalement décidé de ne pas déployer le logiciel espion.
Un porte-parole du FBI a déclaré au journal qu’ils examinaient souvent la possibilité d’utiliser de nouvelles technologies « non seulement pour explorer une utilisation légale potentielle, mais aussi pour combattre la criminalité et protéger le peuple américain et nos libertés civiles. Cela signifie que nous identifions, évaluons et testons régulièrement des solutions et des services techniques pour diverses raisons, notamment les problèmes opérationnels et de sécurité qu’ils pourraient poser entre de mauvaises mains ».