L’heure de vérité pour la démocratie israélienne
Dans l'état actuel des choses, malgré les discussions de compromis, la coalition devrait mener à bien sa révolution dans la gouvernance d'Israël, offrant tous les pouvoirs à Netanyahu
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

C’est un moment crucial pour la démocratie israélienne.
Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du droit et de la justice a prévu des sessions – de dimanche à mercredi prochain – qui viseront à finaliser la législation qui laissera dorénavant la majorité au pouvoir choisir les juges qui siègent à la Haute-cour et qui interdira tout réexamen judiciaire des Lois fondamentales quasi-constitutionnelles en Israël.
Ce projet de loi – d’autres textes viennent s’y ajouter, des textes qui sont actuellement présentés devant le parlement – neutralisera le système judiciaire israélien. Ce faisant, il offrira tous les pouvoirs à la majorité politique et il laissera nos droits les plus fondamentaux – le droit à l’égalité, l’état de droit, la liberté d’expression, les libertés religieuses, les élections – en état de vulnérabilité profonde face aux abus et aux caprices de la coalition.
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En planifiant ces audiences jusqu’à mercredi prochain, Rothman indique que la législation – qui a été adoptée en première lecture par les députés il y a deux semaines – ne sera pas présentée en séance plénière pour ses deux dernières lectures la semaine prochaine (la Knesset ne se rassemble que rarement le jeudi et une pause d’une durée minimale de 48 heures est habituellement nécessaire entre l’approbation d’un projet de loi en commission et un vote à la Knesset). Mais en théorie, Rothman pourrait décider, tel un rouleau compresseur, de présenter le projet de loi au vote dimanche, l’apportant devant la Knesset pour qu’il soit adopté presque immédiatement.
En effet, il s’agit d’un moment crucial.

Dans le cadre de cette course détraquée à la destruction du système démocratique de gouvernement, ce modèle qui se trouve au fondement de la création d’Israël et dans cette course effrénée vers la destruction des valeurs juives, Rothman et le ministre de la Justice, Yariv Levin, ont estimé dans un communiqué conjoint qui a été émis mardi « qu’un large consensus est à portée de main » sur la réforme judiciaire – une affirmation d’autant plus étrange qu’Israël est en train de connaître une déchirure profonde en raison de cette révolution dont ils sont les fers de lance pour le compte du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Les manifestations publiques se renforcent, le secteur technologique qui est le moteur de notre économie convulse et l’armée israélienne, l’armée qui garantit notre survie au quotidien, court le risque de se désintégrer, dans une ivresse de fureur et de désespoir partisan.

Dans des informations qui ont filtré auprès des programmes d’information en prime-time, mardi soir, certains, dans l’entourage de Netanyahu, ont fait savoir que le Premier ministre avait rencontré Levin à trois reprises au cours des cinq derniers jours pour l’exhorter à assouplir immédiatement les dispositions des législations, et qu’il a mentionné les conséquences désastreuses de cette initiative de refonte qui s’abattent d’ores et déjà sur la diplomatie, la sécurité, l’économie et la cohésion sociale dans le pays – ainsi que les répercussions essuyées par le soutien politique du public à la coalition.
Et pourtant, c’est Netanyahu, bien sûr, qui a nommé Levin au ministère de la Justice il y a à peine deux mois, alors qu’il savait très exactement les « réformes » que Levin avait l’intention d’imposer pour enchaîner la Haute-cour. C’est Netanyahu qui a constamment et ouvertement apporté son soutien à ces changements fondamentaux dans la gouvernance d’Israël au fur et à mesure de l’avancée des législations. C’est Netanyahu qui a traité les manifestants « d’anarchistes », qui a accusé les dirigeants des banques de créer la crise financière contre laquelle ils mettaient désespérément en garde et c’est lui encore qui a ignoré les supplications du président Isaac Herzog, qui demandait de permettre à un débat de bonne foi sur la refonte judiciaire de se dérouler en reportant la première lecture du principal projet de loi, le mois dernier.
Autre fuite, mardi, celle que « des proches de Levin » auraient salué une proposition de compromis en évoquant une « avancée » – une proposition faite par l’ex-ministre de la Justice Daniel Friedmann, l’ancien conseiller à la sécurité Giora Eiland et d’autres. L’entourage de Levin se serait réjoui « du premier cadre susceptible de servir de base dans un dialogue authentique ».

Eiland a affirmé mercredi matin que Levin et Rothman « sont conscients qu’il faudra qu’ils cèdent du terrain » et qu’il sera peut-être plus facile pour eux de le faire avec une feuille de route établissant un compromis qui leur serait offert par des personnalités extérieures et notamment par Friedmann, qu’ils respectent.
Eiland a déclaré que lui et ses collègues s’étaient efforcés d’aborder tous les principes essentiels qui se trouvent dans le paquet de réformes qui est actuellement avancée par la coalition, présentant des alternatives qui, selon eux, sont plus susceptibles d’être consensuelles. Et le document qu’ils ont soumis offre, en effet, des formules variées moins radicales – notamment en soumettant deux plans concernant la recomposition de la commission de sélection des juges et qui, l’un et l’autre, refusent à la coalition la majorité qu’elle réclame pour pouvoir choisir nos magistrats.
Malheureusement – et ce n’est pas une surprise – ce texte bref qui ne consiste qu’en deux pages n’est pas la panacée. Les protections apportées aux Lois fondamentales qu’il suggère, par exemple, sont moins que hermétiques – ce qui signifie que Netanyahu et les siens pourront toujours, en théorie, affirmer qu’ils ont accepté de changer de cap, qu’ils pourront accepter et légiférer le cadre proposé par Friedmann ou autre alternative s’en rapprochant, puis exploiter leurs faiblesses en revenant à leur projet d’origine.

Dans l’état actuel des choses, il n’y a tout simplement aucune raison de croire que Netanyahu, Levin et Rothman seront prêts à renoncer à ce qui est au cœur même de leur programme de réforme et qu’ils consentiront à une formule concernant la commission de sélection des juges dans le style de celle qui est proposée par Friedmann et qui n’est guère différente de celle qui prévaut aujourd’hui – la même qui, selon Levin, donne le sentiment à un si grand nombre d’Israéliens de ne pas se faire entendre des magistrats, de ne pas être représentés par ces derniers ; cette formule qui nécessite compromis et coopération pour l’approbation des candidats.
Mais dans le meilleur des cas, tout du moins, toute préparation à un plan de compromis sera mise tout d’abord à l’épreuve : celle de la réelle volonté de Rothman et de Levin et, par extension, de Netanyahu, de faire ce qu’ils ont refusé avec opiniâtreté il y a deux semaines, à savoir stopper le processus législatif brutal qui est actuellement en cours.

Au moment de la rédaction de cette opinion, ils font tout le contraire.
La commission de Rothman doit reprendre son ouvrage de démolition dimanche.
Et la promulgation du changement révolutionnaire dans la gouvernance d’Israël réalisé par la coalition de Netanyahu – le passage d’une démocratie libérale à un pays soumis à la tyrannie de la majorité, sous un Premier ministre tout-puissant – pourra survenir, après cela, à n’importe quel moment.
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