Netanyahu : pas de changement de politique après le retrait américain de Syrie
"Si besoin, nous allons même élargir nos actions là-bas", a affirmé le Premier ministre ; même son de cloche pour le chef de l'armée
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé dimanche que l’Etat hébreu continuerait de lutter contre l’implantation de l’Iran en Syrie, après l’annonce du retrait des soldats américains de Syrie.
Le président américain Donald Trump a annoncé mercredi le retrait complet des troupes américaines de Syrie, estimant avoir atteint son objectif de « vaincre » le groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans ce pays.
Pour Israël, la présence américaine sur le sol syrien constituait un rempart contre l’implantation de son ennemi iranien et un contrepoids à l’importante influence russe.
La Russie et deux des grands ennemis d’Israël, le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et l’Iran sont des alliés du régime de Bachar al-Assad dans la guerre civile qui dévaste la Syrie.
« La décision de retirer les 2 000 soldats américains de Syrie ne changera pas la cohérence de notre politique », a déclaré le Premier ministre israélien au début du conseil des ministres hebdomadaire.
« Nous allons continuer à agir contre la tentative de l’Iran d’établir une présence militaire en Syrie et si besoin, nous allons même élargir nos actions là-bas », a-t-il ajouté, précisant qu’il voulait « calmer ceux qui sont inquiets » et que la coopération avec les Etats-Unis était « pleinement » maintenue.
La décision du président Trump de retirer les troupes américaines de Syrie – et de réduire la présence en Afghanistan – a mené à la démission du ministre de la Défense Jim Mattis, en désaccord avec la nouvelle stratégie de la Maison blanche.
L’émissaire des Etats-Unis pour la coalition internationale anti-jihadistes Brett McGurk a également présenté sa démission vendredi.
« La décision américaine de retirer ses troupes de la Syrie est un événement important, mais il n’y a pas de raisons de l’exagérer. Nous gérons seul ce front depuis des décennies », a déclaré dimanche le chef de l’armée israélienne Gadi Eizenkot, s’exprimant au Centre interdisciplinaire d’Herzliya (IDC) lors d’un événement annuel organisé en l’honneur de l’ancien chef de l’armée israélienne Amnon Lipkin-Shahak.
« C’était une décision américaine. Tsahal a opéré de manière indépendante pendant tout ce temps, y compris pendant la présence américaine et russe », a souligné Eizenkot, qui va quitter ses fonctions à la mi-janvier.
Des officiels israéliens ont soigneusement évité de critiquer publiquement la décision américaine de retirer ses troupes de Syrie, même si des analystes de la défense ont averti que la décision constituerait une importante aubaine pour l’Iran, ennemi juré de l’état juif, et pour une Turquie ouvertement antagoniste.
Selon des médias israéliens, M. Netanyahu pourrait s’entretenir du dossier syrien avec le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo au Brésil en marge de l’intronisation du président Jair Bolsonaro le 1er janvier. Le bureau du Premier ministre n’a pas confirmé.
Dimanche, Ayelet Shaked, la ministre de la Justice, a expliqué que la décision « ne nous aide pas », même si elle a insisté qu’Israël serait toujours capable de se défendre.
Le parti pro-implantations HaBayit HaYehudi de Shaked soutient ouvertement Trump, tout particulièrement depuis sa reconnaissance de Jérusalem comme la capitale d’Israël en décembre dernier, et avec le transfert de l’ambassade américaine dans la capitale en mai.
Dimanche matin, dans un entretien à la Radio de l’Armée, elle a prévenu que le retrait américain renforcerait « le criminel de guerre antisémite » Recep Tayyip Erdogan de Turquie. Elle a cependant essayé de minimiser les craintes que cette décision pourrait affaiblir la sécurité d’Israël.
« Ce n’est certainement pas une bonne chose, a-t-elle déclaré au sujet de la décision de Trump, avant d’ajouter, « le président des Etats-Unis, Donald Trump, est un grand ami d’Israël, et cette administration est, je pense, l’administration la plus amicale de toute l’histoire ».
Elle a prévenu : « Cette décision n’aide pas Israël. Elle renforce Erdogan, un criminel de guerre antisémite qui massacre le peuple kurde, et le fait avec le consentement silencieux de la communauté internationale ».
Israël, a-t-elle insisté, « saura encore comment se défendre après ce retrait, s’il a lieu. C’est vrai que cela ouvre plus de places pour une voie entre l’Iran et la Syrie, mais tout comme nous savons comment nous défendre maintenant, nous saurons comment traiter cette nouvelle situation ».
Ce retrait américain prive les Américains d’influence dans la Syrie dévastée par la guerre civile et laisse notamment la milice kurde des YPG sans soutien militaire alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan menace de l’attaquer, considérant les combattants kurdes comme des terroristes.
Israël a mené des dizaines de frappes en Syrie depuis le déclenchement de la guerre dans ce pays en 2011, contre des positions du Hezbollah et des intérêts iraniens mais aussi contre des convois d’armes destinés au mouvement terroriste libanais.
Mais les opérations israéliennes en Syrie sont plus compliquées depuis qu’un avion militaire russe a été abattu par erreur par la défense anti-aérienne syrienne, après un raid israélien dans le pays, le 17 septembre.
La Russie a depuis annoncé de nouvelles mesures de sécurité visant à protéger son armée engagée en Syrie, dont le renforcement de la défense antiaérienne du régime, avec des batteries S-300 et le brouillage des communications d’avions se trouvant à proximité.