Oscars : « The Fabelmans », le film intimiste de Spielberg, repart bredouille
Cette fiction inspirée de la vie du réalisateur s'est inclinée face à "Everything Everywhere All at Once" ; le producteur juif de "A l'ouest, rien de nouveau" remporte quatre statuettes
JTA – Avec sept nominations pour le film le plus personnel de toute sa carrière de réalisateur prodige, cette édition 2023 des Oscars aurait pu être un couronnement pour Steven Spielberg. Cela n’a pas été le cas.
« The Fabelmans, » le long-métrage le plus intimiste de Spielberg dans lequel il évoque son éducation juive – romancée – est reparti les mains vides dimanche soir. Le film s’est incliné dans la catégorie du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure actrice et du meilleur scénario original face à « Everything Everywhere All At Once », grand vainqueur de la cérémonie avec sept statuettes.
Mais si le film le plus juif n’a rien remporté, d’autres histoires juives ont également été mises à l’honneur lors de cette grande soirée du cinéma.
Les folies des ‘Fabelmans’
L’œuvre autobiographique de Spielberg est peut-être repartie les mains vides dimanche, mais elle a remporté un prix de consolation : « The Fabelmans » a été la punchline favorite du présentateur de la soirée, Jimmy Kimmel. Kimmel a utilisé son monologue pour faire une série de plaisanteries sur le film, notamment en qualifiant Spielberg et sa star, Seth Rogen, de « Joe et Hunter Biden de Hollywood »; en présumant que Judd Hirsch, sa co-star, était en fait Tom Cruise, absent de la cérémonie, dissimulé sous un masque et en avertissant tous ceux qui pouvaient prévoir de lui donner une gifle dans le pur style Will Smith que « il va falloir que vous passiez à travers les Fabelmans pour arriver jusqu’à moi ».
Kimmel a remis le couvert plus tard, alors qu’il accueillait Paul Dano et Julia Louis-Dreyfus pour présenter un prix. Kimmel a donc annoncé l’arrivée « du papa de Steven Spielberg et de la maman de Jonah Hill », en référence non seulement au rôle tenu par Dano dans « The Fabelmans, » mais aussi au rôle de mère juive désemparée de Louis-Dreyfus dans le film de Netflix très décrié « You People ».
« A l’Ouest, rien de nouveau » en première ligne
« A l’Ouest, rien de nouveau », le drame éprouvant de Netflix consacré aux soldats allemands qui se trouvaient en première ligne pendant la Première guerre mondiale, a raflé quatre Oscars : celui du meilleur film étranger, celui de la meilleure bande-originale, celui de la meilleure photographie et celui du meilleur décor. En plus d’avoir un producteur juif, le long-métrage a aussi été adapté d’un roman et d’un film, en 1930, qui avaient tous les deux suscité l’ire du parti nazi, qui avait fait savoir qu’ils relevaient d’un complot juif visant à détruire l’État allemand.
Autre vainqueur anti-dictateur, dimanche, « Pinocchio par Guillermo Del Toro » qui a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation. Ce film Netflix, qui se déroule dans l’Italie fasciste, comprend une scène de Pinocchio raillant le Duce lui-même, Benito Mussolini.
Un « frère [juif] des Goonies pour la vie »
L’un des moments les plus émouvants de la soirée a été la victoire remportée par Ke Huy Quan dans la catégorie du meilleur second rôle masculin dans « Everything Everywhere All At Once. » Quan, qui avait fait du cinéma quand il était enfant, avait abandonné sa carrière d’acteur pendant de longues décennies avant de faire un come-back très remarqué, l’année dernière. Dans son discours, après la remise de son prix, Quan a lancé un appel particulier en direction de « mon frère des Goonies pour la vie », Jeff Cohen — ancien enfant star juif devenu avocat spécialisé dans le cinéma et dans Hollywood. Cohen et Quan faisaient partie du casting des « The Goonies », un film sorti en 1985 et quand Quan avait obtenu son rôle dans « Everything Everywhere », c’était Cohen qui avait négocié les dispositions de son contrat.
Jamie Lee Curtis et Sarah Polley
Il y a toutefois eu deux vainqueurs des Oscars dont les parents sont Juifs. Après l’intervention émouvante de Quan, l’actrice Jamie Lee Curtis a gagné son tout premier Oscar, également pour « Everything Everywhere. » Un grand moment pour la star de « Halloween ». « Mon père et ma mère avaient été tous les deux nominés aux Oscars dans différentes catégories », a noté Curtis pendant son discours. Tony Curtis, le père juif de Jamie Lee, faisait partie des plus grandes stars de l’âge d’or hollywoodien. Il n’avait pourtant été nominé aux Oscars qu’à une seule occasion, pour « La Chaîne », en 1959.
Autre lauréate dont le père est juif : la scénariste, actrice et réalisatrice Sara Polley, qui a remporté l’Oscar du meilleur scénario pour « Women Talking. » Polley avait exploré le secret de ses parents biologiques dans un documentaire de 2013, « Stories We Tell ». « Women Talking » se déroule dans une communauté religieuse différente : une communauté menonnite isolée où les femmes ont systématiquement été victimes de violences sexuelles de la part des hommes.
Navalny et les néo-nazis
L’Oscar du meilleur documentaire a été attribué à un portrait du leader de l’opposition russe Alexei Navalny, dont l’empoisonnement, en 2020, par le KGB – survenu après des critiques publiques du président Vladimir Poutine – avait fait scandale à l’international. Nalvalny est actuellement placé à l’isolement dans une prison russe ; les réalisateurs du film lui ont dédicacé leur prix. Le documentaire entre aussi dans le détail d’un aspect plus controversé de la campagne menée par Navalny : son soutien ponctuel à la « marche russe », un rassemblement d’organisations néo-nazies.
La situation sans issue de Diane Warren
Saviez-vous que l’autrice-compositrice Diane Warren a été nominée aux Oscars pas moins de 14 fois ? La chanteuse Sofia Carson l’a rappelé dans la soirée, au cours de la remise des prix de la meilleure chanson originale. Warren, qui est Juive, l’a rejoint sur scène pendant la chanson « Applause », un titre qu’elle a composé pour le documentaire féministe « Tell It Like A Woman. » Elle n’a jamais remporté la fameuse statuette et, malheureusement pour elle, elle s’est encore inclinée dimanche alors que « Naatu Naatu », la chanson virale du film indien « RRR, », s’emparait de l’Oscar. (En consolation, Warren a reçu un Oscar honoraire aux Governor’s Awards qui ont précédé la diffusion à la télévision).
L’autre grand oublié
Autre fiasco, celui de « Tár, » le drame psychologique cérébral sur fond de musique classique avec ses thématiques juives quelque peu inexplicables.
Hommage à l’Histoire juive de Hollywood
La diffusion de la cérémonie a compris une vidéo promotionnelle pour l’Academy Museum, qui a ouvert ses portes l’année dernière pour célébrer l’histoire de Hollywood. Dans la vidéo, l’une de ses conservatrices, Dara Jaffe, explique que l’un des rôles du musée est « de mettre en lumière d’importantes histoires du cinéma, de ces immigrants juifs qui ont fondé les studios de Hollywood aux tous premiers réalisateurs innovateurs du cinéma afro-américain ». Une inclusion notable parce que le musée avait été très critiqué, lors de son ouverture, pour ne traiter que très peu du rôle pourtant important tenu par les Juifs dans l’industrie. Jaffe avait été engagée pour mettre en place une exposition permanente sur le sujet suite à cette controverse, une exposition qui n’a pas encore ouvert ses portes.
On this #Oscars night, we celebrate the incredible work of our team at the Academy Museum. This institution advances the understanding, celebration, and preservation of cinema through inclusive and accessible exhibitions, screenings, programs, initiatives, and collections. pic.twitter.com/6DEM9TUXiG
— Academy Museum of Motion Pictures (@AcademyMuseum) March 13, 2023