Israël en guerre - Jour 426

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Pendant des années, Netanyahu aurait refusé de tuer des chefs terroristes, minimisant la menace du Hamas

Une enquête de la chaîne d'information N12 a fait état d'une inaction persistante et de tentatives d'apaisement à l'égard du groupe terroriste, malgré les avertissements répétés des responsables de la sécurité

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu participant à une conférence de presse au service de presse du gouvernement, à Jérusalem, le 4 septembre 2024. (Crédit : Abir Sultan/Pool via AP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu participant à une conférence de presse au service de presse du gouvernement, à Jérusalem, le 4 septembre 2024. (Crédit : Abir Sultan/Pool via AP)

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ignoré, pendant de longues années, les mises en garde lancées par les chefs des services de sécurité face à la menace croissante qui émanait de Gaza, rejetant les projets répétés qui visaient à assassiner Yahya Sinwar et Muhammad Deif, les chefs du groupe terroriste, a affirmé un reportage qui a été diffusé samedi sur une chaîne de télévision. Ce reportage a examiné en profondeur ce qui, selon lui, a été la conduite de longue date du Premier ministre face aux terroristes du Hamas – une conduite combinant inaction et tergiversations – dans les années qui ont précédé le pogrom commis dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.

Le bureau de Netanyahu a vertement rejeté les accusations lancées par la chaîne d’information N12 – dont le reportage très détaillé a souligné la priorité accordée par le Premier ministre à la nécessité de conserver son image de « monsieur sécurité » et son aversion à l’égard de la prise de risque. Deux facteurs qui, selon le reportage, aident largement à expliquer pourquoi le pays était si mal préparé à faire face à l’attaque sanglante perpétrée par les hommes armés du Hamas. Le 7 octobre dernier, plus de
1 200 personnes avaient été tuées et plus de 250 personnes avaient été kidnappées, prises en otage dans la bande de Gaza.

La chaîne a indiqué que le Premier ministre avait reçu des renseignements détaillés, en 2014, concernant le projet de prise d’assaut d’Israël qui était envisagé par le Hamas. Dans les années qui avaient suivi, des membres du groupe terroriste s’étaient approchés de la clôture frontalière mais le Premier ministre avait bloqué toute riposte significative.

En 2018, selon N12, Netanyahu avait refusé une proposition qui avait été soumise par le Shin Bet et par le ministre de la Défense de l’époque, Avigdor Liberman, qui portait sur l’assassinat des hauts-responsables du groupe terroriste – Sinwar et Deif figuraient alors sur cette liste – et il avait préféré envoyer à ce moment-là le chef du Mossad, Yossi Cohen, au Qatar, pour tenter de convaincre l’émirat du Golfe d’envoyer de l’argent au Hamas en échange du maintien du calme à la frontière de l’enclave côtière.

Selon le reportage, Netanyahu avait également choisi d’ignorer les renseignements qui laissaient entendre que le Qatar transmettait aussi des fonds à l’aile armée du Hamas. Il avait même envoyé le numéro un du Commandement du sud, Herzi Halevi, à Doha en 2020, avec pour objectif de convaincre les dirigeants de continuer à financer le groupe terroriste, alors que les Qataris avaient fait part de leur volonté de cesser les transferts d’argent.

Netanyahu avait aussi rejeté les plans visant à tuer les chefs du Jihad islamique palestinien et des terroristes en Cisjordanie, et il avait délibérément manqué une opportunité d’assassiner l’homme qui dirigeait le puissant Corps des gardiens de la révolution iraniens, Qassem Soleimani, a ajouté le reportage.

Soleimani avait finalement trouvé la mort dans une frappe au drone américaine, en 2020. Le président Donald Trump, qui était à la Maison Blanche pendant cette période, a depuis confié que Netanyahu l’avait « déçu » sur ce sujet, ajoutant que le Premier ministre avait cherché, à tort, à s’attribuer le mérite de cet assassinat.

Après un attentat à la bombe qui avait été perpétré par un membre du Hezbollah dans le nord d’Israël, dans les profondeurs du territoire, au mois de mars 2023, Halevi et Bar avaient averti Netanyahu que la probabilité d’une guerre était élevée et qu’il devait prendre la décision de passer à l’offensive contre les chefs terroristes, a dit la Douzième chaîne. Ce que Netanyahu avait encore une fois refusé.

Six jours avant le pogrom du 7 octobre, Bar avait présenté au Premier ministre, semble-t-il, un plan d’assassinat des chefs du Hamas tandis que Halevi avait indiqué que l’État juif devait se préparer à la guerre contre le groupe terroriste palestinien. Netanyahu avait hésité – et le Conseiller à la sécurité nationale Tzachi Hanegbi avait finalement déclaré au micro d’une station de radio que le Hamas était dissuadé d’attaquer Israël.

Des enregistrements de Sinwar

Le reportage a affirmé que vers 2018, les services de renseignement avaient obtenu des enregistrements de Sinwar où il évoquait une invasion massive par la frontière de Gaza. Des enregistrements qui étaient venus s’ajouter aux avertissements lancés par les soldats chargés de la surveillance des frontières qui faisaient état d’entraînements en vue d’une attaque de grande ampleur à la clôture qui sépare la bande de l’État juif.

Le contexte dans lequel Sinwar s’était exprimé, dans ces enregistrements, était celui de « la grande marche du retour », un mouvement de protestation massif qui se caractérisait par des rassemblements hebdomadaires et par des émeutes à la frontière – les manifestants et les terroristes du Hamas y affrontaient régulièrement les troupes israéliennes stationnées dans le secteur.

Le reportage a affirmé que l’administration des renseignements militaires avait enregistré Sinwar en train d’évoquer auprès de hauts-responsables du groupe terroriste son idée d’envoyer des centaines de terroristes de l’unité d’élite Nukhba prendre d’assaut la clôture, pour « trouver les soldats sur les talus, se saisir de l’un d’entre eux et revenir. » Il ajoutait que des masses de jeunes hommes pourraient ensuite « courir vers les kibboutzim, où ils savent déjà ce qu’ils ont à faire ».

Ce qui était le plan qui a été suivi par Sinwar lors du pogrom du 7 octobre, a fait remarquer le reportage, qui a souligné que l’armée en connaissait déjà, par conséquent, ses principaux éléments cinq ans avant son exécution : la prise d’assaut de la frontière, l’enlèvement de militaires et l’attaque des communautés de la zone.

Les restes des destructions causées par les terroristes du Hamas lorsqu’ils ont infiltré le kibboutz Nirim le 7 octobre 2023, près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d’Israël, le 21 janvier 2024. (Crédit : Yossi Aloni/Flash90)

Le reportage a cité les propos tenus par Zvi Hauser, ancien président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, qui avait dit que « le problème, ce n’est pas ce que les renseignements ne savaient pas mais le fait qu’Israël, qui savait pertinemment quelle était la réalité dans le secteur, n’a pas agi de façon proactive ».

Au lieu de se focaliser sur les renseignements portant sur les plans d’attaque, au lieu de prendre pour cible les chefs du Hamas, Netanyahu s’était concentré sur la construction d’une barrière de séparation à la pointe de la technologie à la frontière qui, selon lui, éloignait toute menace à grande échelle du territoire israélien, a affirmé le reportage.

Mais cette nouvelle barrière s’était focalisée, avant tout, sur la défense contre les tunnels souterrains : N12 a fait remarquer que 3,5 milliards de shekels avaient été investis dans les travaux entrepris sous la surface du sol, bloquant les tunnels du groupe terroriste mais que seulement 3 % du budget total, soit 122 millions de shekels, avaient été dépensés pour édifier la clôture terrestre.

Et la barrière n’avait nullement été construite en anticipant une attaque et une infiltration massive à la surface – retardant, au mieux, les agresseurs pendant une quinzaine de minutes. Elle n’avait pas été construite non plus pour résister aux explosifs et elle était susceptible de ployer face à des engins lourds tels que des tracteurs ou des bulldozers, a fait remarquer le reportage.

Des Palestiniens venus de Gaza pénètrent en Israël par la barrière frontalière, le 7 octobre 2023. (Reuters/Mohammed Fayq Abu Mostafa)

Le refus de prendre pour cible les chefs terroristes

Le reportage a également établi que Netanyahu avait rejeté de manière répétée les recommandations faites par l’armée, qui conseillait d’éliminer les responsables du Hamas, privilégiant à la place des solutions non-militaires, comme l’obtention du soutien financier du Qatar pour la bande de Gaza – et cela avait continué à être le cas même face aux hésitations de l’État du Golfe. Ces fonds avaient finalement financé l’arsenal militaire du groupe terroriste.

Malgré les mises en garde répétées des responsables de la Défense dans un contexte d’escalade des violences entre Israël et le Hamas, en 2021, Netanyahu avait continué à minimiser les risques, préférant continuer ses manœuvres politiques, a dit le reportage. Il a ajouté que le Premier ministre s’était opposé aux suggestions qui lui étaient faites par l’armée israélienne et par le Shin Bet, qui lui conseillaient de mener des assassinats ciblés à l’encontre des deux principaux dirigeants du Hamas, Sinwar et Deif, quand l’occasion s’en présenterait. (Les deux hommes ont finalement été tués, ces derniers mois, pendant la guerre qui est actuellement en cours).

Des partisans houthis brandissant une affiche du dirigeant du Hamas Yahya Sinwar, éliminé par les troupes israéliennes à Gaza, lors d’un rassemblement anti-Israël à Sanaa, au Yémen, le 18 octobre 2024. (Crédit : Osamah Abdulrahman/AP)

Puis étaient arrivés, en 2023, le plan de refonte radicale du système judiciaire qui était avancé par le gouvernement et les manifestations massives dénonçant ce dernier – les hauts-responsables militaires avaient averti à de multiples reprises que les divisions qui fracturaient le pays dans ce contexte affaiblissaient Israël, rendant le pays vulnérable face aux attaques. Netanyahu, très déterminé à mener à bien ce projet de réforme, avait alors dépeint les chefs de l’armée sous les traits d’autant d’acteurs politiques partisans qui n’avaient comme seul objectif que celui de s’en prendre à lui personnellement.

Selon le reportage, la division de recherche de Tsahal avait envoyé un courrier à Netanyahu où elle affirmait que « dans les réunions à huis-clos et dans les discussions de nos ennemis en Iran, au Liban et dans la bande de Gaza, ils évaluent que cette fureur intérieure au sujet du plan de refonte du système de la justice israélien est une crise profonde qui place Israël dans un état de faiblesse presque sans précédent depuis la fondation du pays ».

Le reportage a déclaré que pendant toute l’année 2023, les leaders militaires et les chefs des services de renseignement avaient approché continuellement le Premier ministre en le mettant en garde contre une attaque imminente – mais que Netanyahu avait ignoré et rejeté ces avertissements, excluant toute possibilité d’agression extérieure.

Le 1er octobre 2023, soit six jours avant le pogrom, Netanyahu avait rencontré le chef d’état-major et le dirigeant du Shin Bet, qui lui avaient encore fait part d’une menace croissante.

De gauche à droite : Le ministre de la Défense Yoav Gallant, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi et le directeur de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet Ronen Bar dans la salle d’opérations spéciales supervisant une mission de libération d’otages dans la bande de Gaza, le 8 juin 2024. (Crédit : Agence de sécurité intérieure du Shin Bet)

« Nous devons nous préparer à une campagne majeure contre le Hamas », avait dit Herzi Halevi, le chef d’état-major de Tsahal, selon la chaîne N12.

« Sinwar se sent de plus en plus libre de passer à l’action et il doit être éliminé », aurait confié, pour sa part, le numéro un du Shin Bet, Ronen Bar, qui avait présenté un plan visant à éliminer les dirigeants du groupe terroriste, notamment Sinwar et Deif.

Mais une fois encore, Netanyahu avait opposé un refus obstiné.

Six jours plus tard, Sinwar et Deif avaient pris la tête de l’attaque coordonnée du groupe terroriste dans le sud d’Israël, envoyant des milliers d’hommes armés sur le territoire. Ils avaient massacré les civils dans leurs habitations et ils avaient exécuté de sang-froid les festivaliers qui prenaient part à une rave-party, commettant des violences sexuelles à grande échelle et autres atrocités alors même que l’armée israélienne peinait à réellement saisir l’ampleur de l’assaut.

Le pogrom avait été à l’origine de la guerre qui entre dorénavant dans son 14e mois et elle s’est propagée dans toute la région sur de multiples fronts.

« Ils ont élaboré un plan pour sauver Netanyahu »

Par ailleurs, la chaîne N12 a cité les propos tenus par une source proche du Bureau de Netanyahu qui aurait déclaré que le 8 octobre déjà – au lendemain de l’attaque – le Premier ministre « avait demandé à ses conseillers d’élaborer un plan d’action pour l’exonérer de toute responsabilité dans ce qui s’était passé. Et tout a commencé à se dérouler à partir de là ».

« Les enquêtes ouvertes par la police et qui ont été rendues publiques ne sont que le sommet de l’iceberg », a affirmé la source. « La police ne comprend pas ce qui est arrivé au sein du bureau du Premier ministre après le 7 octobre. Alors que des parents ne savaient toujours pas ce qui était arrivé à leurs enfants, alors que des familles entières étaient prises en otage, ils élaboraient un plan pour déterminer comment sauver Netanyahu ».

« Des mensonges sans fondement »

Réagissant au reportage, le bureau du Premier ministre a évoqué « un recyclage de mensonges sans fondement qui ont été réfutés dans le passé et qui visent à discréditer le Premier ministre Netanyahu, qui fait connaître actuellement à Israël des réussites sans précédent sur sept fronts ».

Le bureau a également rejeté une affirmation faite dans le reportage – qui a laissé entendre que l’État juif n’avait pas les capacités nécessaires pour attaquer les structures nucléaires de l’Iran en 2018. Il a aussi établi que « les affirmations concernant Soleimani sont un mensonge », même s’il est difficile de dire si le bureau voulait démentir le fait que le Premier ministre avait manqué une opportunité de tuer le général iranien ou s’il voulait démentir les paroles prononcées par Trump, qui avait reproché au Premier ministre d’avoir cherché à s’attribuer le mérite de l’assassinat du chef terroriste.

Un manifestant brandissant une affiche de feu le général Qassem Soleimani, de la Force Al-Qods du CGRI, qui a été tué lors d’une attaque de drone américaine en 2020 en Irak, lors d’un rassemblement anti-Israël devant l’ambassade britannique à Téhéran, en Iran, le 14 avril 2024. La manifestation a eu lieu alors que l’Iran lançait sa première attaque militaire directe contre Israël. (Crédit : Vahid Salemi/AP)

Le communiqué du bureau a aussi insisté sur le fait que le Premier ministre n’avait eu connaissance de renseignements portant sur un plan d’attaque massive du Hamas qu’après le pogrom du 7 octobre.

Le bureau a aussi affirmé que Netanyahu avait élargi l’opération Gardiens des murs, en 2021, pour tenter d’assassiner Deif et il a fait remarquer qu’il était aux commandes quand le leader du Jihad islamique palestinien, Baha Abu al-Ata, avait été tué en 2019.

Le bureau a déclaré que la communauté des renseignements s’était accordée sur le fait que Hamas avait été dissuadé d’attaquer d’Israël et qu’il pouvait être incité à accepter un cessez-le-feu à long terme par le biais d’accords économiques. Il a ajouté qu’il n’y avait jamais eu d’informations laissant entendre que l’argent qatari était utilisé à des fins terroristes.

La principale menace aux yeux des services de renseignement israéliens, a poursuivi le bureau du Premier ministre, émanait des tunnels souterrains, dont le danger avait été déjoué lorsque Netanyahu avait fait construire la barrière souterraine malgré l’opposition des chefs de la sécurité.

« Aucune tentative de réécrire l’Histoire ne changera les faits », a assuré le Bureau du Premier ministre dans son communiqué.

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