Pendant la guerre en Israël-Iran, WCK a nourri les Israéliens en difficulté
Un an après que Tsahal a tué 7 humanitaires lors d'une attaque accidentelle contre un convoi à Gaza, l'ONG fournit de la nourriture aux premiers intervenants et aux milliers de déplacés par les frappes aux missiles

Quand Ruthie Rousso, une habitante de Tel Aviv, entend le cri des sirènes annonçant l’arrivée de missiles iraniens, elle court se mettre à l’abri avec sa famille, comme le fait également tout le reste de la population du pays.
Mais dès qu’elle est en sécurité, cette responsable des opérations au sein de l’organisation à but non-lucratif World Central Kitchen, en Israël, commence à calculer les quantités d’eau et le nombre de sandwichs qui pourraient s’avérer être nécessaires pour répondre aux besoins des premiers intervenants et des personnes évacuées en cas de frappe aux missiles. Son esprit s’affaire alors à déterminer la logistique qui devra être mise en place.
« Nous entendons les explosions, et elles sont véritablement effrayantes dans la mesure où mes filles sont avec moi et où la situation est vraiment terrifiante », dit-elle par téléphone au Times of Israel. « Mais en même temps, à chaque explosion, je me dis : ‘Bon, ça va faire 400 bouteilles d’eau de plus. Où est-ce qu’on va trouver toute cette eau ?… Et on n’a pas commandé assez de pain, il va en falloir plus ».
« En gros, je calcule ce que je dois faire pour survivre et je calcule aussi ce que je dois faire pour continuer à fonctionner », ajoute-t-elle.
Créée en 2010 par le célèbre chef hispano-américain José Andrés, l’ONG World Central Kitchen œuvre dans le monde entier en fournissant des repas frais en réponse aux crises humanitaires, climatiques et communautaires.
Au cours de la dernière semaine, l’organisation a servi environ 20 000 repas aux Israéliens touchés par le conflit avec l’Iran, dit Rousso.

« À ce stade, la majorité des Israéliens sont touchés par la guerre », souligne-t-elle. « Mon travail consiste à identifier les personnes les plus impactées. Nous nous concentrons donc principalement sur la nécessité de donner de quoi manger aux personnes qui se trouvent sur les sites qui ont été directement touchés par les frappes aux missiles ».
Jusqu’à présent, l’Iran a lancé plus de 500 missiles. Si la majorité d’entre eux ont été interceptés, certains sont toutefois parvenus à traverser le bouclier assuré par le système de défense antiaérienne israélien. Des attaques qui ont pris pour cible des immeubles résidentiels, une université, un hôpital et d’autres sites sensibles et qui ont entraîné la mort de 24 personnes, faisant également des milliers de blessés.
L’équipe de World Central Kitchen en Israël est composée de quatre membres du personnel et de plusieurs dizaines de bénévoles, sans compter les chefs et les employés des restaurants et des cuisines partenaires qui préparent les repas.

Ensemble, ils fournissent de l’eau fraîche, des sandwichs et des lingettes humides pour permettre aux gens de se laver les mains avant de manger.
« Nous coordonnons nos efforts avec le Magen David Adom, avec la police et les municipalités », explique Ruthie Rousso. « Souvent, nous rencontrons également des évacués qui quittent des bâtiments endommagés ou des personnes qui reviennent chercher ce qu’elles peuvent dans leurs maisons, alors nous leur donnons aussi à manger ».
World Central Kitchen distribue également de la nourriture aux Israéliens qui trouvent un refuge dans les abris publics, des abris qui restent ouverts toute la nuit.
« Ces installations sont principalement destinées aux personnes âgées, aux familles et aux personnes handicapées qui n’ont pas d’abri chez elles et pour qui il est trop difficile de courir dans tous les sens, alors elles passent la nuit là-bas », explique Rousso. « Nous veillons à ce qu’elles aient au moins de quoi se nourrir gratuitement ».
World Central Kitchen est aussi l’un des nombreux groupes qui préparent des repas aux évacués qui sont hébergés dans des hôtels et qui n’ont pas de cuisine. Selon Rousso, l’organisation est actuellement au service de quelques centaines des 10 000 Israéliens environ qui ont été déplacés par la guerre jusqu’à présent.
La nourriture fournie dans les espaces publics est casher, tandis que dans les hôtels, elle dépend des besoins des bénéficiaires.
40 000 repas par jour
L’ONG World Central Kitchen est peut-être davantage connue dans la région pour le travail qu’elle effectué auprès de la population de Gaza, dans le contexte de la guerre qui oppose actuellement le groupe terroriste du Hamas au pouvoir à Israël. Il y a notamment eu, au mois d’avril 2024, un affrontement meurtrier avec les forces israéliennes.
Le travail du groupe avait pourtant commencé sur le sol israélien, où il était intervenu juste après le massacre du 7 octobre 2023.
Au cours de l’offensive du Hamas, des milliers de terroristes avaient pris d’assaut Israël depuis l’enclave côtière. Les hommes armés avaient commis un carnage dans le sud de l’État juif, tuant plus de 1 200 personnes, et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage à Gaza. Des communautés entières avaient été détruites, laissant des dizaines de milliers de personnes sans abri.
Vingt-quatre heures plus tard, le groupe terroriste libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, avait commencé à attaquer des villes du nord de l’État juif, entraînant l’évacuation de dizaines de milliers de personnes supplémentaires. Au total, 140 000 personnes s’étaient retrouvées sans abri en Israël à la suite de cette guerre menée sur plusieurs fronts.
Peu après l’attaque, Russo avait été contactée par la cheffe Karla Hoyos, avec laquelle elle avait fait du bénévolat dans une cuisine gérée par World Central Kitchen en Ukraine, l’année précédente, alors que le pays venait d’être envahi par la Russie.

« Karla m’a envoyé un message pour me demander comment j’allais », raconte Ruthie Rousso. « Je lui ai répondu que je n’avais jamais eu aussi peur de ma vie. Elle m’a répondu qu’elle allait venir ».
World Central Kitchen avait alors envoyé une délégation de 15 personnes en provenance du monde entier en Israël, pour fournir quelque 40 000 repas par jour à des dizaines de milliers d’Israéliens déplacés par la guerre et à ceux qui en avaient besoin.
« Nous avons interrompu notre première opération au mois de janvier 2024 et nous l’avons reprise au mois de juin dernier après l’escalade de la guerre dans le nord d’Israël, avec pour objectif de fournir des repas à ceux qui ne pouvaient pas évacuer la région « , raconte Rousso. « Nous avons travaillé dans le nord du pays jusqu’au mois de janvier. Au cours des derniers mois, nous avons mené des opérations à plus petite échelle. »
World Central Kitchen a notamment fourni trois repas thaïlandais par jour aux otages thaïlandais qui étaient hospitalisés en Israël après leur libération par le Hamas, en janvier. L’organisation a aussi nourri les membres des services de secours et les personnes évacuées lors des incendies qui ont ravagé Jérusalem, au mois de mai.
« Pendant les incendies, j’ai envoyé un SMS au chef José qui m’a simplement répondu de m’assurer que les pompiers avaient bien toute l’eau et toute la nourriture dont ils avaient besoin », raconte-t-elle.
Retour dans une bande de Gaza en ébullition
À Gaza, la campagne militaire israélienne visant à renverser le Hamas et à libérer les otages avait rapidement déplacé une grande partie de la population de la bande, qui compte plus de deux millions d’habitants. Un grand nombre de résidents sont encore aujourd’hui sans abri.
Alors que les Gazaouis réclamaient de l’aide, plusieurs organisations humanitaires soutenues par l’ONU avaient distribué des denrées alimentaires de base – comme de la farine et du riz. Mais comme beaucoup n’avaient pas les moyens de cuisiner, World Central Kitchen avait joué un rôle important en distribuant des repas chauds au sein de l’enclave côtière.

Saifeddin Issam Ayad Abutaha, Lalzawmi (Zomi) Frankcom, Damian Soból, Jacob Flickinger, James Kirby, James (Jim) Henderson et John Chapman. (Crédit : World Central Kitchen/X)
Le travail des bénévoles de l’organisation avait fait les gros titres, le 1er avril 2024, lorsque l’armée israélienne avait frappé par erreur un convoi de World Central Kitchen, tuant sept travailleurs humanitaires — six étrangers et un Palestinien. Les autorités avaient alors évoqué « un accident tragique ».
« Cela a été dévastateur », dit Rousso. « Et ça l’est toujours. Cet incident reste profondément ancré dans le cœur de toutes les personnes impliquées au sein de WCK. C’est une tragédie profonde. »

Malgré cet incident meurtrier, World Central Kitchen avait repris ses activités à Gaza moins d’un mois plus tard.
Au cours des 18 premiers mois de la guerre, le groupe a distribué plus de 130 millions de repas et 26 millions de pains.
Le 7 mai, l’ONG a annoncé qu’elle était contrainte de fermer ses cuisines après avoir épuisé ses stocks de denrées alimentaires. Israël avait commencé à empêcher l’entrée des aides dans la bande de Gaza au mois de mars, accusant le Hamas de détourner les marchandises afin de renforcer son pouvoir.
L’assistance a pu de nouveau pénétrer au sein de l’enclave côtière en date du 19 mai, mais les organisations humanitaires dénoncent la lenteur de l’acheminement des produits. Samedi, World Central Kitchen a annoncé que certaines de ses cuisines avaient repris la préparation des repas après avoir reçu leurs premières livraisons.

« Ces premières livraisons de secours représentent une étape importante mais les effets d’une famine prolongée ne disparaissent pas du jour au lendemain », a déclaré l’organisation dans un communiqué. « La faim laisse des séquelles physiques et psychologiques profondes, et même si la distribution de repas reprend, les dommages causés par les perturbations prolongées de l’accès à la nourriture continuent d’affecter les familles et les communautés ».
Des repas de qualité
Rousso souligne que l’idée qui motive World Central Kitchen n’est pas simplement de fournir des calories, mais aussi d’offrir des repas de qualité.
« C’est une organisation de chefs cuisiniers », explique-t-elle. « Il ne s’agit pas seulement ici d’aide humanitaire. La nourriture doit être bonne. J’accorde vraiment beaucoup d’importance à cet aspect. Je ne travaille qu’avec des partenaires dont je suis sûre qu’ils prépareront des repas qui répondent à certaines normes, afin que les personnes évacuées, les premiers intervenants et les personnes dans les abris reçoivent une nourriture digne. »

Rousso souligne que les cuisines et les restaurants qui travaillent en partenariat avec WCK, au sein de l’État juif, appartiennent à toutes les couches de la société.
« Nous travaillons avec une cuisine ultra-orthodoxe qui s’appelle la High Table à Kiryat Gat, avec un restaurant ultra-laïc appelé Haachim à Tel Aviv et avec une épicerie casher à Rishon Lezion », précise-t-elle.
« Tous sont complètement différents mais ils se mettent en quatre pour préparer les meilleurs repas possibles et ce, le plus rapidement possible », ajoute-t-elle. « C’est incroyable de voir cette unité entre différentes régions et entre différentes parties du pays ».
Le menu récemment proposé par Haachim aux réfugiés hébergés dans des hôtels était composé de merguez épicées, des brochettes d’agneau, des escalopes, du freekeh aux tomates et aux pois chiches, des pommes de terre rôties au feu de bois, des haricots verts sautés, du chou-fleur rôti, une salade de légumes et du tahini.
« Notre budget est très limité ; nous ne pouvons financer qu’une partie de cette aide, et pourtant, je ne trouve pas les mots pour décrire le travail incroyable qu’ils accomplissent », a déclaré Rousso.
Après le 7 octobre, l’ampleur des repas à fournir, dont beaucoup devaient être casher, a amené Haachim à obtenir un certificat casher temporaire.
Cette fois-ci, avec environ 10 000 personnes déplacées par les missiles iraniens à ce jour, les besoins ne sont pas les mêmes, indique Rousso.
« À l’époque, nous distribuions 40 000 repas par jour », déclare-t-elle. « Quelque 20 000 repas par semaine, cela semble encore très peu. Espérons que les choses resteront ainsi ».
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