Pologne : Des bougies à l’effigie de Juifs promettent « la réussite financière »
Des porte-bonheur vendus par un magasin de bougies montrent des haredim en train de compter de l'argent ; certains Juifs polonais estiment qu'elles rappellent les fours crématoires

JTA — Même parmi les Juifs de Pologne, rares sont ceux qui se sont dits choqués pour l’instant par les figurines populaires représentant des ultra-orthodoxes en train de compter de l’argent et qui sont aujourd’hui vendues dans le pays comme porte-bonheurs.
Et pourtant, même les locaux s’interrogent sur ces bougies controversées dont la publicité assurée par le fabricant, une firme produisant des bougies parfumées, affirme qu’elles « dégagent une lumière chaleureuse et plaisante pendant la combustion », tout en ajoutant que « le personnage du Juif serait favorable à la réussite financière ».
La problématique posée par cette bougie a été révélée au début du mois dans un groupe Facebook appelé Życie Żydowskie, ce qui signifie « la vie juive ».
Ce sont au moins deux distributeurs, le centre Beekeeping Łukasiewicz et la compagnie Łysoń Beekeeping, qui offrent ce produit à la vente sur internet, selon Elżbieta Magenheim, l’administratrice de la page de Życie Żydowskie.
De multiples membres du groupe, sur Facebook, ont fait part de leur indignation, disant que les bougies rappelaient la manière dont les corps des victimes juives étaient brûlés dans les fours crématoires pendant la Shoah, dans la Pologne occupée.
Les deux firmes ont finalement supprimé les produits de leur catalogue en ligne après la publication d’un article sur le site d’information juif Jewish.pl, dans le pays, sur la découverte de Magenheim. Aucune des deux entreprises n’a répondu à la demande de commentaire soumise par la JTA.
Łukasiewicz offrait deux tailles de bougies, le « petit Juif » et le « grand Juif », mesurant respectivement 10 et 17 centimètres. « Une bougie à la cire d’abeille coulée à la main. Le personnage du Juif serait favorable à la réussite financière. Impressionnante, grande, elle dégage une lumière chaleureuse et plaisante pendant la combustion ainsi qu’une odeur de miel et de propolis », selon la description du produit.

La vente de représentations stéréotypées de Juifs comme porte-bonheurs avait commencé en Pologne dans les années 1960. Elle avait suivi de près la dernière importante vague d’émigration des Juifs du pays, où 3,3 millions de membres de cette communauté vivaient avant la Shoah. Seuls 20 000 Juifs vivent encore en Pologne actuellement.
Pour les critiques, il s’agit de l’expression de siècles entiers de préjugés antisémites dans un pays dont la société et le gouvernement luttent de manière notoire avec l’histoire tragique de la communauté juive de Pologne, autrefois importante.
L’image du « Juif chanceux » est « profondément ancrée dans des stéréotypes négatifs », avait commenté Rafal Pankowski, l’un des fondateurs de l’organisation de lutte contre le racisme « Plus Jamais ça », dont le siège est à Varsovie, en 2017. Ses condamnations avaient aidé à obliger le Parlement polonais à renoncer à la vente de figurines porte-bonheur à l’effigie de Juifs dans sa propre boutique de souvenirs.
D’autres rejettent cette idée, affirmant qu’il s’agit d’une expression indélicate mais finalement inoffensive de nostalgie. C’est d’ailleurs ce qu’affirme Jonny Daniels, fondateur du groupe From The Depths qui veut promouvoir le dialogue entre Juifs et Polonais. Pour Daniels, cette représentation équivaut à la manière dont certains font une association entre Indiens et cigares aux Etats-Unis.
Ces bougies sont « répugnantes », a déclaré Jan Gelbert, un contributeur au site Jewish.pl, tout en ajoutant qu’il n’y avait toutefois, de son point de vue, aucune intention de faire allusion à la Shoah à travers ces dernières.
« J’ai la certitude que ce n’est pas ce que les auteurs ont voulu dire », a-t-il dit en évoquant les descriptions des produits. « Je pense tout simplement qu’ils n’ont pas réfléchi aux choses ».