Pour des Jordaniens, « mener des attaques reste le seul moyen d’exprimer leur solidarité avec les Palestiniens »
Le père de Maher Diab Hussein Al-Jazi, auteur de l'attaque de septembre tué par Israël, a déclaré à des médias locaux qu'il était "honoré d'avoir élevé un fils courageux qui a accompli un acte de sacrifice"
L’attaque menée par deux Jordaniens contre des soldats israéliens au sud de la mer Morte au lendemain de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinwar, témoigne d’une profonde opposition à Israël dans le pays.
« Les Jordaniens bouillonnent de colère » dans le contexte de la guerre entre Israël et le mouvement terroriste palestinien dans la bande de Gaza, « c’est indéniable », estime Oraib Rantawi, directeur du Centre d’études politiques d’al-Qods à Amman.
Le 18 octobre, deux membres de la confrérie des Frères musulmans (dont le Hamas est issu) jordaniens ont été tués après avoir ouvert le feu sur des soldats sur le territoire israélien, au sud de la mer Morte. Un soldat et un réserviste israéliens ont été légèrement blessés lors de l’échange de tirs.
Le 8 septembre, trois vigiles israéliens avaient été tués par un chauffeur de camion jordanien ayant ouvert le feu au point de passage d’Allenby, entre la Cisjordanie et la Jordanie, contrôlé par Israël.
Les Frères musulmans jordaniens ont affirmé que les deux terroristes de l’attaque au sud de la mer Morte, Houssam Abou Ghazaleh et Amer Qawoos, ont agi de manière indépendante et qu’ils participaient régulièrement « à des évènements en soutien à Gaza et à la résistance [mot fourre-tout pour parler de la lutte armée contre Israël ».
Selon M. Rantawi, nombre de Jordaniens souhaitent des mesures concrètes contre Israël, aussi en guerre au Liban contre le Hezbollah, un allié du Hamas.
« Certains jeunes, en particulier ceux des mouvements islamistes, nationalistes et de gauche, estiment que les manifestations ne suffisent pas », dit-il à l’AFP, évoquant le souhait d’actions plus fortes comme la suspension des échanges commerciaux ou la rupture des liens diplomatiques.
La Jordanie, où près de la moitié de la population est d’origine palestinienne, n’a toujours pas condamné de façon officielle l’attaque du 18 octobre.
Mais « nous ne serons pas un lieu de conflit et nous n’accepterons pas de mettre en péril l’avenir de ce pays, et nous ne permettrons à aucune partie de reproduire ses modèles de chaos et de destruction », avait toutefois déclaré le Premier ministre jordanien, Jafar Hassan.
En 1994, la Jordanie est devenue le deuxième Etat arabe, après l’Egypte, à signer un traité de paix avec Israël et à établir des relations diplomatiques. Leur frontière commune est restée largement calme depuis lors.
La direction du Hamas a qualifié l’attaque au sud de la mer Morte de « développement significatif dans la bataille en cours du Déluge d’al-Aqsa », nom donné par le mouvement à son attaque d’une ampleur sans précédent en Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza.
Elle est survenue quelques heures après l’annonce par Israël de la mort de l’instigateur du pogrom du 7 octobre, Yahya Sinwar, tué par l’armée israélienne.
Les attaques transfrontalières « mettent en évidence la pression croissante qui pèse sur les Jordaniens » en raison de « l’escalade de l’agression israélienne avec le soutien permanent des Etats-Unis », estime auprès de l’AFP le politologue jordanien Labib Kamhawi.
Selon lui, « la colère est évidente tant au niveau public qu’au niveau officiel, le gouvernement jordanien étant frustré par le comportement agressif d’Israël ».
Amman a « fait savoir que la Jordanie ne pouvait pas ignorer l’indignation croissante de l’opinion publique », ajoute-t-il.
De très nombreux Jordaniens ont perçu les auteurs des deux attaques contre Israël comme des « martyrs héroïques », certains allant même jusqu’à les célébrer avec des feux d’artifice dans la capitale.
Le père de Maher Diab Hussein Al-Jazi, auteur de l’attaque de septembre tué par Israël, a déclaré à des médias locaux qu’il était « honoré d’avoir élevé un fils courageux qui a accompli un acte de sacrifice ».
D’après M. Kamhawi, « certains Jordaniens considèrent désormais que mener des attaques reste le seul moyen d’exprimer leur solidarité avec les Palestiniens ».