Israël en guerre - Jour 435

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Pour les Haredim favorables au service militaire, il faut encourager, pas sévir

Les chefs de la communauté affirment que des soldats contraints de servir ne seront pas outillés pour assumer correctement leur mission

Un homme ultra-orthodoxe qui a participé à une manifestation contre l'enrôlement d'hommes haredi dans un centre de recrutement de Tsahal à Jérusalem s'assoit dans un parc voisin, le 31 octobre 2024 (Chaim Goldberg/Flash90).
Un homme ultra-orthodoxe qui a participé à une manifestation contre l'enrôlement d'hommes haredi dans un centre de recrutement de Tsahal à Jérusalem s'assoit dans un parc voisin, le 31 octobre 2024 (Chaim Goldberg/Flash90).

L’armée israélienne a récemment commencé à émettre les 7 000 ordres de recrutement qui seront envoyés sur une période de trois mois aux hommes de la communauté ultra-orthodoxe qui sont en âge de servir au sein de Tsahal.

Alors que 3 000 ordres de recrutement ont été envoyés au cours des trois derniers mois, cette initiative est la plus importante de toute l’histoire récente d’Israël s’agissant d’encourager des dizaines de milliers d’hommes haredim âgés de 18 à 26 ans à s’enrôler dans l’armée.

Toutefois, des sources proches des efforts livrés dans l’objectif de convaincre les ultra-orthodoxes à s’enrôler en privilégiant l’idée de la coopération – et non en recourant à la coercition pure et simple – doutent du fait que ces ordres, qui pourront éventuellement être assortis de sanctions (emprisonnement, interdiction de quitter le pays, suspension du permis de conduire…) aideront à inciter de nombreux membres de la communauté à rejoindre les rangs de Tsahal.

« On ne déclenche pas un changement sociétal avec des sanctions », s’exclame le rabbin Yonathan Reiss, fondateur de Chedvata, un groupe d’académies pré-militaires et de yeshivot qui préparent les jeunes hommes haredim au service.

« Supposons que vous preniez 2 000 jeunes ultra-orthodoxes, que vous les ameniez au bureau d’incorporation et que vous leur fassiez passer l’uniforme. Est-ce que vous vous attendez-vous vraiment à ce qu’ils soient à la hauteur de leur tâche de soldat ? Si quelqu’un ne veut pas se battre, vous ne pouvez pas le forcer à mener la charge sur le champ de bataille. Je ne voudrais pas être le chef de bataillon de ces soldats haredim. Ils se feraient détruire au Liban ou à Gaza », dit-il.

Sur un total de 3 000 ordres de recrutement qui ont été envoyés au cours des trois derniers mois, 273 hommes se sont présentés au centre d’incorporation de Tsahal et 48 ont finalement rejoint l’armée.

Le rabbin Yonathan Reiss, fondateur de la Yeshiva Chedvata. (Crédit : Autorisation)

Pourtant, alors que les pertes, dans les rangs de Tsahal, continuent d’augmenter sur les différents fronts et que l’opinion publique israélienne s’oppose vivement aux exemptions de service qui sont accordées aux jeunes hommes ultra-orthodoxes valides, les dirigeants rabbiniques de la communauté, en Israël, sont confrontés à la plus grande menace jamais connue par la culture des yeshivot depuis la création de l’État d’Israël.

« Jamais auparavant le monde des yeshivot n’a connu un tel état de siège et jamais il n’a été autant en danger qu’aujourd’hui », a indiqué jeudi Yitzhak Sudri, un consultant en relations publiques ultra-orthodoxes, des propos confiés au site d’information Haredi Kikar Hashabbat.

Les protestations émanant de l’opinion publique face aux exemptions généralisées qui sont accordées aux jeunes ultra-orthodoxes se sont encore intensifiées depuis le début de la guerre à Gaza – une guerre qui a éclaté après le pogrom qui avait été commis par les hommes armés du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Ce jour-là, environ 3 000 terroristes avaient pris d’assaut Israël par voie terrestre, aérienne et maritime. Ils avaient massacré plus de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage à Gaza. Les terroristes avaient semé la désolation, perpétrant des atrocités et se livrant à des violences sexuelles à grande échelle.

Depuis l’attaque sanglante du Hamas, environ 800 soldats ont perdu la vie, plus de 5 400 ont été blessés et 300 000 ont été mobilisés dans le cadre de la réserve. Et alors que la guerre menée à Gaza et au Liban ne semble guère être sur le point de s’achever, la majorité des Juifs israéliens – les Arabes israéliens sont exemptés du service militaire – ne sont plus disposés à accepter que des dizaines de milliers d’hommes valides puissent se soustraire à leur devoir de défense du pays.

Des Israéliens manifestent à Tel Aviv pour la fin des exemptions de la conscription haredi, le 14 mars 2024. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Comment commencer – et terminer – son service militaire en tant que juif haredi ?

Environ 66 000 hommes ultra-orthodoxes, âgés de 18 à 24 ans, ont obtenu des exemptions de service militaire, affirmant qu’ils consacrent la majorité de leurs heures de veille à l’étude de la Torah.

Toutefois, selon Yossi Levi, le directeur-général de l’association Netzah Yehuda qui s’efforce depuis 25 ans d’encourager les hommes haredim qui n’étudient pas la Torah à s’enrôler dans l’armée, un grand nombre d’entre eux ne sont qu’inscrits dans des yeshivot, travaillant en réalité au noir ou ne travaillant pas du tout.

« Selon les estimations les plus indulgentes, au moins un tiers des 66 000 hommes ne sont pas inscrits dans des yeshivot« , indique Levi.

Interrogé sur l’efficacité de l’envoi de milliers d’ordres de recrutement aux hommes ultra-orthodoxes, Levi déclare qu’il y a « deux facettes » à prendre en compte.

« D’une part, ces ordres vont obliger les hommes qui ne font pas d’études dans une yeshiva à faire face au fait qu’ils sont des délinquants. Ils trichent et ils profitent de nous », dit-il. « Mais d’un autre côté, envoyer des ordres de recrutement à des gens qui sont de sérieux érudits de la Torah ne fera que causer des dégâts ».

Yossi Levi, directeur de l’association Netzah Yehuda, en uniforme sur une photo non datée. (Autorisation)

Levi ajoute que sanctionner ouvertement des étudiants qui font leur travail avec sérieux au sein d’une yeshiva ne fera que galvaniser l’opposition des Haredim à l’enrôlement au sein de Tsahal.

En même temps, il affirme qu’il n’y a aujourd’hui aucune excuse venant justifier l’exemption un jeune homme haredi qui n’étudie pas dans un séminaire religieux.

« Plus que jamais, nous avons besoin d’un plus grand nombre de soldats. Et il y a beaucoup de cadres, dans l’armée, qui conviennent aux soldats haredim – il y a notamment le bataillon Netzah Yehuda et la nouvelle brigade Hasmonéenne », fait remarquer Levi.

Le rabbin David Leybel, l’une des personnalités ultra-orthodoxes à l’origine de la création de la Brigade hasmonéenne, fait savoir que cette brigade est susceptible d’offrir une solution aux parents haredim qui s’inquiètent des dangers encourus au niveau spirituel par leurs fils.

« Ce qui inquiète le plus les parents ultra-orthodoxes en ce qui concerne l’armée, c’est que leurs fils commenceront leur service militaire en tant que haredim mais qu’ils pourraient ne pas le terminer de la même manière », explique Leybel. « S’il y avait une unité au sein de Tsahal où le public haredi peut se sentir en sécurité à la fois spirituellement et culturellement, beaucoup d’obstacles à l’enrôlement des Haredim seront levés. Et je pense que la Brigade hasmonéenne répond très précisément à ce besoin de sécurité ».

La création d’une brigade ultra-orthodoxe toute entière, composée d’environ 2 000 soldats, signifie plus d’autonomie et de contrôle de l’environnement des troupes.

Du début jusqu’à la fin de leur service, les soldats haredim pourront ainsi bénéficier d’un environnement insulaire dans lequel la séparation entre les sexes sera méticuleusement maintenue, avec une nourriture glatt kasher et des cours de Torah qui seront régulièrement proposés aux troupes.

Leybel travaille actuellement avec Tsahal pour mettre en place une supervision rabbinique qui assurera la gestion de cette nouvelle brigade, et pour garantir qu’une liste de conditions à respecter sera bien ancrée dans les directives du chef d’état-major.

Le rabbin David Leybel, l’un des fondateurs de la Brigade hasmonéenne. (Autorisation)

Jusqu’à présent, la plus grande formation compatible avec le mode de vie haredi était le bataillon Netzah Yehuda, qui compte environ 500 soldats – qui ne sont pas tous issus de la communauté. Les hommes ultra-orthodoxes qui ont suivi une formation d’officier ou qui ont dû suivre divers cours ont été contraints de quitter le bataillon pour servir à proximité de femmes soldats, vivant dans un environnement majoritairement laïc.

Redonner vie au récit sioniste haredi

Néanmoins, Leybel note que le principal obstacle à l’enrôlement d’un grand nombre de jeunes hommes issus de la communauté haredi est le récit non-sioniste et séparatiste qui prévaut dans la rue ultra-orthodoxe.

« Il y a un discours dans le système éducatif qui laisse entendre nous ne faisons pas partie du grand public. Si nous ne faisons pas partie du grand public, pourquoi devrions-nous rejoindre l’armée israélienne ? », interroge Leybel. « C’est un discours que nous devons changer ».

Il ajoute que selon lui, les points de vue ont évolué depuis le 7 octobre.

Des soldats israéliens du bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda assistant à une cérémonie de prestation de serment, au mur Occidental, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 10 juillet 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

« Il y a un sentiment de culpabilité et de honte chez un grand nombre de Haredim parce qu’ils ne participent pas vraiment à l’effort de guerre », explique-t-il. « Mais ce n’est pas suffisant pour inciter les gens à s’engager. Et les ultra-orthodoxes qui franchissent le pas et qui s’engagent dans l’armée sont toujours très mal vus par la société ».

De nombreux hommes haredim qui s’enrôlent sont victimes de harcèlement, d’intimidation et ils sont souvent ostracisés de la part des membres de la communauté. Certains ont peur de rentrer chez eux après avoir revêtu l’uniforme. La façon dont la question est présentée dans les médias ultra-orthodoxes démontre que l’opposition au service militaire des hommes haredim reste forte.

Les intervenants appartenant à la communauté qui ont débattu de la question sur des chaînes d’information ultra-orthodoxes – comme Kikar Hashabbat ou la station de radio Kol Chai – se concentrent encore bien davantage sur l’injustice perpétrée à l’encontre des haredim et à l’encontre du monde des yeshivot que sur un quelconque devoir d’introspection ou sur la nécessité de modifier fondamentalement les positionnements communautaires sur le sujet du service militaire.

Illustration : Des soldats israéliens du bataillon Netzah Yehuda, sur une base militaire, dans le nord de la vallée du Jourdain. (Crédit : Yaakov Naumi/Flash90)

De nombreux commentateurs, comme Sudri, ancien porte-parole du parti Shas, ont recommandé de rejeter la responsabilité de l’échec de l’enrôlement des Haredim sur Tsahal, affirmant que l’armée n’est pas prête à fournir l’atmosphère spirituelle nécessaire pour intégrer les soldats ultra-orthodoxes.

Ces intervenants haredim ont également exprimé l’espoir que les organisations de gauche allaient mener le combat à leur place en déposant une requête devant la Haute-Cour pour dénoncer la création de la Brigade hasmonéenne, la stricte séparation entre les sexes étant discriminatoire à l’égard des femmes.

Levi, de son côté, estime que les gouvernements consécutifs n’ont pas fait grand-chose au fil des ans pour encourager les hommes ultra-orthodoxes à intégrer Tsahal.

« Le budget total de Netzah Yehuda, l’organisation la plus ancienne et la plus expérimentée en ce qui concerne l’enrôlement des Haredim, s’élève à 22 millions de shekels par an et plus de 90 % de ce montant provient de dons privés », explique-t-il.

Il souligne que l’État d’Israël doit faire de la question du recrutement militaire des ultra-orthodoxes « un objectif national important ».

« Il doit mettre en place des programmes pluriannuels, il doit soutenir les institutions existantes, il doit encourager les contacts avec les jeunes Haredim et favoriser la prise de conscience, il faut qu’il apporte des incitations », indique-t-il.

« Il s’agit toutefois d’un processus à long-terme », ajoute-t-il. « Il ne faut pas s’attendre à un changement radical du jour au lendemain ».

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