Israël en guerre - Jour 62

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Pouvez-vous lire l’“Aravrit”, la typographie de la paix ?

Avec de l’hébreu en bas et de l’arabe en haut, Liron Lavi Turkenich conçoit des lettres révolutionnaires que les Israéliens et les Arabes peuvent comprendre

Des mots en Aravrit. (Crédit : Facebook/Liron Lavi Turkenich)
Des mots en Aravrit. (Crédit : Facebook/Liron Lavi Turkenich)

TEL AVIV (JTA) – La paix au Moyen Orient est sans doute encore hors de portée, mais au moins les langues hébreu et arabe ont trouvé un compromis.

Liron Lavi Turkenich, conceptrice israélienne de typographie, a créé un système d’écriture qui fusionne les deux alphabets, permettant aux locuteurs de l’hébreu et de l’arabe de lire les mêmes mots. Elle espère que son « Aravrit » promouvra la coexistence en Israël et au-delà.

« Je pense que l’Aravrit envoie un message : nous sommes tous les deux là, et nous pouvons tout aussi bien reconnaitre l’autre, a dit Turkenich à JTA. Ceci s’applique aux Juifs et aux Arabes israéliens, mais aussi à Israël et aux Palestiniens, et à Israël et le monde arabe. »

Les Israéliens ont été séduits. Plus d’un million de personnes ont regardé la vidéo en hébreu présentant l’Aravrit depuis sa publication sur Facebook la semaine dernière par Kan, le nouveau radiodiffuseur public israélien. Des dizaines de personnes ont laissé des commentaires positifs. Une version de la vidéo avec des sous-titres anglais a été publiée lundi.

« Je pense que ceci explique peut-être le succès dingue de la vidéo en hébreu : nous pouvons faire quelque chose pour l’autre partie simplement en lisant, sans avoir de solution », a dit Turkenich.

Liron Lavi Turkenich. (Crédit : capture d'écran YouTube, via JTA)
Liron Lavi Turkenich. (Crédit : capture d’écran YouTube, via JTA)

Turkenich, 32 ans, a tiré l’inspiration pour créer l’Aravrit des panneaux routiers de Haïfa, la ville judéo-arabe où elle est née et a vécu la plus grande partie de sa vie.

Même si de nombreux panneaux sont écrits en arabe, ainsi qu’en hébreu et en anglais, elle a réalisé qu’elle avait toujours ignoré ces lettres, que, comme la majorité des Juifs israéliens, elle ne sait pas lire.

Pour son projet de fin d’étude, Turkenich a voulu combiner les lettres des alphabets hébreu et arabe d’une manière qui leur permettrait de « vivre ensemble », comme elle le dit.

Elle a commencé en revisitant le travail de l’ophtalmologue français Louis Emile Javal, qui à la fin du 19e siècle a remarqué que la plupart des personnes pouvaient lire sans problème en n’utilisant que la moitié supérieure des lettres de l’alphabet latin. Avec quelques expérimentations, Turkenich a découvert que c’était égaiement vrai pour l’arabe, et, par un heureux hasard, c’est l’inverse pour l’hébreu.

« En hébreu, la plupart des caractéristiques permettant d’identifier les formes des lettres sont proches de la partie basse, a-t-elle dit. Quand je suis allée vérifier pour l’arabe, j’ai croisé les doigts pour qu’elles soient dans la partie haute, et c’était le cas ! »

En se basant sur cette idée, Turkenich a combiné chacune des 22 lettres de l’alphabet hébreu avec chacune des 29 lettres arabes pour créer un alphabet Aravrit de 638 caractères. Les voyelles sont utilisées si elles sont nécessaires à la lecture, sous les lettres de l’alphabet hébreu, et au-dessus des lettres arabes, conformément aux règles des deux langues.

Turkenich a testé les éléments en hébreu sur elle-même et ses amis. Pour les avis sur l’arabe, elle s’est tournée vers les voyageurs arabes israéliens de son trajet en train quotidien entre Haïfa et Tel Aviv.

« A chaque fois que j’entendais quelqu’un parler en arabe, je lui demandais s’il avait le temps de répondre à quelques questions. Tout le monde a toujours dit oui », a-t-elle dit, soulignant qu’elle avait maintenant des amis arabes qui l’aidaient.

Des mots d'Aravit. (Crédit : Liron Lavi Turkenich)
Des mots d’Aravit. (Crédit : Liron Lavi Turkenich)

Les lettres de l’Aravrit peuvent être combinées pour former des mots et des phrases. Un locuteur de l’hébreu doit pouvoir lire la moitié inférieure des mots, et un locuteur arabophone doit pouvoir lire la moitié supérieure. Par exemple, le mot Aravrit pour paix est « salaam » en haut, et « shalom » en bas.

Depuis qu’elle a été diplômée en 2012 de Shenkar, une université d’ingénierie, de design et d’art de Ramat Gan, dans le centre du pays, Turkenich a encore développé l’Aravrit pour en faire un système d’écriture.

Elle a incorporé les formes alternatives des lettres des deux langues – certaines lettres de l’alphabet hébreu ont une forme différente si elles sont à la fin du mot – et a lié les éléments arabes dans le style cursif traditionnel. Les changements lui ont donné suffisamment de flexibilité pour créer chaque mot de manière unique, et elle travaille maintenant à l’écriture des règles.

Des mots d'Aravit. (Crédit : Facebook/Liron Lavi Turkenich)
Des mots d’Aravit. (Crédit : Facebook/Liron Lavi Turkenich)

Turkenich dit avoir eu beaucoup de demandes pour écrire en Aravrit, notamment d’une municipalité d’une petite ville majoritairement juive d’Israël, dont elle n’a pas donné le nom. Elle enseigne et donne des conférences sur son travail en Israël et dans le monde entier. L’Aravrit est actuellement exposé au Musée des cultures islamiques et proche-orientales de Beer Sheva.

La langue peut bien sûr être un sujet politique dans l’Etat juif. L’hébreu et l’arabe ont toutes deux des racines sacrées, et sont au centre des identités qui sont en jeu dans le conflit israélo-palestinien. Le mois dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a supprimé d’un projet de loi sur l’état-nation juif une clause qui supprimait le statut de langue officielle d’Israël de l’arabe.

Mais Turkenich a dit que son objectif était de construire sur les langues, pas de les subvertir. En Aravrit, lui-même un mot hybride entre les noms hébreux de l’arabe et de l’hébreu, les phrases suivent les règles grammaticales de l’arabe en haut, et de l’hébreu en bas, a-t-elle souligné, et les lettres restent les éléments les plus importants de chaque écriture.

Diagramme montrant comme l'Aravrit combine les lettres des alphabets hébreu et arabe. (Crédit : Liron Lavi Turkenich)
Diagramme montrant comme l’Aravrit combine les lettres des alphabets hébreu et arabe. (Crédit : Liron Lavi Turkenich)

« L’hébreu et l’arabe ont des histoires incroyables. Nous ne devons pas les effacer, a-t-elle dit. C’est la même chose que la situation politique : nous ne pouvons pas commencer à zéro. »

Les Arabes ne sont pas le seul groupe minoritaire israélien qui a intéressé Turkenich. Pendant son master en typographie à l’université de Reading, en Angleterre, en 2015, elle a développé une police de caractères appelée Makeda, le nom que les Ethiopiens utilisent pour désigner la reine de Saba, qui peut être appliquée aux alphabets amharique, hébreu et latin. Elle espère qu’il sera utilisé par le gouvernement israélien et pour les documents légaux des 135 000 Juifs éthiopiens du pays.

« Le Makeda est un peu moins idéaliste que l’Aravrit », a dit Turkenich en riant. « C’est parce que je grandis. »

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