Procès Carlos : Sieff, El-Al, l’Arche, les cibles juives et israéliennes du terroriste
A la tête des opérations extérieures du FPLP dans les années 70, Carlos a ciblé de nombreuses personnalités ou symboles juifs et israéliens

Près de 43 ans après un attentat à Paris qui fit deux morts et des dizaines de blessés, le Vénézuélien Carlos a assumé son passé au nom de la « révolution », devant la cour d’assises de Paris où s’est ouvert lundi son procès pour « assassinats » terroristes.
Se vantant d’avoir été le membre du Front populaire de libération de Palestine (FPLP) le plus meurtrier, le terroriste revendique 80 assassinats directs. En 1973, il prend la directions du FPLP-OE (pour opérations extérieures) et tente d’atteindre particulièrement des cibles juives et/ou sionistes.
A Londres le 30 décembre 1973, Carlos tente d’assassiner Joseph Sieff, l’homme d’affaires juif, patron de Marks & Spencer et vice-président de la Fédération sioniste de Grande-Bretagne. Quelques semaines plus tard, toujours à Londres il réalise un attentat à la bombe contre la banque Hapoalim.
En 1974, de retour à Paris, il organise plusieurs attentats à la voiture piégée devant les rédactions de L’Aurore, de Minute et du magazine juif L’Arche.
Un an plus tard, armé d’un lance-roquettes RPG-7 il tire sur un Boeing 707 de la compagnie El Al dans l’aéroport d’Orly. Quelques jours plus tard, Carlos et deux complices tentent de viser un avion de la compagnie El Al à l’aide d’un bazooka dissimulé dans les toilettes. Mais repérés, ils se saisissent de deux otages et s’envolent pour Bagdad en réquisitionnant un avion.
Figure du terrorisme internationaliste des années 1970-1980, Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, 67 ans, va être jugé pendant trois semaines par une cour spéciale composée de magistrats, pour l’attentat le plus ancien que lui reproche la justice française, et le dernier pour lequel il comparaîtra en France.
Un peu vieilli, blanchi, amaigri mais souriant et élégamment vêtu, Carlos a fait son apparition dans le box des accusés. Il a observé la salle, baisé la main de son avocate, Isabelle Coutant-Peyre, avec laquelle il s’est marié religieusement en 2001, avant d’envoyer des baisers aux journalistes.
L’accusé a assumé son passé, au nom de la « révolution » : « Personne n’a exécuté plus de personnes que moi, dans la résistance palestinienne. Mais je suis le seul qui a survécu. Dans tous les combats, il y a des victimes collatérales, c’est malheureux », a-t-il lancé.
Le 15 septembre 1974, deux personnes ont été tuées et 34 ont été blessées par l’explosion d’une grenade lancée dans l’enceinte du Drugstore Publicis, une galerie marchande qui se trouvait alors à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes, au cœur de Paris.
« J’aime les gens. Je suis une personne bonne, je n’aime pas la violence », a affirmé l’accusé, qui a revendiqué 1.500 morts pour son organisation et 80 de ses propres mains.
Carlos est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Mais le Vénézuélien, incarcéré en France depuis son arrestation au Soudan par les services français en 1994, a déjà été condamné à deux reprises à la peine maximale pour le meurtre de trois hommes, dont deux policiers en 1975 à Paris, et pour quatre attentats à l’explosif qui ont fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983 à Paris, à Marseille et dans deux trains.
Le procès aura donc pour enjeux d’apporter un éclairage historique et de répondre à l’attente des victimes. La cour doit entendre 17 témoins et deux experts de ce dossier qui totalise 14 tomes de procédure.
Dans une interview parue fin 1979 dans le magazine Al Watan Al-Arabi, Carlos avait reconnu avoir jeté la grenade au Drugstore Publicis. Mais il a nié lors de l’instruction avoir donné cet entretien.
« Enfin un procès ! Les victimes attendent depuis si longtemps que Carlos soit déclaré coupable et condamné, leurs plaies ne se sont jamais refermées », a déclaré l’avocat Georges Holleaux, qui en représente 18 d’entre elles.
Au total, vingt-sept victimes de l’attentat du Drugstore Publicis se sont constituées parties civiles aux côtés de trois organisations.
La tenue même de ce procès a été contestée par la défense, qui invoquait la prescription des faits. « Cette affaire est prescrite, mille fois prescrite », a dénoncé Me Francis Vuillemin, l’un des cinq avocats de Carlos qui rappelle que son client a par ailleurs bénéficié d’un non-lieu à deux reprises, en 1989 et 1999.
Mais au terme d’une bataille procédurale, la justice a déjà rejeté l’argument.
Pour l’accusation, l’attentat s’inscrivait dans le contexte d’une prise d’otages en cours à l’ambassade de France à La Haye. Un commando de l’Armée rouge japonaise (ARJ), émanation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) dont Carlos était membre, exigeait la libération d’un de ses membres interpellé à l’aéroport parisien d’Orly deux mois plus tôt.
Maître d’oeuvre de la prise d’otages de La Haye, Carlos aurait pris l’initiative de jeter la grenade pour faire plier le gouvernement français. Après l’attentat, le détenu japonais fut effectivement relâché et put rejoindre Aden (Yémen) avec les autres membres du commando de La Haye.
L’accusation se fonde également sur les témoignages d’anciens compagnons de route de Carlos. Les enquêteurs ont aussi reconstitué le circuit de la grenade utilisée pour l’attentat. Elle provenait du même lot, volé en 1972 dans un camp militaire américain, que celles utilisées par les preneurs d’otages de La Haye ou celle découverte à Paris chez la maîtresse de Carlos.