Procès des attentats de janvier 2015, premiers d’une sanglante série en France
La vague d'attentats perpétrés en France depuis janvier 2015 a fait 258 morts
Début 2015, la rédaction de Charlie Hebdo, des policiers et des clients d’une supérette juive étaient tués par un trio de jihadistes français. Le procès de ces attentats, début d’une sanglante série d’attentats islamistes en France, s’ouvre ce mercredi à Paris.
Quatorze accusés seront jugés, soupçonnés à des degrés divers de soutien logistique aux frères Saïd et Chérif Kouachi et à Amédy Coulibaly, auteurs des attaques qui ont fait 17 morts entre le 7 et 9 janvier, secouant la France et le reste du monde.
Plusieurs millions de personnes, dont de nombreux chefs d’État et de gouvernement, avaient défilé contre ces attaques le 11 janvier lors d’une manifestation monstre d’ampleur inédite.
Les attentats de janvier 2015 ont marqué le début d’une série d’attaques islamistes en France, dont celles du 13 novembre à Paris et en banlieue nord, qui firent 130 morts et plus de 350 blessés.
Le procès qui s’ouvre mercredi sera le premier organisé pour un attentat jihadiste commis en France depuis 2017, année où avaient été jugées les attaques menées contre des militaires et des Juifs, dont trois jeunes enfants, perpétrées en 2012 par Mohamed Merah.
C’est également le premier procès pour terrorisme à être filmé, en vertu de son « intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice ». Il était initialement prévu avant l’été, mais a été reporté en raison de l’épidémie de Covid-19, et doit durer jusqu’au 10 novembre.

Complicité
Le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi ont assassiné 11 personnes dans une attaque contre la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo à Paris, avant de prendre la fuite en tuant un policier.
Le lendemain, Amédy Coulibaly a tué une policière municipale à Montrouge, près de Paris, puis le 9 janvier, il a exécuté quatre hommes, tous Juifs, lors de la prise d’otages du magasin Hyper Cacher, dans l’Est parisien.
Coulibaly est mort sur place dans un assaut policier, les frères Kouachi ayant été eux abattus peu avant dans une imprimerie où ils s’étaient retranchés, à Dammartin-en-Goële, non loin de Paris.
Sur les quatorze accusés, trois manquent à l’appel : Hayat Boumedienne, compagne de Coulibaly, et les frères Belhoucine, partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne. Leurs morts, évoquées par diverses sources, n’ont jamais été officiellement confirmées, et ils restent visés par des mandats d’arrêt.
La justice a retenu les charges les plus lourdes, la « complicité » de crimes terroristes, passible de la réclusion criminelle à perpétuité, contre l’aîné des frères Belhoucine, Mohamed, et contre Ali Riza Polat qui sera, lui, dans le box des accusés.
Ce proche d’Amédy Coulibaly est soupçonné d’avoir eu un rôle central dans les préparatifs des attentats, en particulier la fourniture de l’arsenal.
Les autres accusés sont essentiellement jugés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et encourent vingt ans de réclusion. Un seul comparaît libre sous contrôle judiciaire pour « association de malfaiteurs » simple, un délit puni de dix ans de prison.
Environ 200 personnes se sont constituées parties civiles. Certains rescapés de la tuerie de Charlie Hebdo et de la prise d’otages à l’Hyper Cacher viendront témoigner à la barre.

« Fort enjeu »
« Ce procès est une étape importante pour eux. Ils attendent que justice soit rendue pour savoir qui a fait quoi, tout en sachant que ceux qui ont appuyé sur la gâchette ne sont plus là », expliquent à l’AFP Marie-Laure Barré et Nathalie Senyk, avocates de victimes de Charlie Hebdo, journal satirique emblématique, ciblé par les terroristes pour ses critiques de l’islam radical. L’attaque donnera naissance au slogan « Je suis Charlie », qui aura une forte résonance sur les réseaux sociaux.
« Ce n’est pas parce qu’Amédy Coulibaly est décédé que ce procès n’a pas un fort enjeu. Sans les accusés dans le box, Coulibaly n’aurait pu agir », souligne Patrick Klugman, avocat de victimes de l’Hyper Cacher, et pour lequel, dans ce volet, il ne s’agit pas d’un « procès de lampistes ».
Pour Safya Akorri, l’une des avocates de la défense, en l’absence des « principaux responsables », qui ne pourront « rendre compte », la justice sera au contraire « mise à lourde épreuve durant ces deux mois et l’attente de rigueur que l’on est en droit de placer en elle est immense ».
Les investigations se poursuivent sur les soutiens dont ont bénéficié les frères Kouachi depuis le Yémen, où l’un d’eux s’était rendu en 2011.
L’attaque jihadiste visant Charlie Hebdo avait en effet été revendiquée du Yémen par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), dont un cadre proche des deux frères, Peter Cherif, a été arrêté en décembre 2018 à Djibouti et remis à la France. Il a été inculpé dans ce volet, mais sa possible implication ne sera pas examinée lors du procès. Coulibaly s’était, lui, réclamé du groupe terroriste État islamique.
Au total, la vague d’attentats perpétrés en France depuis janvier 2015 a fait 258 morts.