Quand Israël offre ses données médicales à Pfizer
L'Etat a accepté de "partager avec Pfizer et l'ensemble du monde l'ensemble des données statistiques pouvant aider à développer des stratégies pour vaincre le coronavirus"
Vaccins contre données ? Israël a obtenu un stock de vaccins anti-coronavirus du géant pharmaceutique Pfizer en échange notamment du partage rapide de données sur les effets de cette immunisation sur sa population, selon un accord consulté lundi par l’AFP.
L’Etat hébreu a lancé il y a près d’un mois une campagne de vaccination « sans précédent » contre le Covid-19. Elle a déjà permis d’administrer la première des deux doses nécessaires du vaccin Pfizer-BioNtech à plus de deux des neuf millions d’habitants, à l’heure où de nombreux Etats occidentaux peinent à obtenir suffisamment de doses.
Le gouvernement israélien a commandé un total de quatorze millions de doses – pouvant immuniser sept millions de personnes – auprès des laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna. Et, surtout, il a déjà reçu la livraison de plusieurs millions de ces précieux flacons.
Selon plusieurs médias locaux, Israël a déboursé davantage (a priori le double) que le prix du marché pour assurer un approvisionnement suffisant et rapide des vaccins. Une information que les autorités ont refusé de commenter.
Mais la « startup nation » a fait miroiter à Pfizer l’accès à des données rapides et à grande échelle sur les effets de son vaccin afin de sécuriser l’accès à un stock important de doses, selon l’accord rendu public par le ministère de la Santé et consulté lundi par l’AFP.
Cette « collaboration » entre Israël et Pfizer se présente comme un effort visant « à mesurer et à analyser les données épidémiologiques liées au déploiement du produit », c’est-à-dire à l’injection du vaccin au sein de la population israélienne.
Le document stipule que le ministère israélien de la Santé dépend d’un certain rythme de « livraison » des doses par Pfizer « afin d’atteindre une immunité collective et d’obtenir suffisamment de données le plus tôt possible ».
« Les deux parties reconnaissent que la viabilité et le succès du projet dépendent du taux et de l’étendue de la vaccination en Israël », poursuit le document, diffusé par les autorités après des protestations d’organisations locales s’inquiétant du partage de données privées.
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Laboratoire de données
En Israël, les citoyens sont affiliés à l’une des quatre grandes caisses d’assurance maladie du pays qui contactent personnellement les assurés pour leur proposer un calendrier de vaccination.
Or ces caisses d’assurances sans but lucratif disposent de vastes bases de données numériques sur leurs assurés, ce qui leur permet en théorie de juger de l’efficacité ou des effets secondaires potentiels du vaccin, selon par exemple l’âge ou les antécédents médicaux des vaccinés.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a reconnu récemment que l’Etat hébreu acceptait de « partager avec Pfizer et l’ensemble du monde l’ensemble des données statistiques pouvant aider à développer des stratégies pour vaincre le coronavirus ».
L’accord avec Pfizer vise à permettre à Israël de devenir « le premier pays au monde à sortir (de la pandémie) de coronavirus », a répété il y a quelques jours le chef du gouvernement, qui aspire à remettre en marche l’économie du pays d’ici les élections législatives du 23 mars.
Selon Tehilla Shwartz Altshuler, spécialiste de la protection de données privées à l’Institut israélien de la démocratie, un centre d’analyse politique à Jérusalem, la numérisation à grande échelle des données de santé en Israël est « un atout unique ».
« En un mois ou six semaines, Israël peut offrir à Pfizer des données sur des millions de personnes », dit-elle à l’AFP, soulignant que ce partage de données aurait dû faire l’objet d’un débat public, d’autant que certains craignent que leurs données ne soient pas anonymisées.
Israël, qui se targue ces jours-ci d’être la « VaccineNation », a-t-il fait de sa population des cobayes ?
Une chose est certaine, selon l’analyste : la campagne de vaccination est jusqu’à présent « la plus grande expérience sur des humains au XXIe siècle ».