Qui étaient les « corbeaux » français qui ont dénoncé des juifs durant l’Occupation ?
La dénonciation sous l'Occupation est l'objet d'un ouvrage du chercheur Laurent Joly. Il a étudié de près les documents officiels relatifs aux 240 Parisiens jugés pour ce crime à la Libération

Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’extrême-droite française et de la persécution des juifs sous l’Occupation, vient de réaliser le premier travail de fond sur la question de la délation contre les juifs, pourtant « omniprésente dans l’imaginaire lié à la France des années noires, » selon son éditeur.
Quel impact ont eu ces dénonciations dans la traque aux juifs, aux résistants et aux communistes, menée par le commissariat aux Questions juives, la Gestapo, la préfecture de police et Le Pilori « journal de lutte contre les juifs » ?
Laurent Joly s’est penché sur le sort de ces 240 Parisiens jugés à la Libération, pour avoir dénoncé des juifs sous l’Occupation. Il « interroge la figure du délateur, décrypte sa mentalité, ses mobiles, ses justifications » détaillent les éditions du CNRS qui publie son ouvrage.
A travers l’étude de quelques cas particuliers se dévoile le côté sordide de certains, profitant de l’impunité régnant durant cette période, pour régler leurs affaires en dénonçant ceux qui les importunaient.
« Prêts à tout pour séparer Annette Zelman de leur fils, les parents Jausion ne veulent pas davantage que l’on fasse « de mal » à la demoiselle, raconte le directeur de recherche. Au détour de son Manuel de Saint-Germain-des-Près, Boris Vian le suggère lorsqu’il évoque « le pauvre Jausion dont l’amie, une charmante Tchèque (sic), fut déportée à la demande du père de Jausion qui dit aux Allemands : « Faites peur à cette fille, sinon il va l’épouser. » On l’arrêtera pour lui faire peur, si bien qu’elle mourut en déportation ».
On y apprend aussi que le phénomène n’a pas été aussi massif qu’on le pensait jusqu’alors (quelques milliers de dénonciations ont été comptabilisées) mais que ces supplétifs bénévoles et discrets ont beaucoup simplifié le travail des fonctionnaires chargés de traquer les juifs.
« Lorsqu’il se rend pour la dernière fois rue des Saussaies, en août 1944, écrit Joly, l’inspecter Beugin est reçu par l’officier SS Schmidt qui le toise ainsi « Vous êtes contents. Les Américains arrivent. Dites à vos compatriotes de ne pas être trop fiers, car si nous avons travaillé (…), c’est grâce à leurs dénonciations. »
« Dénoncer les juifs sous l’Occupation », Laurent Joly, CNRS Editions, 232 pages,
22 euros