Rentrée des novices à la Knesset : cours, voitures au choix et service public
Avant les débuts officiels de la 21e Knesset, les nouveaux visages du Parlement ont suivi un cours législatif intensif et ont pu profiter de leurs nouveaux sièges… sauf un
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Alors que les nouveaux élus à la Knesset ne devraient recevoir leurs voitures de fonction – avec chauffeur – qu’à l’issue de la cérémonie de prestation de serment qui aura lieu mardi, les futurs députés se sont trouvés dans l’obligation de se rendre par leurs propres moyens au Parlement dans la journée de lundi, laquelle était consacrée à une formation sur le B.A.-BA de leur nouvelle fonction de législateurs.
Ne jouissant pas encore de l’avantage d’une place de parking attribuée, la majorité des nouveaux venus a garé son véhicule personnel – Range Rover éclatantes mais également au moins une Ford Focus de 2010 quelque peu amochée (presque identique à la voiture de ce journaliste, qui s’est garé sur la place adjacente) dans la section souterraine de la Knesset destinée aux visiteurs.
Merav Cohen, de Kakhol lavan, qui habite Jérusalem, est pour sa part venue à pied, un sac à dos sur l’épaule. « C’est comme ça que je viens travailler normalement », explique l’ancienne membre du conseil municipal de Jérusalem à son arrivée, avec un sourire.
Mais à leur entrée dans l’imposant bâtiment de plusieurs étages qui deviendra leur bureau pour les quatre années et demi à venir, les nouveaux législateurs ont tous été placés sur un pied d’égalité, par-delà les différences de chacun.
Salués par les huissiers et des guides accompagnateurs, chacun a reçu le même sac siglé de la Knesset (Cohen aurait pu s’abstenir d’amener le sien) et contenant le même matériel : le livre de 300 pages contenant le règlement intérieur de l’institution, un guide spécialement établi pour présenter les processus législatifs, une liste de contacts au sein du Parlement, différents formulaires de travail pour les employés, une liste de leurs avantages, sans oublier, un livret détaillant les options des véhicules de fonction mis à disposition.
Les détails des autres avantages octroyés aux 120 membres élus du Parlement israélien seront présentés plus tard, dans l’après-midi. Mais auparavant, les nouveaux visages auront assisté à une session intense d’instruction civique délivrée, entre autres, par le président de la Knesset, le secrétaire-général et le principal conseiller juridique de l’institution.
« C’est demain, le grand jour », a commenté le numéro deux du Parti travailliste, l’ex-général Tal Russo. « Mais une journée comme celle d’aujourd’hui était indispensable pour que nous puissions envisager de commencer le travail de manière correcte. C’est vital ».
« On dirait une rentrée des classes », s’est exclamée pour sa part Idit Silman, qui siégera auprès de l’Union des partis de droite, alors que les nouvelles recrues se saluaient à grand coups d’accolade ou de tapes dans la main.
Certains se rencontraient pour la première fois depuis les débats qui les avaient réunis pendant la campagne électorale. « On est tous nouveaux, on est tous là pour apprendre », a ajouté Silman.

Un nombre record de 49 nouveaux députés prêtera serment mardi – ils étaient 48 en 2013. Cette Knesset accueillera le plus grand nombre de néophytes depuis la toute première de l’histoire du pays (qui – il faut le reconnaître – détient un record imbattable).
Presque la moitié des nouveaux députés proviennent des rangs du parti Kakhol lavan de Benny Gantz. Seulement 11 des 35 députés de la formation siégeaient à la précédente Knesset (tous sous l’étiquette de Yesh Atid).
La situation est à l’opposé de celle du Likud de Netanyahu, qui ne compte que 12 nouveaux arrivants sur 36 parlementaires élus.
Dans le cadre de cet important renouvellement, 13 nouvelles députées entrent à la Knesset, portant à 29 le nombre total de femmes, un record égalant celui de 2015.
Un chiffre digne d’être relevé sachant que les formations ultra-orthodoxes du Shas et de Yahadout HaTorah sont opposées, par idéologie, à la présence de femmes à des postes parlementaires, et qu’aucune ne prendra donc place parmi les 16 sièges remportés par ces partis lors du dernier scrutin.
Ce nombre est toutefois nettement inférieur aux 36 femmes ayant officié lors de la Knesset précédente (sept d’entre elles étaient entrées comme remplaçantes au cours des quatre années de mandat de la 20e Knesset).

Tandis que la majorité des nouveaux entrants – hommes et femmes – se sont présentés lors de cette journée de découverte, certains n’ont pas jugé utile de s’y rendre.
Les trois grands absents ont été Benny Gantz, de Kakhol lavan, et le numéro trois de son parti, l’ex-chef d’État-major Gabi Ashkenazi, ainsi que le chef travailliste Avi Gabbay.
Tandis que Gabbay a été ministre pendant une partie du mandat de l’ancien gouvernement et qu’il dirige le Parti travailliste depuis 2017, ce sera la première fois, mardi, qu’il prononcera les mots : « Je le promets » en réponse aux obligations de service qui seront mentionnées pendant la prestation de serment devant le Parlement.
En ouverture de la journée, le président de la Knesset Yuli Edelstein – qui devrait être réélu à un troisième mandat à l’issue de la cérémonie d’investiture parlementaire de mardi – a rappelé aux nouvelles recrues qu’ils devaient tout à leurs électeurs.
« Je suggère que chacun d’entre vous prenne un moment pour réfléchir à la raison qui a motivé votre venue à la Knesset, et dans quel objectif vous vous trouvez ici. Une fois que vous aurez une réponse claire à ces questions, vous vous apercevrez déjà que tout a été mis à votre disposition et que vous aurez les moyens d’atteindre l’objectif que vous vous êtes fixés », a-t-il dit à ses futurs collègues.
« Le but commun que nous poursuivons tous est de servir ce public qui vous a envoyé ici, et je souhaite que vous parveniez tous à mener à bien votre mission », a-t-il ajouté.
S’exprimant depuis la tribune de l’auditorium situé au sous-sol de la Knesset – rarement utilisé – et non depuis le perchoir où il siège habituellement, trois étages au-dessus, Edelstein a émis une demande particulière aux députés à leur entrée dans la salle.
« Proposez exclusivement des projets de loi qui ont une chance d’aboutir, toutes les propositions nouvelles ne justifient pas les ressources et les coûts induits pour les contribuables », a-t-il expliqué.

Pendant la 20e Knesset, les députés ont ainsi soumis plus de 5 000 requêtes parlementaires – « Un nombre si important qu’il est difficile de les aborder sérieusement », selon l’Institut israélien de la démocratie.
A LIRE : La 20e Knesset, une histoire de quantité plutôt que de qualité ?
Une étude diffusée ce mois-ci a établi, en comparaison avec les autres Parlements du monde, que celui d’Israël connaissait une nette augmentation des projets de loi présentés par des députés depuis le début des années 2010, et que cette tendance s’était renforcée lors de la 20e Knesset.
Un nombre total de 6 644 projets de loi ont été déposés, et seuls 593 (soit 9 %) ont finalement été adoptés.
Un examen plus approfondi montre que tandis que 57 % des législations gouvernementales et 67 % des textes présentés en commission ont été approuvés, seuls 4 % des projets de loi présentés de façon individuelle par un député ont été retenus.
Et ainsi, la plupart des projets de loi élaborés à titre individuel se sont contentés d’être des « déclarations de projet de loi » – dont l’objectif est de susciter l’intérêt du public et des médias et pas nécessairement de générer des débats ou d’être adoptés, a conclu l’étude.
« Je ne suis pas là pour vous demander de ne pas légiférer », a continué le président. « Faites-le ! Mais regardez bien les choses dans leur ensemble ».
Mettant davantage l’accent sur son statut de président que sur son allégeance au Likud, il a également vivement recommandé aux nouveaux parlementaires de prendre activement part au rôle de supervision exercé par la Knesset sur le gouvernement.
« Ce n’est pas une affaire de coalition ou d’opposition – c’est le travail de tous de contrôler en permanence ce que fait le gouvernement », a-t-il poursuivi.

Dimanche, Netanyahu a fait savoir qu’il était favorable à ce qu’Edelstein conserve son poste – il occupe la présidence de la Knesset depuis 2013.
Certaines tensions étaient toutefois apparues entre les deux hommes : au cours des primaires du Likud, au mois de février, Netanyahu avait refusé d’inclure Edelstein dans ses recommandations aux électeurs. Certaines informations avaient laissé penser que le Premier ministre craignait que le président du Parlement ne respecte pas pleinement la ligne du parti – ce qui a pu apparaître dans les paroles consacrées au « contrôle du gouvernement » de lundi.
Edelstein était finalement arrivé en tête des primaires.
Après l’effervescence initiale, la secrétaire-générale de la Knesset Yardena Miller-Horovitz a pris la suite auprès des nouvelles recrues pour présenter les règles procédurales et les outils mis à disposition des parlementaires – projets de loi, amendements aux règlements, motions pour l’ordre du jour, discours d’une minute, questions ministérielles non-urgentes et bien d’autres.
Asaf Zamir, surpris en train de dormir pendant l’intervention de Miller-Horovitz, a pour sa part apparemment déjà commencé à témoigner de la vie à la Knesset qui n’est parfois pas aussi explosive que ne semblent l’indiquer les feux d’artifice des génériques de la chaîne de télévision parlementaire.
Le conseiller juridique de la Knesset Eyal Yinon a continué les formalités par un cours sur – oui – les aspects légaux du processus législatif, précisant également ce que les députés novices ont le droit de faire ou non – au moins en matière d’éthique et d’immunité.
Par exemple, utiliser son nouveau statut pour demander un surclassement sur un vol est interdit, a-t-il noté – entraînant des murmures sarcastiques dans les rangs de Kakhol lavan, en lien avec les trois affaires de corruption dans lesquelles Netanyahu est impliqué.
« Mais on n’a pas le droit de fumer des cigares en classe économique », s’est esclaffé à voix basse un nouveau député, qui n’a pas été identifié.

Se référant peut-être au Premier ministre lui-même, Yinon a indiqué qu’il y aurait un séminaire séparé pour « les nouveaux arrivants et pour les députés vétérans » sur les spécificités de leur immunité parlementaire et sur ses limitations légales (le conseiller juridique est, sans aucun doute, tout à fait conscient des projets déclarés de certains d’assurer l’immunité des parlementaires face aux poursuites judiciaires afin, dit-on, de protéger Netanyahu).
Ensuite – Zamir était alors réveillé – Yinon a expliqué aux novices quels avantages spécifiques les contribuables leur octroieraient en plus de leurs salaires mensuels (44 000 shekels, soit près de 11 000 euros) : une indemnité de 49 000 shekels par an (12 000 euros) pour assurer la bonne marche d’un bureau à l’extérieur de la Knesset, des fonds pour embaucher jusqu’à deux conseillers, des voitures de leur choix… et des subventions d’ajustement (liées au nombre d’années passées à la Knesset) prévues lorsqu’ils quitteront leurs fonctions.
Aucun conseil de mode ne leur a été donné pour les aider à dépenser les 1 000 dollars mensuels alloués pour leur garde-robe. Mais certains ont été avertis par leurs partis que dès mardi, les codes vestimentaires du quotidien allaient changer.
« Et évite de venir en plénière en jean ! », a ainsi lancé la dirigeante de la faction Hadash-Taal, Medalia Bakar, au nouveau représentant du parti Ofer Kassif, qui portait un denim délavé.

Après les conférences, différentes tâches administratives, une visite du bâtiment rénové du Parlement et, bien sûr, un déjeuner dans la cafétéria exclusive des membres de la Knesset, le groupe de nouveaux venus s’est enfin rendu, à l’apogée de cette journée, dans la salle de séance plénière pour découvrir les sièges qu’ils occuperont dès mardi – un moment considéré par un grand nombre comme le plus fort de la journée, au cœur de leur nouvel engagement.
Alors que la répartition officielle des sièges de la 21e Knesset était publiée pour la première fois à leur entrée dans la salle consacrée, les nouveaux parlementaires ont pu avoir un aperçu de leur futur statut officiel ainsi que de celui de leurs propres partis au lendemain de ces élections.
Les formations ultra-orthodoxes du Shas et de Yahadout HaTorah sont dorénavant installées sur les principaux bancs de coalition, à la droite de la salle, ayant gagné chacune huit sièges, quittant l’arrière partagé par des députés de la coalition et de l’opposition.
Leurs anciens sièges seront dorénavant occupés par la délégation travailliste – qui est passée de 24 à 6 sièges, son pire résultat électoral, et quitte donc les bancs de l’opposition situés à l’avant de la salle.

« C’est là où tout se passe. C’est là que se joue la démocratie », a déclaré une nouvelle arrivante du Likud, Michal Shir, au Times of Israel, désignant du doigt les boutons servant à voter sur le bureau du siège qui lui a été alloué.
Profitant du moment avec délectation, certains, après avoir arpenté la salle et fait des selfies impromptus dans leur nouveau siège, ont plaisanté qu’ils pouvaient maintenant rentrer chez eux et ne jamais revenir, ces clichés témoignant de leur passage dans le lieu sacré de la démocratie israélienne maintenant pris.
D’autres ont indiqué en plaisantant être dorénavant impatients de prendre place autour de la table du cabinet.

Tandis que la majorité des nouvelles recrues, en proie à une vive excitation, s’est fait un plaisir de prendre des photos des uns et des autres installés dans les grands fauteuils en cuir, tout juste refaits, cela n’a pas été le cas d’au moins une législatrice.
Dans un courrier adressé à Edelstein, Miki Haimovich, députée de Kakhol lavan, végane et militante pour l’environnement, a fait part de ses objections morales à l’industrie de la viande et demandé à ce que le siège en cuir qu’elle va occuper soit changé.
« La simple pensée de rester assise pendant toutes les heures que je vais être amenée à passer à la Knesset dans un tel fauteuil est insupportable », a écrit Haimovich.
« Cela pourrait être une bonne chose à l’avenir de réfléchir à remplacer tous les sièges de la salle de la plénière par d’autres qui ne seraient pas confectionnés à partir de la peau d’un animal », a-t-elle continué dans sa lettre.
Une source de la Knesset, qui a affirmé que de telles demandes avaient déjà été soumises dans le passé, a indiqué qu’il était peu probable qu’il soit donné suite à cette requête.
Quand Haimovich reviendra en séance plénière dans la journée de mardi et que les 48 autres nouveaux arrivants et 71 députés prêteront serment, il se pourrait bien qu’elle soit dans l’obligation de rester debout.
En tous cas, quand elle quittera l’assemblée à l’issue de la cérémonie, elle pourra enfin s’asseoir – dans l’une des voitures écologiques présentées dans le livret glissé dans son nouveau sac marqué du sceau de la Knesset.