Reprise des activités du mouvement de solidarité avec les otages, suite à l’attentat dans le Colorado
Après une pause, l'organisation Run for Their Lives laisse ses sections locales décider de la reprise des courses, sur fond de regain d'intérêt suite à l'attentat antisémite de dimanche

JTA – L’attentat perpétré dimanche dernier à Boulder visait Run for Their Lives, un collectif qui organise chaque semaine des courses et des marches un peu partout dans le monde dans le but de sensibiliser la population au sort des otages israéliens séquestrés à Gaza.
Après une brève pause, le collectif invite ses sections locales à décider elles-mêmes de la reprise de leurs activités, quitte à prendre davantage de précautions.
La violence en aura sans doute dissuadé un certain nombre, mais la participation semble au contraire avoir augmenté depuis l’attentat, analyse Shira Weiss, coordinatrice mondiale de Run for Their Lives.
« La plupart des sections seront actives ce week-end », explique dans une interview. « Aucun de nos dirigeants locaux ne nous a contactés pour nous dire ‘Désolé, je laisse tomber. Cela ne m’intéresse plus’. »
Il y a, au contraire, eu une augmentation du nombre de personnes intéressées par le mouvement et 20 demandes de renseignements sur l’ouverture de nouvelles sections depuis l’attentat de dimanche, ajoute Weiss. Trois d’entre elles ont déjà été acceptées.
Selon les agents fédéraux, cela faisait un an que Mohamed Sabry Soliman préparait l’attentat à la bombe incendiaire de Boulder. Après son arrestation, il a déclaré à la police qu’il n’avait aucun regret – qu’il le ferait à nouveau et qu’il « souhaitait tous les voir morts ».
Âgé de 45 ans, l’homme est accusé d’avoir lancé deux cocktails Molotov sur une foule près du palais de justice de Boulder aux cris de « Libérez la Palestine », selon les termes de la plainte pénale fédérale déposée lundi.
Weiss se dit triste qu’un collectif aux buts humanitaires soit la cible de violences. Elle rappelle que Run for Their Lives demande seulement la libération des otages et ne se présente pas du tout comme un groupe pro-Israël.

« D’ailleurs, il n’y a pas que des Juifs et des Israéliens qui marchent », souligne-t-elle. « Il y a des personnes d’absolument tous les horizons. Nous sommes apolitiques. Nous ne protestons contre rien. Nous ne marchons contre rien. »
Créé peu de temps après le pogrom commis par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, au cours duquel 1 200 personnes ont été massacrées et 251 prises en otages dans le sud d’Israël, le collectif a gagné en ampleur jusqu’à atteindre le nombre de 230 sections aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il demande à chaque section locale de courir ou marcher pendant au moins 18 minutes, nombre qui représente le mot hébreu « chai », qui signifie vie.
Rachelle Halpern a rejoint les rangs de la section de Boulder en novembre 2023 après en avoir entendu parler par un e-mail de sa synagogue, la congrégation Bonai Shalom.
« C’est réconfortant de me trouver en compagnie de personnes auxquelles je n’ai pas besoin d’expliquer ce que je ressens », confie-t-elle lors d’un rassemblement communautaire à Boulder, mercredi soir.
« Parfois, on n’était qu’une vingtaine. Parfois, plus d’une centaine. Nous sommes devenus une famille. Au début, je marchais – et beaucoup de personnes comme moi – juste pour être avec d’autres personnes – d’autres personnes à prendre dans nos bras et vers lesquelles nous tourner quand on ne sent pas en paix. »
Progressivement, explique-t-elle, ces marches ont pris un sens plus fort : la douloureuse fraternité des familles d’otages a pris conscience qu’il y avait des Juifs, partout dans le monde, qui, semaine après semaine, marchaient pour leurs proches.

« Nous avons appris à connaitre les otages. Chacun d’entre nous a plus ou moins adopté l’un d’entre eux… Nous avons appris qui ils sont ou étaient, comment ils vivaient et, pour nombre d’entre eux, comment ils sont morts », poursuit Halpern, qui était présent dimanche.
« Nous avons pris conscience que notre présence … nos marches silencieuses, chaque semaine, étaient appréciées des familles d’otages, qui y voyaient le signe qu’on ne les oubliait pas, que des gens venaient chaque dimanche, qu’il pleuve ou qu’il vente, par moins 23 degrés ou plus de 40, fidèles au poste. Toujours là. »
Lors du rassemblement, Avraham Kornfeld explique que le collectif, qui ferme généralement la marche en chantant l’Hatikvah et en énumérant le nom des otages, attire souvent l’attention des passants du centre commercial Pearl Street de Boulder.
« Parfois, il y a du chahut, et parfois – plus souvent, en fait – il y a des pouces levés et de timides applaudissements voire des ‘Nous sommes avec vous les gars’ », poursuit-il. « C’est quelque chose de beau. Il y a beaucoup de soutien au sein de la communauté. »
Run for Their Lives s’est engagé à poursuivre son action jusqu’à ce que les derniers otages de Gaza soient libérés. Il reste 58 otages, 23 d’entre eux vivants. Israël a des organisations dédiées au soutien aux otages et à leurs proches, mais Run for Their Lives n’est affilié à aucune d’entre elles.
L’attentat de Boulder a fait 15 blessés parmi les participants lors de la dernière marche de sa section locale. La marche de ce dimanche aura lieu comme prévu, mais sous forte protection policière.
« Nous ne nous laisserons pas impressionner ou intimider par ce type d’action », explique au Times of Israel Bruce Shaffer, un dirigeant de la section de Boulder.
« Annuler la marche, cela revient à donner à ces gens ce qu’ils veulent. »

Les organisateurs s’attendent à une forte participation et les sections de Denver ont d’ores et déjà prévu de se rendre à Boulder pour cette marche, confie Weiss.
Ce tragique attentat a donné lieu à une vague de solidarité qui va bien au-delà du Colorado et qui a redonné vie à des sections locales plus ou moins actives après plus d’un an et demi de guerre.
Par exemple, les sections de Pico Robertson et Fairfax, à Los Angeles, essentiellement juives, ne réunissaient plus suffisamment de monde pour faire ces marches hebdomadaires. Mais mercredi, l’administrateur du groupe WhatsApp de la section a déclaré qu’il était sans doute temps de raviver le groupe.
« Ces derniers jours, un grand nombre de personnes m’ont demandé de rejoindre le groupe », écrit l’administrateur.
Dans d’autres cas, la violence a eu l’effet inverse. À Sacramento, en Californie, la section locale de Run for Their Lives ne s’est pas exprimée. Un de ses membres a répondu à une enquête de la JTA et avoué qu’il ne se sentait pas assez en sécurité pour organiser une nouvelle marche.
« Avant, nous marchions chaque semaines. Nous ne l’avons pas fait depuis un moment. Et là, avec ce qui s’est passé à Boulder, je ne me sens personnellement pas en sécurité de marcher en groupe », a écrit le membre du groupe.
Suite à l’attentat de Boulder, la direction mondiale du mouvement a invité ses sections locales à suspendre les marches. Mais devant la forte réaction des participants – et leur besoin de se rassembler en ces moments difficiles -, la direction revu sa décision, poursuit Weiss.

Chaque section est invitée à évaluer elle-même le niveau de risques et à décider de l’embauche d’agents de sécurité ou d’autres précautions.
« Ceux qui connaissent les communautés sont les mieux placés pour décider », conclut-elle. « Il s’agit de savoir où l’on vit, ce que les gens peuvent tolérer – et de prendre une décision en conséquence. »
Jusqu’à présent, la seule directive de sécurité officielle de l’organisation a été de faire preuve de davantage de prudence dans les communications et au moment d’introduire de nouvelles personnes dans les groupes de messagerie, ajoute-t-elle.
Weiss espère que le regain d’intérêt pour Run for Their Lives sera durable.
« Malheureusement, toute cette attention est liée à ce qui s’est passé », regrette-t-elle. « Mais nous espérons que ce ne sera pas un feu de paille. Nous aimerions que les gens s’engagent. Tout ce que nous demandons, c’est 20 minutes chaque semaine. »
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