Six mois après le début de la guerre, que deviennent les habitants de Kfar Aza ?
Ces habitants déplacés de la frontière de Gaza ont tenu une conférence de presse pour dire l'omniprésence du traumatisme du 7 octobre et l'inquiétude pour leurs cinq otages aux mains du Hamas
Liran Berman, 36 ans, résident du kibboutz Kfar Aza, s’est rendu un peu partout dans le monde pour demander aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’aider à faire libérer ses jeunes frères jumeaux, Ziv et Gali, tous deux âgés de 26 ans, retenus en otage par le Hamas à Gaza depuis l’attaque meurtrière des groupes terroristes le 7 octobre 2023.
Lorsqu’il ne donne pas de conférences de presse ou ne s’entretient pas avec des dignitaires étrangers, Berman se rend chaque semaine en pèlerinage dans les ruines du kibboutz Kfar Aza, pour se replonger dans ses souvenirs avec ses frères.
« Nous sommes restés bloqués au 7 octobre », a-t-il expliqué aux journalistes, mercredi dernier, à l’occasion d’une conférence de presse organisée dans les locaux du kibboutz Shefayim, dans le centre d’Israël, qui a accueilli les habitants de Kfar Aza.
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« Je me rends à Kfar Aza une fois par semaine parce qu’ainsi, je me sens proche d’eux… Je reste assis devant [leur chambre] pendant deux ou trois heures, je leur parle. A eux qui ne sont qu’à un kilomètre et demi de l’autre côté de la frontière [dans les tunnels].
Six mois après le début de la guerre, les habitants du kibboutz Kfar Aza pansent encore leurs plaies, et le traumatisme du 7 octobre, tout en se tournant vers un avenir meilleur dans ce lieu d’accueil temporaire, dans le Neguev, ont-ils confié aux journalistes mercredi.
La frontière occidentale du kibboutz Kfar Aza se trouve à deux kilomètres à peine du nord de Gaza. Si près de la frontière, ses habitants connaissaient déjà intimement le conflit entre Israël et le Hamas et les dangers des tirs de roquettes depuis Gaza.
Mais le 7 octobre a déchainé un cauchemar inimaginable.
Le kibboutz a perdu 61 de ses 950 habitants lors de l’invasion barbare du Hamas qui a marqué le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Deux autres membres ont été tués par erreur par des soldats de Tsahal à Gaza en décembre, portant le total à 63 victimes.
Sur les dix-neuf habitants pris en otage et emmenés à Gaza, 11 sont revenus en Israël. Deux otages ont été tués en captivité et cinq sont supposés encore en vie.
Au total, le Hamas a massacré près de 1 200 personnes le 7 octobre dernier et fait 253 otages et des dizaines de milliers d’Israéliens ont dû être évacués et déplacés dans le pays, à commencer par les résidents du kibboutz Kfar Aza.
Près de la moitié des habitants de Kfar Aza vivent aujourd’hui dans le kibboutz Shefayim, à la fois dans l’hôtel du kibboutz et dans des maisons mobiles récemment installées.
Simona Steinbrecher, la mère de Doron Steinbrecher, otage à Gaza depuis six mois, a déclaré : « Je m’endors chaque soir en entendant sa voix et je me réveille avec, le matin. »
Steinbrecher a instamment demandé aux journalistes de faire connaître l’histoire de sa fille. Elle a notamment appelé l’attention sur une photo de Doron prise avant son enlèvement, qu’elle a comparée avec une image extraite d’une vidéo publiée par le Hamas en janvier, qui témoigne de la dégradation de sa santé physique, évoquant les brutalités que sa fille doit endurer de la part de ses ravisseurs du Hamas.
Pour l’heure, la communauté bénéficie d’un certain nombre d’aides, psychiatriques, éducatives et spécialisées dans la prise en charge des traumatismes.
Les membres du kibboutz ont par ailleurs créé leurs propres écoles dans et autour du kibboutz Shefayim ainsi qu’une base pour leur groupe de jeunes scouts. Il y a aussi un centre d’artisanat thérapeutique en l’honneur de Livnat Kutz, assassinée avec ses proches le 7 octobre dernier, et qui dirigeait des programmes mêlant artisanat ancien et programmes scolaires dans la région de Shaar Hanegev, dans le sud d’Israël.
L’artisanat brasse large, du dessin avec un stylo et du papier au travail du bois et à la poterie, et offre un indispensable exutoire physique au stress et aux traumatismes.
« Je vais [à l’atelier poterie] une fois par semaine », a déclaré Shachar Tzuk, un résident de 32 ans, qui a perdu plusieurs amis et proches le 7 octobre.
« Mes frustrations partent dans la glaise. »
« Faire de la poterie implique de ne pas pouvoir faire de crise de panique. On doit être totalement concentré sur l’argile, dans l’instant présent – ça se joue entre la poterie et nous. Alors, pour quelques heures, une fois par semaine… Je n’ai pas de crises de panique », a confié Tzuk.
Victor Weinberger, directeur de la planification et de la stratégie du kibboutz Kfar Aza, a précisé que ces aides étaient financées par des dons que ses collègues et lui avaient collectés ces six derniers mois.
Weinberger a également déclaré que, sous réserve de disposer à terme de fonds suffisants, la communauté prévoyait de partir s’installer dans le kibboutz Ruhama à l’automne et de revenir au kibboutz Kfar Aza d’ici la fin 2025.
Ruhama se trouve dans la même zone du conseil régional que le kibboutz Kfar Aza, mais reçoit beaucoup moins de tirs de roquettes de Gaza car située plus à l’intérieur des terres. S’y installer permettrait aux résidents de regagner leur district scolaire et leur lieu de travail le temps que leur maison soit reconstruite.
Weinberger a ajouté que tous les habitants du kibboutz Kfar Aza ne souhaitaient pas revenir vivre dans la zone frontalière de Gaza, expliquant que les jeunes parents avec de jeunes enfants étaient les plus hésitants.
Il a ajouté que le départ pour le kibboutz Ruhama impliquerait une aide financière publique. Weinberger est resté diplomate en ce qui concerne l’action des autorités israéliennes, mais s’est montré sceptique quant à la volonté du Premier ministre Benjamin Netanyahu d’aider sa communauté et d’autres comme elle.
« Nous avons un Premier ministre qui, à ce jour, se refuse à dire le mot ‘kibboutz’ ou ‘kibboutznik’ », a-t-il conclu. « Et pour l’heure, nous n’avons pas les fonds dont nous avons besoin. »
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