Smotrich évoque son plan « méga-spectaculaire » de contrôle civil en Cisjordanie – enregistrement
Selon un reportage du NYT, le ministre d'extrême-droite a déclaré à ses partisans qu'il agissait actuellement de manière à dissimuler au monde une annexion de fait - avec le soutien total du Premier ministre
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a été récemment enregistré en train de dire à ses partisans que le gouvernement était engagé dans une initiative secrète – une initiative dont l’objectif est de modifier profondément la nature du système de contrôle israélien en Cisjordanie, selon un reportage paru vendredi qui s’est appuyé sur un enregistrement du chef du parti d’extrême-droite Hatzionout HaDatit.
Le New York Times a précisé que cet enregistrement avait été réalisé lors d’un événement organisé au début du mois. A cette occasion, Smotrich, qui est également ministre subalterne au sein du ministère de la Défense, avait confié à ses soutiens que l’objectif poursuivi par son initiative était d’empêcher que la Cisjordanie puisse intégrer un État palestinien potentiel.
« Je vous le dis, c’est méga-spectaculaire », affirme Smotrich dans l’enregistrement. « De tels changements modifient l’ADN du système ».
Un porte-parole du ministre d’extrême-droite a confirmé l’authenticité de l’enregistrement – qui, selon le journal, a été fourni par un chercheur appartenant au groupe de veille anti-implantations, La Paix Maintenant, qui était présent dans la salle lors de cet événement qui a eu lieu le 9 juin.
Certains pans de la Cisjordanie sont placés sous la gouvernance de l’Autorité palestinienne tandis qu’Israël a la responsabilité des autres territoires. Smotrich, qui s’oppose avec férocité à la perspective de l’établissement d’un État palestinien, pousse depuis longtemps Israël à annexer ces secteurs.
« Mon objectif – qui est aussi celui de tout le monde dans cette salle, je le pense – est avant tout d’empêcher l’établissement d’un état terroriste au cœur de la terre d’Israël », dit-il dans l’enregistrement.
Il parle ensuite en longueur de la manière dont il a prévu de transférer l’autorité détenue actuellement par l’armée aux civils placés sous sa responsabilité au sein du ministère de la Défense – où il jouit d’un large pouvoir qui lui a été octroyé dans le cadre de l’accord de coalition qui avait été conclu entre sa formation Hatzionout HaDatit et le parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Nous avons créé un système civil séparé », déclare Smotrich dans la séquence, ajoutant que pour éviter d’attirer l’attention à l’international, le gouvernement a autorisé le ministère de la Défense à continuer à s’impliquer dans le processus, selon le Times.
« Ce sera plus facile à ‘avaler’ dans le contexte international et juridique », continue-t-il. « Nous agissons de manière à ce qu’ils ne puissent pas dire que nous procédons ici à une annexion ».
Smotrich expliquerait par ailleurs dans l’enregistrement que Netanyahu « est pleinement à nos côtés » – une affirmation que le Bureau du Premier ministre semble avoir tenté de contrer.
« Le statut final de ces territoires sera déterminé par les parties intéressées et au cours de négociations directes », a fait savoir le Bureau de Netanyahu dans un communiqué émis en réponse aux propos tenus par son partenaire de coalition. « Cette politique n’a pas changé ».
Le reportage consacré à l’enregistrement, paru vendredi, a suivi la révélation par le même journal, le mois dernier, de la teneur d’un document interne dans lequel le chef du Commandement central de Tsahal, le général Yehuda Fox, accusait Smotrich de saper totalement les efforts livrés par l’armée qui tente de réprimer les constructions israéliennes illégales en Cisjordanie.
La répression, en ce qui concerne les constructions illégales, a chuté « au point où elle a disparu totalement », avait écrit Fox, soulignant le rôle tenu par Smotrich. Il avait aussi écrit que le ministre d’extrême-droite et ses alliés bloquaient les mesures que le gouvernement s’était engagé à prendre auprès des tribunaux pour dissuader les constructions hors-la-loi en Cisjordanie.
Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a été invité lundi à réagir aux propos de Smotrich.
« Nous avons dit très clairement que les colonies sont contre-productives pour la paix, que le programme de colonisation du gouvernement israélien est incompatible avec le droit international, et nous continuerons à le dire clairement », a-t-il déclaré.
« Nous continuerons à faire valoir auprès d’Israël que de telles actions ne nuisent pas seulement au peuple palestinien, mais qu’elles sont en fin de compte autodestructrices. Elles nuisent en fin de compte aux intérêts d’Israël et affaiblissent sa sécurité », a ajouté Miller.
Israël a construit des implantations en Cisjordanie de manière extensive depuis 1967, année où le pays avait capturé la zone, alors placée sous l’autorité de la Jordanie, au cours de la guerre des Six jours. Israël considère ce territoire comme la région historique de Judée-Samarie et estime qu’il est déterminant pour la sécurité de l’État juif. Netanyahu a fait la promotion du développement des implantations, ce qui a entraîné des frictions avec les États-Unis.
Les implantations se construisent sur des terres que les Palestiniens revendiquent depuis longtemps pour leur état indépendant – un état qui comprendrait aussi la bande de Gaza et qui aurait Jérusalem-Est comme capitale.
Au mois d’avril, Smotrich avait appelé Netanyahu à annexer la Cisjordanie si l’Autorité palestinienne devait continuer à prendre des initiatives en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien dans le monde et pour sa tentative, avait-il dit, d’amener les tribunaux internationaux à émettre des mandats d’arrêt contre les leaders israéliens dans le contexte de la guerre actuelle à Gaza.