Sommé par l’UE de s’expliquer sur l’Etat de droit, Budapest accuse Soros
Après des tweets "scandaleux" du porte-parole du gouvernement d'Orban, la diplomate en chef finlandaise a rappelé que "l'antisémitisme n'avait pas de place dans l'UE"
Sommé de répondre aux inquiétudes des Européens sur les violations de l’Etat de droit, le gouvernement hongrois a défié l’UE lors d’une audition mardi à Bruxelles qu’il a qualifiée de « farce » et de « chasse aux sorcières ».
Le porte-parole du gouvernement nationaliste de Viktor Orban, Zoltan Kovacs, s’est autorisé, en violation du règlement, une rafale de tweets acerbes tout au long de l’audition, pendant que la ministre hongroise de la Justice Judit Varga répondait à huis clos aux questions de ses collègues européens.
Dans ces messages, il a notamment qualifié de « farce » la procédure enclenchée à l’encontre de Budapest et les responsables européens d' »orchestre de Soros », en référence au milliardaire américain juif d’origine hongroise George Soros, bête noire de Viktor Orban.
Un comportement qui lui a valu une demande de « clarifications écrites » de la part de la présidence finlandaise de l’UE. C’est « un grave problème », a estimé la ministre finlandaise aux Affaires européennes Tytti Tuppurainen, jugeant les tweets « scandaleux » et rappelant que « l’antisémitisme n’avait pas de place dans l’UE ».
Le commissaire européen chargé de la Justice, Didier Reynders a aussi jugé « inacceptable » l’attitude du responsable hongrois. « C’est une vraie campagne contre la Commission et les Etats membres en pleine procédure de l’article 7 », a-t-il dit.
L’audition s’inscrivait dans le cadre de l’article 7 du traité de l’UE, procédure activée par le Parlement européen en septembre 2018 contre Budapest, accusé de « violation grave » des valeurs de l’UE et qui peut en théorie déboucher sur des sanctions.
La vice-présidente de la Commission, Vera Jourova, a estimé que cette séance n’avait pas répondu aux préoccupations européennes. « Les inquiétudes n’ont pas été dissipées », a déclaré la responsable, qui avait notamment pointé du doigt la question de l’indépendance du système judiciaire dans ce pays.
La Hongroise Judit Varga, qui était déjà venue se justifier devant ses pairs en septembre, a appelé à « mettre un terme à cette chasse aux sorcières », dénonçant le « énième épisode d’une histoire interminable ».
« La Hongrie a toujours été engagée dans le respect de l’Etat de droit et nous avons donné des réponses claires à toutes les questions », a assuré la ministre, qui a été interrogée, outre l’indépendance de la justice, sur la liberté de la presse et la liberté universitaire.
Cette audition a eu lieu au lendemain d’une manifestation à Budapest qui a rassemblé plusieurs milliers de Hongrois, mobilisés pour défendre la liberté artistique en réaction à un projet de réforme du gouvernement renforçant le contrôle sur les théâtres.
Vera Jourova a par ailleurs dit vouloir se rendre « dès que possible » en Pologne, autre pays contre lequel a été déclenchée la procédure de l’article 7, cette fois à l’initiative de la Commission, et dont la situation a aussi été examinée mardi.
« Nous avons toujours des inquiétudes sur beaucoup de choses » en Pologne, a également commenté Didier Reynders, qui a déploré une « détérioration » de la situation de l’Etat de droit dans les deux pays concernés.
Il a souligné que l’article 7 n’était pas le seul « outil » pour faire respecter ces questions par les Etats membres. Il a cité les décisions de la Cour de justice de l’UE concernant la Pologne (notamment sur l’indépendance des juges) et le projet d’établir un rapport annuel sur le respect de l’Etat de droit par chaque Etat membre.
La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a endossé la proposition de l’exécutif précédent de conditionner le versement de fonds européens au respect de l’Etat de droit.
La rapportrice du Parlement européen sur la Hongrie, Gwendoline Delbos-Corfield (groupe Verts/ALE), a appelé les Etats membres « à émettre des recommandations, avec des dates butoirs ». « Sinon on se retrouve dans ce schéma où rien ne se passe jamais », a-t-elle dit à l’AFP.
La procédure de l’article 7 contre la Hongrie et la Pologne est pour l’instant à un stade préliminaire. La seconde phase qui peut conduire à retirer les droits de vote d’un Etat membre, requiert un vote à l’unanimité des autres pays, ce qui rend improbable cette perspective.