Soupçons d’ingérence étrangère : un lobbyiste reconnaît avoir rémunéré l’ex-journaliste de BFMTV
L'information judiciaire s'intéresse a minima à deux autres hommes : le politologue spécialiste du Qatar Nabil Ennasri, et le député écologiste Hubert Julien-Laferrière
Le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, mis en examen à Paris dans l’enquête portant sur des soupçons d’ingérence étrangère dans la politique et l’actualité françaises, a reconnu avoir rémunéré l’ex-journaliste de BFMTV Rachid M’Barki, a indiqué vendredi une source proche du dossier à l’AFP.
Le lobbyiste a concédé lui avoir donné des enveloppes de billets et fait un virement de 2 000 euros, lors d’un interrogatoire le 12 janvier devant un juge d’instruction, a précisé la source proche du dossier. Son avocat, Me Robin Binsard, n’a pas souhaité réagir.
M. M’Barki avait lui-même avoué avoir perçu cet argent, lors de sa garde à vue en décembre, a révélé jeudi Le Parisien : « Il m’est arrivé de recevoir des sommes d’argent (…) Oui, je reconnais les faits de corruption passive », avait-il déclaré. Une somme qu’il évalue entre « six et huit mille euros » en liquide. Son conseil, Me François Berbineau, n’était pas joignable dans l’immédiat.
Ses déclarations, citées par Le Parisien et confirmées par la source proche du dossier, contredisent ses propos tenus en mars devant une commission d’enquête parlementaire relative aux ingérences politiques. Jean-Pierre Duthion avait aussi été auditionné en avril dans ce même cadre.
Vendredi, le président de la commission et député RN Jean-Philippe Tanguy, a annoncé sur X son intention d’émettre un signalement à la justice car M. M’Barki et M. Duthion « auraient menti sous serment aux parlementaires ».
De son côté, Me Binsard a déposé en décembre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dénonçant « la superposition » des enquêtes parlementaire et judiciaire.
Il y voit un dévoiement des droits de la défense : devant une commission, les personnes interrogées « prêtent serment de dire la vérité, et sans disposer du droit de garder le silence » et tout mensonge devant les parlementaires peut faire l’objet de poursuites pour parjure. Alors que la loi française « consacre le droit de ne pas s’auto-incriminer ».
Outre Duthion et M’Barki, l’information judiciaire s’intéresse a minima à deux autres hommes : le politologue spécialiste du Qatar Nabil Ennasri, mis en examen et placé en détention provisoire en octobre, ainsi que le député écologiste Hubert Julien-Laferrière, dont le bureau a été perquisitionné fin septembre mais qui n’a pas encore été entendu. Le premier est soupçonné d’avoir été l’agent d’influence de la monarchie qatarie et le second d’avoir fait la promotion d’une cryptomonnaie contre d’éventuelles contreparties.
L’enquête judiciaire avait débuté après une plainte de BFMTV et une enquête internationale mi-février du collectif de journalistes Forbidden Stories. Elle pointait les activités d’une société israélienne, surnommée Team Jorge, spécialisée dans la désinformation au profit de différents clients, dont des États.
Dans le cas de M. M’Barki sur BFMTV, elle pointait des brèves litigieuses diffusées en 2021 et 2022 et relatives à des oligarques russes, au Qatar, Soudan, Cameroun, ou encore au Sahara occidental.