Israël en guerre - Jour 368

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Analyse

Sur le papier, Lapid et Bennett ont une coalition, mais Netanyahu ne lâchera pas

Il leur a été extrêmement difficile de rassembler huit partis disparates. Mais on peut compter sur le Premier ministre pour rendre leur chemin vers la Knesset encore plus tortueux

David Horovitz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le chef du parti Yamin Naftali Bennett et le chef du parti Yash Atid Yair Lapid dans la salle du plénum du parlement israélien lors du vote des élections présidentielles, à Jérusalem, le 2 juin 2021. (Crédit ! Olivier Fitoussi/Flash90)
Le chef du parti Yamin Naftali Bennett et le chef du parti Yash Atid Yair Lapid dans la salle du plénum du parlement israélien lors du vote des élections présidentielles, à Jérusalem, le 2 juin 2021. (Crédit ! Olivier Fitoussi/Flash90)

Trente-cinq minutes avant l’expiration du délai fatidique, Yair Lapid a informé le président Reuven Rivlin qu’il a « été en mesure de former un gouvernement », selon un communiqué officiel publié par le parti Yesh Atid.

Et en théorie, c’est effectivement le cas. En théorie, il met fin au douze ans de règne de Benjamin Netanyahu.

En théorie.

Les dirigeants de huit partis de la Knesset ont signé un document qui a été envoyé à Rivlin et qui confirme qu’ils feront partie du nouveau gouvernement. Ensemble, Yesh Atid (17 sièges), Kakhol lavan (8), Yisrael Beytenu (7), le Parti travailliste (7), Yamina (6 de ses 7 députés), Tikva Hadasha (6), Meretz (6) et Raam (4) détiennent 61 sièges sur les 120 que compte la Knesset, ce qui donne à leur coalition la majorité la plus mince possible, mais une majorité tout de même.

(Lapid était tellement exalté lorsqu’il a téléphoné au président, avec Bennett à ses côtés, qu’il a apparemment oublié d’inclure Yisrael Beytenu lorsqu’il a énuméré les partis composant la coalition.)

Toutefois, ce gouvernement annoncé doit encore remporter la confiance de la Knesset, ou plus précisément, le vote de confiance qui n’aura pas lieu avant quelques jours. À en juger par les tensions et les contraintes extraordinaires qui ont marqué ces derniers jours de tractations épineuses pour former ce qui a été appelé le « gouvernement du changement », le processus d’obtention de l’approbation de la Knesset sera extraordinairement difficile. Et l’on peut largement compter sur Netanyahu pour le rendre aussi difficile que possible, alors qu’il se bat désespérément pour conserver le pouvoir.

Le chef de Yesh Atid, Yair Lapid (G), le leader de Yamina, Naftali Bennett (C) et le leader de Raam, Mansour Abbas, signent un accord de coalition le 2 juin 2021 (Crédit : Raam).

La coalition annoncée crée un précédent en incluant Raam, le premier parti arabe islamiste à officiellement intégrer une coalition au pouvoir dans l’histoire d’Israël. Elle crée un autre précédent en réunissant le mélange de partis politiques les plus disparates possibles en un seul gouvernement : deux de gauche (Travaillistes et Meretz), deux du centre (Yesh Atid et Kakhol lavan), trois de droite (Yamina, Tikva Hadasha et Yisrael Beytenu), et le parti islamique conservateur Raam.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu condamne le gouvernement d’unité que vient d’annoncer son rival Naftali Bennett qui rejoint Yair Lapid, de Yesh Atid, le 30 mai 2021. (Capture d’écran))

Malgré toutes les bonnes intentions déclarant qu’il s’agira d’un gouvernement « d’unité », dédié à la guérison de la nation, où tous les participants devront renoncer au moins à certains de leurs rêves tout en ne transigeant pas sur leurs lignes rouges idéologiques, leur facteur d’unité est la conviction que Netanyahu est mauvais pour l’État d’Israël. Mais cela n’a pas empêché Netanyahu de chercher les maillons faibles au sein des partis, et il est certain qu’il va intensifier la pression, en particulier sur Yamina, le parti nationaliste-religieux de Bennett.

Bennett, qui devrait être le premier à occuper le poste de Premier ministre avant de laisser la place à Lapid en septembre 2023, a déjà perdu un membre de sa faction de sept sièges, le nouveau député Amichai Chikli, qui a déclaré qu’il voterait contre la coalition. Un autre député de Yamina, Nir Orbach, devrait rencontrer Bennett jeudi et risque de suivre l’exemple de Chikli. Une troisième, Idit Silman, est également sous pression pour défier le chef du parti.

Le chef de Yamin Naftali Bennett et le chef de Yesh Atid Naftali Bennett Yair Lapid informent le président qu’ils ont réussi à former une coalition, le 2 juin 2021. (Autorisation)

En ce qui concerne Ayelet Shaked, collègue de longue date de Bennett, elle a semblé traverser une crise de conscience politique dans les jours qui ont précédé la date butoir de mercredi, et sa demande de représentation au sein de la commission qui sélectionne les juges israéliens a failli faire échouer toute l’entreprise au cours des deux derniers jours de négociations. Entrer dans ce que Netanyahu et son Likud – qui lui a été, jusqu’à présent, entièrement fidèle – considèrent comme un gouvernement de gauche ne sera pas facile pour Shaked, dont les enfants se feraient insulter à l’école, dont une amie proche ferait la grève de la faim devant chez elle et qui, comme Bennett, est victime d’abus brutaux de la part de manifestants d’extrême-droite et de provocateurs sur les réseaux sociaux.

Le chef du parti Yamina Naftali Bennett et la députée Yamina Ayelet Shaked dans la salle du plénum du parlement israélien lors du vote des élections présidentielles, à Jérusalem, le 2 juin 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Et étant donné que le gouvernement Bennett-Lapid ne dispose au mieux que d’une majorité de 61 à 59, le moindre transfuge vers le camp Netanyahu pourrait le condamner – littéralement.

Pourtant, si quatre des six députés de la Liste arabe unie des partis principalement arabes se sont engagés à s’opposer au nouveau gouvernement, en raison de la présence importante de Bennett et d’autres partis de droite (considérés comme plus à droite que Netanyahu), les deux autres n’ont pas encore précisé comment ils allaient voter, et il est tout à fait concevable qu’ils viennent à la rescousse du nouveau gouvernement. Ou peut-être pas.

Le document signé par les huit partis de la nouvelle coalition annonçant la mise en place d’un gouvernement. (Autorisation)

Le fait est que si Lapid dispose d’une majorité gouvernementale sur le papier – sur le document qu’il a envoyé à Rivlin peu avant minuit – lui et Bennett n’auront pas de gouvernement dans la pratique tant que la Knesset ne le confirmera pas.

Cela signifie que Netanyahu, qui, comme on l’a appris mercredi, a été en contact fréquent avec Mansour Abbas pour tenter de persuader le leader du Raam de ne pas s’allier à Lapid, est au bord du gouffre mais il n’en a pas encore fini.

Il avait 28 jours avant Lapid pour essayer de rassembler une majorité et il n’y est pas parvenu – en partie parce que l’alliance d’extrême-droite du Parti sioniste religieux dont il a ouvert la voie à la Knesset a refusé de s’associer au parti Raam. Mais cela ne l’empêchera pas d’essayer jusqu’au dernier moment de contrecarrer l’alliance la plus improbable jamais réunie pour gouverner Israël – une alliance qui traverse les lignes idéologiques dont le but principal vise à l’évincer.

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