Tout le monde meurt : Mais s’il s’agit d’un Premier ministre en exercice, que se passe-t-il ?
Après deux interventions chirurgicales soudaines, des inquiétudes relatives à la santé du leader israélien - 74 ans - sont apparues. Contrairement aux règles fluides de succession aux États-Unis, les conséquences, ici, peuvent s'avérer être inattendues
L’opération subie par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dimanche, a remis l’état de santé du dirigeant âgé de 74 ans sous le feu des projecteurs ainsi que certaines questions – et notamment une en particulier : Qu’arriverait-il s’il devait soudainement se trouver physiquement ou mentalement dans l’incapacité de faire son devoir, qu’il devait être inapte à la prise en charge des affaires de l’État, ou pire
encore ?
Au cours des 30 dernières années, le gouvernement israélien a dû faire face à la perte soudaine d’un chef de gouvernement à deux occasions : Lors de l’assassinat, en 1995, de Yitzhak Rabin et lors du départ soudain de son poste d’Ariel Sharon qui venait d’être victime de deux attaques cérébrales, au début de l’année 2006.
Contrairement à Sharon – qui avait désigné un successeur pour le remplacer si quelque chose devait lui arriver – Netanyahu s’est refusé à désigner une personnalité susceptible de prendre sa place en cas de nécessité, choisissant de le faire au gré des événements, lorsque le besoin s’en faisait ressentir.
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Ainsi, dimanche soir dernier, alors qu’il était opéré pour une hernie à l’hôpital Hadassah Ein Kerem, c’est le ministre de la Justice Yariv Levin qui a temporairement été en charge du pays.
Cette intervention chirurgicale, qui a eu lieu sous anesthésie générale, est survenue moins d’un an après que le Premier ministre s’est fait poser un pacemaker après avoir fait l’objet « d’un bloc cardiaque transitoire ». Une semaine auparavant, il avait été hospitalisé pour « une déshydratation », comme il l’avait annoncé. Les médecins avaient ultérieurement révélé que le chef de gouvernement souffrait depuis des années d’un problème de circulation au niveau du cœur.
Les médecins de Netanyahu affirment aujourd’hui que l’état de santé de ce dernier est « complètement normal » – mais force est de reconnaître que le Premier ministre n’a divulgué que peu d’informations sur son état de santé, entraînant des spéculations considérables. Une requête officielle a aussi été soumise auprès de la Haute-cour, demandant aux magistrats d’obliger le Premier ministre à révéler où en est réellement sa condition physique générale.
L’opération de dimanche s’est très bien passée, ont indiqué les médecins, et Netanyahu a repris le travail mercredi, Levin retournant vaquer à ses occupations habituelles à la tête du ministère de la Justice. Mais imaginons que cela n’ait pas été le cas ? Imaginons qu’il soit amené à mourir, ce sort réservé à tous les êtres de chair et de sang, à disparaître subitement : que se passerait-il ?
Le Premier ministre est mort, vive le Premier ministre
Selon Amir Fuchs, chercheur au sein de l’Institut israélien de la Démocratie (IDI), en cas de décès d’un Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions, « c’est comme si le gouvernement démissionnait dans la même journée ».
Et plutôt que de laisser la nation sans gouvernail, le cabinet se rassemblerait rapidement et il nommerait à la majorité simple un membre de la Knesset – très probablement issu de ses rangs – au poste de chef de gouvernement par intérim jusqu’à la formation d’un nouveau.
Dans les 14 jours, le président serait appelé à charger un député de la mise en place d’un gouvernement.
Et si le vice-Premier ministre – c’était Levin, dimanche dernier – serait susceptible de prendre une longueur d’avance dans la compétition, il ne serait pas pour autant automatiquement désigné comme nouveau chef du gouvernement.
« C’est comme au lendemain d’une élection », explique Fuchs.
Dans le cas où le potentiel Premier ministre ne parvienne pas à mettre en place une coalition fonctionnelle, alors les électeurs israéliens seraient appelés à se rendre aux urnes, ajoute-t-il.
« Il n’y a pas de ligne de succession comme aux États-Unis », note-t-il. « C’est une approche différente. Ce n’est pas comme aux États-Unis où vous votez pour un président et pour un vice-président et où si le président meurt, c’est le vice-président qui reprend sa fonction et tout est normal. Ici, c’est le gouvernement tout entier qui meurt avec le Premier ministre et nous sommes alors dans l’obligation d’en former un nouveau. »
C’est ce qui était arrivé le 4 novembre 1995, quand Rabin avait été assassiné par un extrémiste juif de droite. Dans les heures qui avaient suivi, le cabinet s’était réuni et il avait désigné le ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, au poste de chef de gouvernement par intérim. Peres avait ultérieurement pris la tête du parti Avoda et il avait, en conséquence, été chargé de former un gouvernement par le président de l’époque, Ezer Weizman.
Peres n’avait guère rencontré de difficultés à le faire mais, quelques mois plus tard, il avait appelé de ses vœux de nouvelles élections – un scrutin qui devait être le tout premier où les Israéliens avait voté directement pour élire leur Premier ministre (une expérimentation de réforme électorale sans lendemain). Le 29 mai 1996, Peres avait été battu par un jeune politicien à l’ambition dévorante qui répondait au nom de Benjamin Netanyahu.
Une leçon de Sharon
Depuis son troisième retour au pouvoir, au mois de décembre 2022, Netanyahu a refusé de désigner officiellement un Premier ministre intérimaire qui prendrait la barre du pays s’il devait soudainement quitter son siège pour une raison ou une autre.
Toutefois, la loi israélienne exige la nomination d’un Premier ministre suppléant qui intervienne lorsque le chef de gouvernement en titre est à l’étranger ou qu’il est dans l’incapacité temporaire d’assumer ses fonctions, comme c’est le cas, par exemple, pendant une intervention chirurgicale où le patient perd conscience. Conformément au droit, Netanyahu s’est exécuté à chaque fois que cela a été nécessaire, désignant un suppléant.
« C’est une approche différente. Ce n’est pas comme aux États-Unis où vous votez pour un président et pour un vice-président et où si le président meurt, c’est le vice-président qui reprend sa fonction et tout est normal. Ici, c’est le gouvernement tout entier qui meurt avec le Premier ministre et nous sommes alors dans l’obligation d’en former un nouveau
Quand un Premier ministre est frappé d’incapacité en l’absence d’un Premier ministre par intérim désigné, le gouvernement choisit son remplaçant temporaire – par un vote à la majorité simple au cabinet, une fois encore.
Selon la Loi fondamentale : Le Gouvernement, quasi-constitutionnelle, « si le Premier ministre est dans l’incapacité de faire son devoir de façon permanente, le gouvernement est considéré comme démissionnaire au 101e jour suivant la prise de fonction de son remplaçant ».
Au lendemain de ce 101e jour, le Premier ministre est considéré par la loi, dans les faits, comme décédé et le président est chargé de confier à un député le mandat nécessaire pour former un nouveau gouvernement – et s’il n’y parvient pas, le pays retourne alors aux urnes.
S’exprimant auprès du Times of Israel, l’année dernière, des sources du parti du Likud de Netanyahu avaient expliqué que cette réticence à désigner un remplaçant était née de l’inquiétude de subir le même destin que celui qui avait été réservé à Sharon. Il ne craindrait pas particulièrement une attaque cérébrale, non – mais il redouterait bien un successeur imprévu.
Quand Sharon était tombé dans le coma, le 4 janvier 2006 – un coma dont il ne devait plus sortir avant sa mort, en 2014 – le Premier ministre par intérim Ehud Olmert avait automatiquement pris la barre du gouvernement, devenant le leader du parti Kadima qui avait été fondé par Sharon.
Des élections qui étaient déjà prévues, et qui s’étaient déroulées à la fin du mois de mars, avaient accordé 29 sièges à Kadima et Olmert avait formé un gouvernement quelques semaines plus tard.
Mais Sharon n’avait jamais eu l’intention de placer Olmert à la tête de sa faction ou d’un gouvernement, avaient expliqué les sources du Likud. Le titre de Premier ministre suppléant qui avait été octroyé à Olmert avait été accordé pour des raisons d’opportunisme politique et Sharon n’avait jamais sérieusement pensé que les rênes du pouvoir termineraient un jour entre les mains de l’ancien maire de Jérusalem.
Il n’y a pas de différence en matière d’autorité en ce qui concerne un Premier ministre ou un Premier ministre par intérim, sauf que le remplaçant conserve le même statut que celui qui est réservé à un chef de gouvernement dans le cadre d’un gouvernement transitoire.
« C’est la même chose qui se passe, par exemple, avec un Premier ministre normal dans les semaines qui précèdent une élection dans la mesure où le gouvernement s’est effondré au préalable », indique Fuchs. « Ce n’est pas écrit quelque part, mais dans de nombreux verdicts, la Cour a limité le gouvernement transitoire » en lui interdisant, par exemple, de prendre en charge des dossiers « qui ne sont pas urgents ou nécessaires ».
Paralysie
Alors que le cabinet doit choisir un remplaçant temporaire lorsqu’un Premier ministre est temporairement dans l’impossibilité d’assumer ses fonctions, une question fondamentale – celle de décider si un chef de gouvernement est réellement inapte à mener sa mission – est néanmoins source de controverse.
Le procureur-général avait l’autorité nécessaire pour le déterminer jusqu’à une date récente – mais cela a changé avec l’adoption de la loi sur la récusation, qui s’est présentée sous la forme d’un amendement à la Loi fondamentale : Le gouvernement, un amendement qui a été adopté au mois de mars dernier.
La loi – qui limite la déclaration d’incapacité à des raisons « d’incapacité physique ou mentale seulement » – établit qu’il y a seulement deux moyens permettant d’écarter un Premier ministre de ses fonctions : soit le chef du gouvernement informe la Knesset lui-même de son retrait, soit il est écarté par le biais d’une suspension décidée lors d’un vote à la majorité des trois-quarts au cabinet, un vote suivi par un autre, à la Knesset, ou la suspension devra être soutenue par une supermajorité de 90 membres.
Les opposants à la loi sur la récusation affirment qu’elle a été rédigée, entre autres, pour protéger Netanyahu des conséquences de la violation possible d’un accord sur les conflits d’intérêt qu’il avait signé en 2020, lui permettant de servir au poste de Premier ministre au moment même où il se trouve sur le banc des accusés dans le cadre d’un procès pour corruption. Sous les dispositions de cet accord, Netanyahu avait promis de ne pas s’impliquer dans les dossiers judiciaires susceptibles d’avoir un impact sur son affaire.
Dans un jugement rendu par six voix contre cinq, au mois de janvier, la Haute-cour de justice a ordonné que la loi ne soit mise en vigueur qu’au début du prochain mandat de la Knesset, déterminant qu’elle avait été adoptée pour profiter personnellement au Premier ministre.
Fuchs, qui déclare que le texte de loi est problématique et qu’un nouveau devrait être approuvé, note que, parmi les implications pratiques de ce dernier, il y a le fait que le corps politique israélien est susceptible de tomber dans la paralysie.
« Si nous avons quelqu’un qui est dans le coma mais que les politiciens ne prennent pas de décision, c’est fini, il n’y a plus aucun moyen d’annoncer que quelqu’un est dans un état d’incapacité », déplore-t-il. « Ce qui est complètement dénué de toute logique ».
L’équipe du Times of Israel, Carrie Keller-Lynn et Jeremy Sharon ont contribué à cet article.
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