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Un biscuit d’une docteure israélienne pour soulager les allergies à l’arachide ?

Les chercheurs étudient les causes sous-jacentes, développent de nouveaux traitements immunologiques et proposent de nouvelles recommandations en matière d'alimentation des bébés

Des biscuits spéciaux développés par docteur Mona Kidon, directrice de la clinique d'allergologie pédiatrique à l'Hôpital pour enfants Safra du Centre hospitalier Sheba, pour prendre en charge les enfants gravement allergie à la cacahuète. (Crédit : Hôpital Sheba)
Des biscuits spéciaux développés par docteur Mona Kidon, directrice de la clinique d'allergologie pédiatrique à l'Hôpital pour enfants Safra du Centre hospitalier Sheba, pour prendre en charge les enfants gravement allergie à la cacahuète. (Crédit : Hôpital Sheba)

La fille d’Atara Beck est tellement allergique aux arachides qu’elle doit descendre d’un bus si un passager ouvre un paquet de Bamba, l’en-cas aux cacahuètes prisé par les Israéliens. La seule odeur de la cacahuète peut la rendre malade et en manger une peut provoquer chez elle un choc anaphylactique.

« Au début, j’avais peur. J’étais terrifiée. J’ai une autre fille qui présente une allergie alimentaire et c’est le cas également, maintenant, de l’un de mes petits-fils », a expliqué Beck.

Les filles et le petit-fils de Back sont loin d’être des cas isolés et les études semblent montrer que les allergies alimentaires se multiplient dans le monde depuis plusieurs décennies, surtout en Occident.

Ces allergies peuvent causer un certain nombre de symptômes : douleurs à l’estomac, diarrhées ou crises d’urticaire. Au pire, elles peuvent entraîner un œdème de Quincke, des difficultés à respirer – voir le très redouté choc anaphylactique qui est lui potentiellement mortel.

Les chercheurs, sur tout le globe, tentent de comprendre la nature des allergies alimentaires pour soulager leurs symptômes et ils s’efforcent de découvrir les raisons de ces réactions d’intolérance de plus en plus nombreuses à certains produits entrant dans le cadre du régime alimentaire humain.

En Israël, une médecin et chercheuse a trouvé, au sens propre du terme, une « recette » d’immunothérapie qui, selon elle, permet aux jeunes qui sont allergiques aux arachides d’acquérir une immunité – une immunité qui leur permet, à terme, d’en manger sans tomber malade, affirme-t-elle.

Le Dr. Mona Kidon, directrice de la clinique d’allergologie pédiatrique à l’Hôpital pour enfants Safra du Centre hospitalier Sheba, propose ses cookies « Mona Peanut Allergy » à un journaliste, le 14 juin 2023. (Crédit : Hôpital Sheba)

Les biscuits de Dr. Mona Kidon – qui sont encore examinés dans le cadre d’essais cliniques – font naître l’espoir qu’un jour enfin, les personnes souffrant d’allergie alimentaire pourront ne plus vivre dans la peur. Ils pourraient aussi permettre de comprendre de manière plus profonde pourquoi le système immunitaire, chez les êtres humains, en vient à rejeter des aliments bénins – et comment prévenir une nouvelle recrudescence du nombre de personnes souffrant d’allergies de ce genre.

« Le seul facteur de risque modifiable sur lequel nous pouvons agir pour protéger nos enfants, prévenir chez eux des allergies alimentaires qui peuvent être mortelles, c’est de leur présenter des produits alimentaires de manière aussi graduelle et aussi simple que possible au cours des premiers mois de la vie », a expliqué Kidon, qui dirige l’unité pédiatrique d’allergologie au sein de l’hôpital pour enfants de Safra. « Le système de santé israélien prône de donner envie, de prêter attention au goût, mais je ne suis pas d’accord. Goûter quelque chose ne vous protègera pas. Nous parlons ici d’introduire les produits concernés dans le régime des enfants. »

Une vague d’allergies

Plus de 170 produits alimentaires peuvent provoquer des réactions allergiques. Les plus communs sont les arachides, le lait, les œufs, le blé, les fruits à coque (les noisettes, les noix, les amandes, les noix de cajou, les noix de pécan, etc…), le soja, le poisson, les crustacés et les fruits de mer.

Kidon a déclaré avoir constaté qu’un plus grand nombre d’enfants faisaient appel à ses services que dans le passé, disant que la multiplication apparente des allergies alimentaires « est effrayante ».

« Avant, nous constations des allergies aux œufs et au lait chez les très jeunes enfants, mais ces allergies disparaissaient quand ils quittaient la crèche. Ce n’est plus le cas. Ces allergies ne disparaissent plus. Les chiffres ont été multipliés par trois et par quatre dans toutes les catégories d’âge entre la naissance et l’âge de 18 ans par rapport aux chiffres qui étaient enregistrés il y a vingt ans », a-t-elle dit.

Des biscuits au sésame et à la confiture. (Crédit : Chavi Feldman)

Selon Kidon, cette augmentation des allergies alimentaires entre dans le cadre d’une tendance multi-sectorielle qui comprend des hausses similaires dans d’autres types d’allergies et de réactions auto-immunes – comme peuvent l’être l’asthme, le diabète ou la dermatite atopique, mieux connue sous le nom d’eczéma.

En Israël, cette hausse des cas peut paraître particulièrement excessive. Le pays n’a pas de régulation exigeant l’étiquetage uniforme des allergènes sur les produits alimentaires, selon Dr. Eliana M. Aaron, infirmière praticienne qui aide les touristes allergiques à naviguer dans le paysage alimentaire israélien. Les restaurants peuvent aussi jouer un double jeu de manière très involontaire, met-elle en garde.

« De nombreuses personnes qui manipulent des produits alimentaires ne réalisent pas que si une seule graine de sésame éclate sur leur doigt et qu’elle diffuse son huile, il y aura du sésame sur leur épiderme et tout ce qu’elles toucheront avec leur doigt sera contaminé », a-t-elle expliqué.

Le Dr. Eliana M. Aaron, fondatrice d’EMA Care, une entreprise de gestion de cas et de conciergerie médicale en Israël. (Autorisation)

Concernant cette hausse des allergies alimentaires chez les enfants, les théories sont multiples. Une idée populaire, connue sous le nom de « théorie de l’hygiène », part du principe qu’avec une meilleure hygiène, avec une plus grande propreté, avec les vaccinations contre les maladies potentiellement mortelles, les jeunes enfants ont été moins exposés à des allergènes, à des pathogènes variés. Pour Kidon, un siècle d’avancées a permis de faire baisser le taux de mortalité infantile de 15 % ou 20 %, mais il a aussi signifié que le système immunitaire en développement n’a pas eu l’occasion d’être « éduqué ».

« Tout cela a laissé un système immunitaire qui n’a pas été bien éduqué, qui n’est pas capable de prendre les bonnes décisions. Parmi les mauvaises décisions qu’il peut être amené à prendre, celle de lutter contre des choses qui sont communes dans votre environnement et qui ne sont pas nocives pour vous. Ce qui comprend des intolérances alimentaires comme c’est le cas avec le lait, les œufs ou les cacahuètes, ou des allergies environnementales comme les allergies au pollen ou les acariens », a expliqué Kidon.

« Une fois que le système immunitaire décide de reconnaître ces protéines comme mauvaises et d’y réagir, c’est vraiment très difficile de faire marche arrière et de lui apprendre de ne pas réagir », a-t-elle regretté.

Elle a aussi évoqué des facteurs géographiques qui pourraient bien contribuer à cette hausse. Avec la mondialisation, les enfants du monde entier sont exposés à des produits alimentaires qui ne figuraient pas, à la base, dans leur régime, quelque chose qui est susceptible de causer des allergies chez les plus jeunes qui présentent des prédispositions génétiques à l’intolérance alimentaire. Elle a cité le nombre en augmentation des allergies au sésame au sein de la population américaine – une augmentation qui a été attribuée au tahini et à d’autres produits similaires qui sont fabriqués à l’aide de graines de sésame, qui sont devenus populaires aux États-Unis.

Kidon a aussi donné l’exemple des enfants chinois qui mangent dorénavant plus d’arachides, par gramme, que les enfants américains. Il y a dix ans, les allergies aux cacahuètes étaient bien plus communes aux États-Unis qu’en Chine, une tendance qui est en train de changer en ce moment.

Le Dr. Robert Bocian (à droite), professeur d’allergie-immunologie à l’Université Stanford et co-fondateur et directeur scientifique d’Allermi, avec Shani Bocian, PDG d’Allermi. (Crédit : Josh Steinberg)

« De nos jours, nous constatons un plus grand nombre d’allergies aux arachides parmi les enfants chinois parce qu’ils sont dorénavant plus exposés aux cacahuètes, qu’il y a eu un changement », a précisé Kidon. « Leur consommation de beurre de cacahuètes a fortement augmenté, le beurre de cacahuète étant plus susceptible d’entraîner des allergies en raison de la manière dont il est fabriqué – avec des cacahuètes qui sont grillées. »

Mais certains mettent en doute les données laissant entendre qu’il y a une augmentation du nombre d’allergies.

Le Dr. Robert Bocian, professeur d’allergologie-immunologie à l’université de Stanford, estime, pour sa part, que cette hausse peut être attribuée à une meilleure sensibilisation au problème et à un diagnostic plus sûr des allergies.

« En d’autres mots, il y a une plus grande reconnaissance de la possibilité d’une allergie alimentaire et une plus grande facilité dans le diagnostic grâce à l’amamnèse, grâce aux tests – qu’ils soient cutanés ou sanguins – ou grâce aux tests de provocation orale lorsque c’est nécessaire », a expliqué Bocian, qui est aussi co-fondateur et scientifique en chef au sein de l’entreprise Allermi, une firme qui offre des sprays nasaux personnalisés pour contrer les allergies.

Créer une meilleure cacahuète

Au cours de la dernière décennie, les chercheurs ont tenté de déterminer si l’immunothérapie orale pouvait être un moyen sûr et efficace de soigner les allergies alimentaires. Kidon est partisane de protocoles contrôlés – lorsque les médecins exposent graduellement, lentement un enfant souffrant d’une intolérance alimentaire à l’allergène concerné, de manière à ce qu’il puisse se construire une immunité.

« L’idée, c’est que vous voulez pouvoir rééduquer votre système immunitaire de manière à ce qu’il ne réagisse plus de manière allergique (…) Si vous voulez qu’un enfant puisse manger en toute sécurité, il faut le nourrir à l’aide des allergènes qui entraînent chez lui une intolérance », a indiqué Kidon.

Une idée qui ne fait pas l’unanimité. Bocian a fait remarquer que donner aux enfants les aliments qui les rendent malades est une initiative qui comprend des risques significatifs et qui échoue souvent. Pour sa part, il conseille à ses patients d’éviter tout simplement les allergènes.

« L’immunothérapie orale, en ce qui concerne les allergies alimentaires, en est encore au stade expérimental et elle est controversée. Dans certains cas, elle fonctionne. Dans d’autres, elle entraîne des effets secondaires significatifs – et il est fréquent qu’elle nécessite l’usage d’une injection d’épinephrine pour venir contrer un choc anaphylactique. »

Cela fait vingt ans que Kidon tente de trouver un moyen sûr pour faire suivre une immunothérapie orale aux enfants en bas âge et plus encore à ceux qui souffrent d’allergie aux cacahuètes. Elle a travaillé avec le Dr. Ran Hovav de l’Institut Volcani – Institut de recherche agricole – avec pour objectif de développer une cacahuète dont la protéine ne sera pas reconnue comme allergène pour le corps et qui éduquera, en même temps, le système immunitaire, de manière à ce qu’il ne réagisse plus de manière intolérante avec le temps. Un projet qui entre dans le cadre du programme de transfert technologique Sheba Impact.

« Il nous aura fallu sept ans pour développer la cacahuète, puis pour prouver l’idée que cette cacahuète était moins allergène grâce à des tests cutanés », a-t-elle expliqué.

Utilisant une recette exclusive, Kidon a utilisé cette cacahuète toute particulière pour fabriquer ses « Biscuits Mona ». Elle affirme que même les patients présentant une très forte allergie aux arachides peuvent ingérer la protéine de la cacahuète présente dans le biscuit, à une quantité dix fois supérieure à celle qui les rendait habituellement malade, sans avoir de réaction allergique.

Des cacahuètes fraiches. (Crédit : Thamizhpparithi Maari, via Wikimedia Commons)

L’étape suivante a été de montrer qu’avec le temps, l’exposition à la protéine de la cacahuète du biscuit permettait aux patients de manger des cacahuètes normales sans incident.

« Nous avons terminé la phase 2 de l’étude clinique. Nous avons plus d’une trentaine d’enfants, en ce moment, qui mangent des cacahuètes tout à fait normales en grande quantité. Dans certains de nos essais, les enfants venaient et mangeaient cent Bamba. Je crois qu’on peut dire que s’il fait ça sans problème, alors un enfant peut sortir et manger toutes les cacahuètes qu’il veut », a dit Kidon.

Le problème est que les enfants doivent continuer à manger des cacahuètes normales presque quotidiennement pour conserver ce statut de « non-allergique ».

« La prochaine étape consistera à voir si ces enfants peuvent arrêter de manger des cacahuètes aussi souvent et maintenir leur absence de réaction », a déclaré Kidon.

Jusqu’à présent, Kidon a fourni aux parents les ingrédients nécessaires pour préparer les biscuits à la maison. Pour soumettre une demande de nouveau médicament expérimental à la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, elle doit trouver un moyen de normaliser la production des biscuits et mener une étude internationale en double aveugle avec contrôle par placebo.

Kidon a également mis au point des biscuits d’immunothérapie pour les allergies au sésame, aux œufs et au lait, qui en sont à différents stades de développement.

Des bambas. (Crédit: CC BY Nsaum75/Wikipedia)

S’y prendre tôt

Autrefois, les médecins conseillaient aux parents d’attendre des mois, voire des années, avant de présenter à leur bébé des aliments susceptibles de provoquer des allergies.

Aujourd’hui, s’il n’y a pas d’antécédents familiaux d’allergie (ou si les antécédents familiaux d’allergie d’un bébé ont été éliminés par des tests), il n’y a aucune raison d’attendre.

« De même, les femmes enceintes et les mères allaitantes ne sont plus encouragées à s’abstenir de consommer une quantité d’aliments potentiellement allergènes. Plusieurs études ont montré que cela se traduisait par un degré moindre d’allergie alimentaire chez l’enfant en pleine croissance », a déclaré Bocian.

Un bébé allaité. (Crédit : Ken Hammond Public domain, via Wikimedia Commons)

L’Académie américaine de pédiatrie a recommandé que tous les principaux allergènes alimentaires soient introduits dans l’alimentation du bébé avant l’âge de sept mois.

En Israël, de nombreux parents se sont appuyés sur les résultats d’une étude bien connue réalisée en 2008 par le Pr. Yitzhak Katz, entre autres chercheurs, qui ont comparé les enfants juifs en Israël et au Royaume-Uni. En tenant compte de divers facteurs, l’étude a montré que les enfants britanniques présentaient un taux d’allergie aux arachides dix fois plus élevé que leurs homologues israéliens.

La conclusion est que l’introduction précoce d’arachides (via Bamba) dès la petite enfance pourrait être la raison de cette différence.

« Les données que nous tirons des recherches menées dans le monde entier, y compris en Israël, montrent qu’il est préférable de nourrir les enfants le plus tôt possible et de manière la plus variée possible », a conseillé Kidon. « Tout – y compris les aliments allergènes – doit être intégré au régime alimentaire des enfants dès que possible. »

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