Un célèbre journaliste sportif arabe israélien refuse de rester sur la touche
Les frictions judéo-arabes ont incité Zouheir à entrer en politique et il pourrait rejoindre un parti sioniste de gauche
Depuis des années, les Israéliens sont habitués à entendre la voix de Zouheir Bahloul à la radio, mais si le journaliste sportif vétéran réalise son rêve, c’est depuis la tribune de la Knesset que le pays pourrait bientôt l’écouter régulièrement.
Bahloul, un des plus célèbres animateurs radio d’Israël, journaliste des affaires politiques et sociales, a récemment annoncé son intention de briguer un siège à la 20e Knesset.
Le parti que rejoindra Bahloul, un Arabe musulman du nord d’Israël, n’est pas encore déterminé. Il est en négociations avec plusieurs factions, et affirme qu’il acceptera l’offre de celui qui suivra sa plate-forme.
« Je veux réhabiliter les relations entre Juifs et Arabes et établir une véritable égalité pour tous les citoyens israéliens », déclare-t-il au Times of Israel lors d’une interview à Tel Aviv.
Selon lui, les Israéliens profiteront de la sécurité seulement lorsque le bien-être sera accessible à tous les citoyens du pays, et quand les Arabes auront davantage d’opportunités pour s’intégrer dans la société israélienne.
Au cours de sa longue carrière à la radio, Bahloul, 63 ans, était satisfait de son sort d’observateur et de journaliste de la société israélienne. Mais tout a changé lors de la guerre entre Israël et le Hamas durant l’été.
Les événements l’ont incité à envisager sérieusement d’entrer en politique pour essayer de réparer une société qu’il croit dangereusement brisée.
« Cette guerre a été la goutte qui a fait déborder le vase pour moi », explique-t-il. « C’était censé être une guerre entre Israël et le Hamas, mais en réalité, il s’agissait d’une guerre entre les citoyens juifs et arabes d’Israël. »
Selon Bahloul, qui se présente comme un citoyen arabe palestinien d’Israël, les tentatives de coexistence judéo-arabe ont échoué depuis longtemps.
Mais pour lui, la situation n’a jamais été aussi grave que cet été, avec des dirigeants politiques incitant intentionnellement (d’après Bahloul) à la haine contre les Arabes israéliens.
« Ils nous voient comme des ennemis, et ce message s’est amplifié à travers la rhétorique raciste diffusée sur les médias sociaux », dit-il.
« On nous a fait sentir que nous n’étions pas des citoyens de ce pays, alors que 99 % d’entre nous n’ont jamais essayé de nuire à la sécurité d’Israël. »

A ses yeux, le plus gros problème en Israël est que la trajectoire de la plupart des Arabes israéliens est différente de la sienne. Relativement peu d’Arabes israéliens connaissent une coexistence favorisée par une vie dans des villes « mixtes » comme Haïfa et Akko, et quelques-uns seulement ont reçu des opportunités d’éducation et d’emploi solides dans le centre du pays, à l’image de Bahloul.
Sans mettre en œuvre de sérieux efforts pour endiguer ce que Bahloul appelle la discrimination contre la population arabe d’Israël, rien ne changera pour le mieux.
« Nos écoles se trouvent dans des conditions déplorables et manquent de ressources, nous n’obtenons pas d’allocations budgétaires, nos villes et nos villages sont des bidonvilles, » dit-il.
« Les jeunes Arabes bardés de diplômes universitaires restent à la maison dans la périphérie parce que les entreprises de high-tech du centre refusent de les embaucher. Quatre-vingt pour cent des femmes arabes ne travaillent pas. Nous sommes devenus un fardeau économique », ajoute-t-il.
Bahloul n’accuse pas seulement les Juifs de cette déconnexion entre les deux populations. D’après lui, les Arabes israéliens doivent adopter le narratif historique juif israélien.
En outre, Bahloul, qui maîtrise mieux l’hébreu que beaucoup de Juifs, pense que les Arabes israéliens doivent apprendre à parler l’hébreu pour interagir plus régulièrement et efficacement avec leurs concitoyens.
« Nous sommes des citoyens arabes palestiniens d’Israël. Nous devons faire de notre citoyenneté israélienne une source de fierté », pointe-t-il.
Mais les Juifs israéliens doivent reconnaître et soutenir cette citoyenneté. Selon Bahloul, un des problèmes majeurs est l’amalgame des Juifs entre les citoyens palestiniens d’Israël et ceux résidant en Cisjordanie.
« Nous nous identifions avec les Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie sur certains points, comme la protection d’Al-Aqsa, le site musulman le plus sacré après la Mecque, mais leur lutte n’est pas la nôtre », dit Bahloul. Ils luttent pour une autodétermination. Notre lutte est celle de l’égalité des droits en tant que citoyens israéliens. »

Bahloul, veuf et père de trois enfants adultes, reste vague à propos des dirigeants politiques qu’il admire et des partis qu’il compte rejoindre.
Il se déclare prêt à se présenter dans les partis arabes, à condition qu’ils fusionnent en vue d’avoir une meilleure chance d’atteindre le nouveau seuil électoral, ou dans un parti sioniste du centre gauche de l’échiquier politique.
« Je n’ai pas peur de l’étiquette sioniste. C’est de facto un Etat juif », dit-il.
Il conteste le projet de loi proclamant Israël comme un Etat juif, qui a en partie conduit à l’éclatement de la coalition gouvernementale du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Une loi comme celle-ci mettrait fin à la démocratie d’Israël et en ferait un Etat qui n’appartient pas à tous ses citoyens », dit-il. Je ne suis peut-être pas Juif, mais je ne suis pas moins Israélien que vous. »
Si Bahloul devait décider de concourir et gagnait un siège à la Knesset, sa première initiative serait d’essayer de changer le système d’éducation nationale pour favoriser une plus grande diversité et tolérance. Il aimerait voir les écoles accueillir des élèves juifs et arabes et enseigner l’hébreu et l’arabe à tous. Il pense aussi qu’il est temps que des enseignants arabes enseignent aux enfants juifs et vice versa.
« Actuellement, nos écoles enseignent, mais n’éduquent pas. Elles n’éduquent pas aux valeurs partagées. Tout est orienté vers le point de vue juif », déplore-t-il.
Bahloul souhaite également que le droit des citoyens arabes palestiniens d’Israël de protester soit protégé. Evoquant l’exécution par la police israélienne de Kheir Hamdan, 22 ans, à Kafr Kanna, le 8 novembre, il se dit très préoccupé par ce qu’il considère comme un trop fort enclin de la police à utiliser la force contre les Arabes.
La police a affirmé que Hamdan, soupçonné d’avoir jeté une grenade incapacitante, a été abattu alors qu’il tentait de poignarder un officier venu l’arrêter à son domicile, tandis qu’une vidéo de l’incident conteste cette version des faits.
« Je condamne les jets de pierres ou tout autre type de violence, mais nous avons le droit de protester et de manifester pour nos droits », dit Bahloul.
Bahloul sait que siéger à la Knesset peut être une sale affaire, mais sent qu’il ne peut rester sur la touche plus longtemps.
« Le public juif m’aime depuis trois décennies. Je sais que je ne recevrai pas autant d’amour quand j’entrerai en politique », reconnaît-il.
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