Un complexe de luxe menace un site antique à Abu Tor
Des riverains et des archéologues s'opposent au projet de construction au sommet de l'une des seules collines intactes de la Vieille Ville de Jérusalem

Deux investisseurs juifs bien connus envisagent de construire un hôtel et des logements de luxe sur l’un des sites les plus importants pour le christianisme – au Hill of Evil Counsel – et les archéologues mettent en garde, estimant que le projet pourrait mettre en danger des siècles de l’histoire de Jérusalem.
Michael Steinhardt, financier et philanthrope américain, et David Sofer, homme d’affaires israélien basé à Londres, ont récemment acheté un bail de 110 ans pour le site mesurant environ un hectare à l’Église grecque orthodoxe. Les ébauches initiales, présentées aux autorités de planification de Jérusalem, prévoient plus de 10 000 mètres carrés pour un hôtel, des appartements résidentiels et des « bâtiments publics », laissant peu de place pour les espaces verts.
La colline, située dans le quartier d’Abu Tor à Jérusalem, juste au sud de la Vieille Ville, est l’endroit où les chrétiens pensent que le Grand Prêtre juif, Caïphe, et ses conseillers ont décidé de remettre Jésus aux mains des Romains.
Les Musulmans associent la colline au général de Saladin, Abu Tor, (le Père du taureau) qui, selon la légende, aurait chevauché un taureau blanc pour se rendre à la bataille contre les croisés sur la colline. Il serait enterré dans un sanctuaire qui se trouve encore dans le quartier. Il y a environ un siècle, l’Église grecque orthodoxe a cimenté son positionnement sur la colline en construisant un mur, laissant le sanctuaire à l’extérieur.
Rare zone non développée de la capitale, le site offre une vue panoramique sur la Vieille Ville, la nouvelle ville, la descente vers la mer Morte et les montagnes de Moab, à l’est.
Les développeurs cherchent à obtenir un permis spécial pour contourner l’interdiction empêchant la construction résidentielle comme il est stipulé dans les règlements de l’urbanisme que l’ancien maire de Jérusalem, feu Teddy Kollek, a mis en place pour protéger la ville de la construction excessive dans le bassin de la Vieille Ville et sur les crêtes historiques autour de la montagne. Les règlements autorisent la construction d’un hôtel sur le site.
La municipalité de Jérusalem appelle cette partie juive du quartier judéo-arabe, Givat Hanania, d’après le beau-père de Caïphe.
Au premier siècle de notre ère, l’historien juif, Flavius Josèphe, avait rapporté que Hanania avait été enterré sur cette colline et qu’il y avait un grand monument érigé à proximité. Josephus a également signalé que le général romain Pompée avait monté son camp sur le site quand il a conquis la ville durant le siège de Jérusalem en 63 avant notre ère.
En raison de l’importance historique du site, les archéologues veulent mener une fouille approfondie avant que les permis de construire ne soient accordés. La seule zone à avoir été fouillée à ce jour est une petite église datant du début du 20e siècle et les vestiges adjacents d’une église byzantine, ainsi que deux citernes souterraines, dont l’une a été transformée en église à une date indéterminée. Les développeurs ont assuré qu’ils ne toucheraient pas à ce site.

Les éléments de construction dans les citernes suggèrent une présence humaine à partir de la période du Second Temple tandis qu’un affleurement rocheux sculpté ailleurs sur le site pourrait avoir été utilisé pour des rites cananéens.
Tamir Nir, maire-adjoint et président de la commission municipale de conservation, a déclaré que le site est si important qu’il devrait être un parc archéologique ouvert au public.
L’archéologue Shimon Gibson de l’université de Caroline du Nord à Charlotte, qui codirige actuellement une fouille sur le mont Sion, pense que le paysage doit être préservé.
« Autour de la Vieille Ville, vous avez différents lieux liés aux Évangiles mais on a construit dessus. Il y a très peu de sites comme celui-ci qui sont ouverts, disponibles, et à partir desquels vous pouvez obtenir une vue d’ensemble sur la Vieille Ville de Jérusalem », a-t-il expliqué.
« Les archéologues vont dire ‘voilà un site, nous allons creuser, nous allons extraire des informations, puis la construction moderne pourra avoir lieu’. Mais dans ce cas, c’est une autre affaire », a déclaré Gibson.
« Je pense qu’il est important que l’on puisse regarder et voir le mont Sion, où la maison de Caïphe était située, et la chambre où la tradition dit que la dernière Cène a eu lieu. Et ensuite vers la gauche où le palais d’Hérode se trouvait, avec le Prétoire, où le procès de Jésus s’est déroulé… ».
L’archéologue, Gabriel Barkay, qui dirige le projet Temple Mount Sifting Project, a déclaré : « il ne fait aucun doute qu’il y a des vestiges antiques ici. Certains d’entre eux sont connus de nous ; la plupart d’entre eux sont encore inconnus ».
Il a noté que le site se trouve sur la route des Patriarches, qui reliait Jérusalem, Bethléem et Hébron, et que c’était probablement l’un des points d’arrêt pour les pèlerins de l’époque byzantine qui visitaient les lieux saints.
Les églises non-grecques orthodoxes préfèrent ne pas dire officiellement de choses négatives sur l’Eglise grecque orthodoxe bien que les Franciscains, les gardiens officiels des lieux saints catholiques, aient produit une vidéo sur la menace que représente la construction pour la colline.
La décision du Patriarcat devrait augmenter les tensions entre la hiérarchie de l’Eglise grecque orthodoxe d’origine grecque et les Palestiniens d’en-dessous, sur la colline, qui éprouvent de la rancœur au sujet de ce qu’ils considèrent comme étant la « vente » d’une terre de l’Eglise.
Les coûts exorbitants d’entretien de la vaste propriété de l’Eglise à travers Jérusalem et Israël seraient en train de saigner à blanc les coffres des Orthodoxes grecs – une situation qui n’a pas été améliorée par la crise économique grecque.
Un processus similaire de vente de bail sur le site, dans les années 1980, s’est retourné contre eux lorsque, pour des raisons qui ne sont pas claires, l’Eglise est revenue sur sa décision et a rompu un contrat avec un développeur. Elle a été poursuivie avec succès et a perdu des millions de dollars.

Pendant ce temps, les résidents juifs d’Abu Tor, qui espèrent établir des liens avec les résidents arabes venus d’ailleurs dans le bassin de la Vieille Ville, craignent la création d’une communauté fermée qui comprendrait des logements de luxe pour les familles riches de l’étranger, étouffant les vieilles rues étroites pendant les fêtes de Pâques et de Souccot, lorsque les propriétaires viennent en Israël mais qui serait une communauté fantôme le reste de l’année. Ils ont créé un site Web sur l’histoire de la colline et mis en ligne une pétition pour sauver le site.
« Abu Tor est le seul des quartiers historiques de la ville à n’avoir ni un plan à jour, ni un plan de conservation », a déclaré Sue Surkes, qui coordonne la campagne de quartier. (Surkes est l’une des rédactrices au The Times of Israël.) « Nous combattons les tentatives, l’une après l’autre, des développeurs pour obtenir ‘des permis spéciaux’ pour des constructions qui ne reflètent pas le tissu spécial d’Abu Tor ».
« Jérusalem est à court de logements abordables », a-t-elle ajouté. « Ce nouveau projet ne profitera qu’aux investisseurs et à ceux qui pourront se permettre de rester à l’hôtel ou d’acheter des appartements de luxe – en bref, ceux qui ont de l’argent pour « posséder » la vue, qui appartient en réalité aux générations actuelles et futures de la population à Jérusalem, en Israël et partout dans le monde ».
Les avocats des développeurs, la firme située à Jérusalem Reshef and Shiff, n’ont pas répondu à la demande du Times of Israel de commenter le projet de construction de leurs clients sur le site.
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