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Un couple hollandais retrouve une histoire oubliée de la Shoah dans sa maison

Un couple a découvert que leur nouvelle maison avait été le centre de l’une des opérations de secours les plus audacieuses menées par des Juifs pour des Juifs aux Pays-Bas

La maison de Roxane van Iperen était autrefois un centre d'opération de sauvetage de la Shoah en Hollande. Elle en a fait un livre : The High Nest. (Crédit : Jan Willem Kaldenbach/via JTA)
La maison de Roxane van Iperen était autrefois un centre d'opération de sauvetage de la Shoah en Hollande. Elle en a fait un livre : The High Nest. (Crédit : Jan Willem Kaldenbach/via JTA)

AMSTERDAM (JTA) — Malgré son charme rustique, la maison de rêve achetée par Roxane van Iperen et son partenaire a failli détruire leur mariage.

Van Iperen, une romancière âgée de 42 ans, avait sous-estimé le montant nécessaire pour la rénovation de la maison de campagne située à l’est d’Amsterdam. C’est en 2012 qu’elle et son compagnon Joris Lenglet ont fait l’achat de la bâtisse pour accueillir le couple et leurs trois enfants.

« Nous nous sommes presque séparés au moment où elle était achevée », s’est-elle souvenue dans un entretien de novembre accordé à la chaîne de télévision NPO1.

Pourtant, entre les « disputes, la galère et le travail », le couple a fait des découvertes dont ils n’allaient saisir l’ampleur que quelques mois plus tard. Pendant la Shoah, leur nouvelle maison fut le centre de l’une des opérations les plus audacieuses conduites par des Juifs pour des Juifs aux Pays-Bas.

Racontée dans un livre best-seller publié l’année dernière par l’écrivaine, l’histoire a largement attiré l’attention des médias dans un contexte de grande introspection au sein de la société néerlandaise sur la période de la Shoah. Dans les librairies, le « Nid en hauteur » est resté des semaines dans le top 10 des ventes des livres nationaux de non-fiction.

« Beaucoup de Juifs ont résisté, mais nous ne connaissons pas grand chose de la plupart d’entre eux », a jugé le réalisateur juif néerlandais Willy Lindwater, auteur de plusieurs documentaires sur la Shoah dans son pays natal. Pour lui, l’histoire du « ‘Nid en hauteur’ montre que tous les Juifs hollandais n’étaient pas des agneaux allant à l’abattoir, et c’est très important ».

https://youtu.be/Jw1KhSmq4bE?list=PLfkIGV6RL2I4V6auKPjMNVv1TGoGlg51p

Pourtant, pour le grand public, une partie du succès du livre repose sur les forts tempéraments des responsables de l’opération de secours dans la maison des van Iperen : les sœurs Janny et Lien Brilleslijper et leurs familles.

Ces militants anti-fascistes courageux – Janny avait combattu bénévolement dans la Guerre civile espagnole – ont utilisé leurs réseaux pour se cacher des Allemands dans la maison située à Naarden, à 16 km à l’est d’Amsterdam. Prenant d’énormes risques pour eux-mêmes, ils ont ensuite ouvert leur cachette aux Juifs et à d’autres personnes dans le besoin.

Van Iperen a mis la main sur des preuves de l’ingéniosité des sœurs dès que les rénovations ont commencé. Elle a mis à jour des doubles murs, des portes secrètes et d’autres pièces qui avaient été si bien cachées qu’elles n’ont pas été détectées pendant des décennies. Dans un espace secret, van Iperen a même trouvé des journaux de résistance de l’époque de la guerre.

« Des dizaines de Juifs sont passés par cette cachette, qui est parfaitement située à proximité d’Amsterdam mais au milieu de nulle part », a déclaré van Iperen. La maison de neuf pièces est largement dissimulée par de grands arbres qui préservent l’intimité des propriétaires.

L’opération secrète n’est pas entrée dans les livres d’histoire même s’il s’agissait d’un des rares cas où des Juifs hollandais ont non seulement réussi à échapper au génocide mais ont également aidé d’autres Juifs à ne pas se faire capturer.

Alors qu’ils faisaient ces découvertes, van Peren et son partenaire n’en ont pas pleinement pris la mesure – au début.

« L’histoire de la découverte semble romantique, mais, en réalité, nous n’étions pas conscients de nos découvertes », a-t-elle dit dans l’entretien. C’était une vieille maison – c’est aussi ce qui nous a poussés à l’acheter – et il est donc normal de découvrir des choses. C’était un sujet de conversation entre nous. Mais nous avons simplement refermé l’espace caché et posé un nouveau plancher dessus ».

Lien Brilleslijper et sa fille Jalda à Berlin dans les années 1970. (Crédit : autorisation de la famille Brilleslijper via JTA)

Les rénovations ont eu lieu dans un contexte d’évolutions majeures dans l’attitude des Pays-Bas vis-à-vis de la Shoah. Le premier musée national de la Shoah n’y a, en effet, ouvert ses portes qu’en 2016.

En 2012, un réseau de propriétaires dont les maisons avaient appartenu à des victimes de la Shoah s’est créé dans le pays. Ils ouvrent désormais des dizaines de maisons dans une vingtaine de municipalités pour permettre au public de les visiter chaque année à l’occasion de la journée hollandaise du souvenir.

Dans le même temps, le centre d’Amsterdam se prépare à inaugurer un gigantesque monument commémorant la Shoah.

La photographie faite par un artiste du monument des noms de la Shoah à Amsterdam, créé par l’architecte américain Daniel Libeskind (Autorisation : Namen Holocaust Monument Nederland/via JTA)

Cette année, la ville et La Haye ont remboursé des millions de dollars à des victimes qui avaient injustement versé des impôts.

En novembre, la compagnie nationale de chemins de fer a annoncé qu’elle examinerait la possibilité de compenser des victimes de déportation acheminées en train. Elle s’est vue imiter, le mois dernier, par l’entreprise de transport GVB d’Amsterdam.

Parmi toutes ces nouvelles, accompagnées d’un flux constant de nouveaux articles et livres sur la Shoah, les secrets de la maison de van Iperen continuaient d’intriguer. Ils ont fini par initier un voyage de six ans de découvertes au moyen d’entretiens, d’études de documents d’archives et de comparaisons d’informations avec des témoignages de survivants.

Les sœurs, des intellectuelles d’une famille libérale juive, étaient arrivées dans la maison en 1943, au moment des déportations dans les camps de la mort et d’une prise de conscience progressive de l’extermination des Juifs d’Europe par Hitler.

A cette époque là, les Nazis avaient tué 75 % de la population juive d’avant guerre des Pays-Bas qui en comptait environ 140 000 personnes – le taux le plus important de l’Europe de l’ouest sous occupation nazie.

« Tous ceux qui le pouvaient recherchaient désespérément un endroit pour se cacher », a expliqué van Iperen.

En février 1941, les occupants nazis d’Amsterdam ont réuni 427 hommes juifs lors de leur première « razzia » de la déportation des Juifs des Pays-Bas. Seulement deux de ces hommes ont survécu à la guerre (Crédit : Wikimedia Commons).

Et pourtant, à la maison des Brilleslijper, « il y avait beaucoup de musique et d’envie de vivre à l’époque. C’est très différent de l’histoire typique de survie clandestine que nous connaissons dans le pays », a déclaré van Iperen.

Elle a retrouvé les partitions que les sœurs – Lien était une chanteuse bien connue – et leurs invités composaient et jouaient lors de soirées musicales. Il y avait des débats et des dîners dans le jardin – plusieurs personnes qui se cachaient étaient des artistes – parsemés de rires d’enfants.

Robert Brandes, le fils alors âgé de 5 ans de Janny et de son mari Bob Brandes, était l’un de ces bambins. Aujourd’hui âgé de 79 ans, Robert Brandes, devenu  artiste, a donné à van Iperen, qui l’a retrouvé, une photographie jaunie prise dans sa maison en 1943. Il y barbote, par une journée ensoleillée, dans une baignoire en métal installée dans la cour en compagnie de sa cousine Kathinka Rebling, la fille de Lien, et d’un autre enfant.

L’amant d’Anton Mussert, le chef du parti pro-nazi et collaborateur important des Nazis, vivait non loin des Juifs qui se cachaient. Il passait souvent du temps dans la maison, a également découvert van Iperen.

Pourtant en juin 1944, Eddy Musbergen, l’un des centaines de Hollandais non juifs à avoir trahi ou chassé des Juifs cachés, fit part de ses suspicions au sujet de la maison aux autorités.

Une éventualité à laquelle les sœurs s’étaient préparées, à en croire Reblin, la fille de Lien. Lors du raid de le Gestapo, sa mère enleva un vase du rebord de la fenêtre surplombant le chemin d’accès — un signal secret indiquant aux autres occupants que la maison avait été compromise.

Le raid eut lieu alors que Janny et son fils étaient sortis. Janny vit le vase à leur retour et tenta de rattraper Robert, qui sautait devant elle. Mais les Allemands les ont vus, puis les ont arrêtés.

Les sœurs et leurs familles ont été envoyées au camp de concentration de Westerbork, à Auschwitz et à Bergen-Belsen.

Dans un film produit apr Disney en 2001, Anne Frank ( à gauche) est rassurée par Janny Brandes-Brilleslijper à Bergen-Belsen, quelques jours avant sa mort. (Crédit : Buena Vista Home Entertainment)

A Bergen-Belsen, Janny rencontre la famille d’Anne Frank.

« Elle était cachée dans une couverture « , se souvient Janny, décédée en 2003, dans un documentaire de Lindwer en 1988. « Elle n’avait plus de larmes pour pleurer. Ils n’en avaient plus depuis longtemps. »

Janny était allée voir Anne quelques jours plus tard et vit la sœur d’Anne, Margot, gisant au sol. Anne décéda peu de temps après, a dit Janny.

Les deux sœurs Brilleslijper ont survécu à la Shoah — en partie parce qu’elles étaient des personnes qui intéressaient les Nazis en raison de leurs antécédents anti-fascistes, a découvert van Iperen. Cela leur permit d’échapper aux chambres à gaz d’Auschwitz, et donc de survivre.

Robert Brandes, également, fut épargné par la déportation, les nazis l’ayant considéré comme à moitié juif après sa détention. Rebling, qui avait 3 ans et dont les parents étaient juifs, fut éloigné d’un centre de détention par un résistant et  survécut à la guerre en se cachant.

« Que nous soyons toujours en vie », a dit M. Rebling lors de l’entretien de novembre avec NPO1, « ne peut s’expliquer que par une chaîne ininterrompue de miracles ».

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