Israël en guerre - Jour 428

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Un document révèle que Netanyahu a apporté des changements majeurs à l’accord validé par Washington

Comparé au cadre soumis le 27 juillet, le Premier ministre aurait exigé une présence continue le long du corridor Philadelphi et a modifié les plans concernant Rafah, entre autres

Des Israéliens manifestant contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et en faveur d'un accord pour les otages, à Tel Aviv, le 31 août 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des Israéliens manifestant contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et en faveur d'un accord pour les otages, à Tel Aviv, le 31 août 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le site d’information Ynet (en hébreu) a publié mardi des pages photographiées et le contenu d’un document censé être la proposition modifiée de l’accord de « trêve contre libération d’otages » soumise par le Premier ministre Benjamin Netanyahu le 27 juillet. Les documents publiés – qui comprennent des cartes, des listes de noms d’otages, des extraits du texte anglais et des traductions du texte en hébreu – précisent pour la première fois les différences entre la proposition israélienne du 27 mai présentée par le président américain Joe Biden et les changements apportés par le Premier ministre deux mois plus tard, dont l’exigence d’une présence israélienne permanente le long du couloir stratégique dit de « Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza.

Le 7 juillet, Netanyahu a présenté à l’équipe israélienne chargée des pourparlers une liste de ce qu’il avait qualifié de quatre exigences non négociables qui doivent être satisfaites pour qu’Israël puisse aller de l’avant avec la proposition soutenue par les États-Unis. Parmi ces exigences figure la stipulation selon laquelle Israël doit rester maître du corridor Philadelphi, du corridor de Netzarim et du poste-frontière de Rafah.

Alors que le Premier ministre ne cesse d’insister sur le fait qu’il n’a rien ajouté à la proposition, mais qu’il a simplement clarifié les clauses qui avaient déjà été énoncées, la précision ne figurait pas dans la proposition du 27 mai, mais, selon Ynet, elle est présente dans la version amendée, connue sous le nom de « document de clarification » mais surnommée « les grandes lignes de Netanyahu ».

Retrait des zones urbaines de la bande de Gaza

La proposition du 27 mai stipule qu’au septième jour de la première phase de l’accord, « les troupes israéliennes se retireront complètement de la rue Rasheed vers l’est jusqu’à la rue Salah ad-Din, et le démantèlement complet des sites et installations militaires dans la zone, le début du retour des personnes déplacées à leur lieu de résidence – avec l’interdiction d’être armé -, la liberté de mouvement de la population dans toutes les zones de la bande de Gaza ».

Elle poursuit en indiquant qu’au 22e jour de la phase initiale de 42 jours, les soldats israéliens doivent « se retirer du centre de la bande de Gaza – en particulier de l’axe de Netzarim et de l’axe du rond-point de Koweït – à l’est de la rue Salah ad-Din jusqu’à une zone située le long de la frontière, le démantèlement complet des sites et installations militaires, la poursuite du retour des personnes déplacées à leur lieu de résidence – avec l’interdiction d’être armé – lors du retour dans le nord de la bande de Gaza, et la libre circulation de la population dans toutes les zones de la bande de Gaza ».

Des soldats de l’armée israélienne opérant le long du corridor Philadelphi, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, en août 2024. (Crédit : Armée israélienne)

En revanche, les grandes lignes de Netanyahu présentaient une explication beaucoup plus succincte sur la manière dont les troupes israéliennes se retireraient en cas de cessez-le-feu.

Selon Ynet, il est indiqué que « le redéploiement des troupes de Tsahal se fera conformément aux cartes ci-jointes ». Deux des cartes jointes étaient inchangées par rapport à celles présentées dans le cadre de la proposition du 27 mai, a rapporté Ynet, mais la troisième était nouvelle. Elle montrait que si la présence israélienne serait réduite le long du corridor Philadelphi, les troupes ne se retireraient pas entièrement.

La question du corridor Philadelphi est devenue de plus en plus controversée ces dernières semaines. En effet, le groupe terroriste palestinien du Hamas continue d’insister sur le fait qu’il ne tolérera rien de moins qu’un retrait total des troupes israéliennes de cette route frontalière.

Netanyahu a toutefois réitéré ses exigences, insistant sur le fait qu’il est crucial que les troupes israéliennes restent stationnées le long du corridor Philadelphi pour empêcher la reprise de la contrebande d’armes, ce qui permettrait la résurgence du Hamas après la guerre.

Lors d’une conférence de presse tenue lundi soir, Netanyahu a qualifié le contrôle israélien du corridor Philadelphi dans un avenir prévisible de « central » et de déterminant pour « tout l’avenir d’Israël ». Il a clairement indiqué qu’il ne cautionnerait aucun retrait, même temporaire, pour permettre la mise en place première phase de l’accord, au cours de laquelle une trentaine d’otages vivants pourraient être relâchés.

Des manifestants protestant sous un panneau LED indiquant « Go » dans la même police que le logo du Likud – un symbole commun du mouvement de protestation anti-Netanyahu – lors d’un rassemblement appelant à la libération des otages israéliens détenus dans la bande de Gaza et contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à proximité de son domicile, à Césarée, le 2 septembre 2024. (Crédit : Flash90)

L’establishment de la sécurité a poussé le gouvernement à faire preuve de plus de souplesse sur la question de Philadelphi, craignant que la position de Netanyahu ne fasse traîner les pourparlers ou ne les fasse échouer, mettant en danger la vie des otages, et faisant valoir qu’Israël serait en mesure de revenir dans le corridor si cela s’avérait nécessaire.

La récupération des corps de six otages de Gaza par Tsahal samedi soir, tous exécutés par leurs geôliers du Hamas quelques jours plus tôt, a encore accentué les désaccords sur la question, le ministre de la Défense Yoav Gallant ayant déclaré qu’il s’agissait d’une « contrainte inutile que nous nous sommes imposée ».

Il avait précédemment averti que l’obstination de Netanyahu sur la question mettait en péril les otages encore en vie.

Checkpoints pour les déplacés de Gaza qui rentrent chez eux

Le document du 27 juillet élaboré par Netanyahu stipule, comme l’avait fait l’ébauche du 27 mai, que les civils gazaouis rentrant chez eux dans le nord de la bande de Gaza doivent être désarmés.

Cependant, alors que la proposition initiale avait – avec l’approbation de Tsahal – supprimé la stipulation des textes antérieurs selon laquelle les civils devaient être contrôlés pour vérifier qu’ils ne sont pas armés avant d’être autorisés à dépasser un certain point, le document-cadre de Netanyahu l’a réintroduite.

Le retour sans armes « sera garanti et mis en œuvre d’une manière approuvée au préalable », précise le document de juillet.

Libération des otages en échange de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël

Dans le cadre de l’accord de « trêve contre libération d’otages » soutenu par les États-Unis, il était indiqué qu’au cours de la première phase de l’accord, « le Hamas libérera 33 des otages israéliens – vivants et morts – des femmes – civiles et soldates -, des enfants – de moins de 19 ans qui ne sont pas soldats -, des personnes âgées – de plus de 50 ans – et des civils malades et blessés, en échange d’un certain nombre de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël ».

Alors que la classification des otages humanitaires est restée la même dans les grandes lignes de Netanyahu, il a dressé une liste nommant les 33 otages qu’Israël s’attendait à voir libérés.

Un document publié par Ynet lundi indique que Hersh Goldberg-Polin, Carmel Gat et Eden Yerushalmi, trois des six otages assassinés par le Hamas à la fin de la semaine dernière, devaient être libérés au cours de la première phase d’un éventuel accord. Un quatrième otage assassiné, Almog Sarusi, devait également être libéré au cours de la première phase d’un accord.

S’adressant à Ynet, un fonctionnaire a affirmé – sous couvert d’anonymat – que Netanyahu savait probablement que la publication d’une liste d’otages avant même la signature de l’accord retarderait les pourparlers.

Les noms de trois otages apparaissant sur un document israélien, tel que publié par Yedioth Ahronoth le 2 septembre 2024. (Crédit : Capture d’écran ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur)

« L’astuce de Netanyahu était d’assurer un débat sur qui peut être défini comme ‘malade’ », a déclaré le fonctionnaire. « Le Hamas peut prétendre que, selon lui, un tel n’est pas malade, ou pas assez malade pour être inclus dans la liste [des libérations pour raisons humanitaires], et voilà que l’on se retrouve à nouveau coincé dans des semaines ou des mois d’argumentation. »

En ce qui concerne les prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, le document du 27 mai indiquait que dans le cadre de l’échange d’otages contre des prisonniers, « un nombre convenu de prisonniers – au moins 50 – condamnés à perpétuité sera libéré à l’étranger ou à Gaza ».

Ce point a été modifié par Netanyahu dans les grandes lignes, et la mention de Gaza a été supprimée, ne laissant qu’une option d’expulsion des prisonniers à leur libération.

Réouverture du poste-frontière de Rafah

La dernière modification requise par Netanyahu à la proposition du 27 mai concernait le point de passage de Rafah, à la frontière entre la bande de Gaza et l’Égypte.

Ce poste-frontière est fermé depuis que Tsahal est entré dans Rafah le 7 mai, l’Égypte ayant déclaré qu’elle refusait de le rouvrir tant qu’il ne serait pas repassé sous contrôle palestinien, afin d’éviter d’être considérée comme complice de l’opération militaire israélienne dans la ville de Gaza, située à l’extrême sud de l’enclave.

« Après que toutes les soldates israéliennes, permettre au nombre à convenir de militaires blessés de se rendre au point de passage de Rafah pour recevoir un traitement médical, et l’augmentation du nombre de voyageurs, de malades et de blessés à travers le point de passage de Rafah et la suppression des restrictions sur les voyages et le retour de la circulation des biens et du commerce », selon la proposition de mai.

La formulation a été légèrement modifiée dans les grandes lignes de Netanyahu, a rapporté Ynet, ajoutant que « des dispositions seraient prises pour rouvrir le passage de Rafah », plutôt que de s’engager à une réouverture définitive.

Le document du sang

S’adressant à Ynet, un responsable israélien sous couvert d’anonymat a déploré les changements apportés par Netanyahu à la proposition soutenue par les États-Unis, et l’a accusé de saboter intentionnellement les efforts prolongés visant à parvenir à un accord avec le groupe terroriste palestinien du Hamas.

« Viendra le jour où l’histoire jugera ce document très sévèrement », a déclaré le fonctionnaire. «À mon avis, le surnom le plus approprié est celui de ‘document de sang’, car ses pages sont tachées du sang des six otages qui ont été assassinés dans le tunnel de Rafah. »

« S’il n’y avait pas eu de sabotage intentionnel dans ce document, destiné à empêcher la conclusion d’un accord, il était fort probable qu’ils auraient été libérés le mois dernier et qu’ils seraient ici avec nous, en vie », a estimé le fonctionnaire.

Des manifestants anti-gouvernement appelant à la libération des otages détenus à Gaza, à Tel Aviv, le 3 septembre 2024. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Le Forum des familles des otages et disparus a déclaré mardi soir que la publication de ce qu’on appelle « les grandes lignes de Netanyahu » signifiait que le Premier ministre ne pouvait « plus prétendre qu’il ne torpille pas ou ne contrecarre pas l’accord ».

Le document est « un nouveau clou dans le cercueil de l’accord qui permettrait le retour des otages », a poursuivi le forum. « La tromperie et l’abandon ont assez duré. Assez de mensonges au peuple et assez de manipulations à propos de Philadelphi. Pendant combien de temps les otages seront-ils assassinés en captivité alors que Netanyahu joue avec les cartes et l’opinion publique ? »

Il est estimé que 97 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouvent toujours à Gaza, y compris les corps de 33 otages dont le décès a été confirmé par l’armée.

Le Hamas avait relâché 105 civils au cours d’une trêve d’une semaine fin novembre. Quatre captives avaient été remises en liberté précédemment.

Huit otages vivants ont été secourus par les soldats et les dépouilles de 31 otages ont été récupérées, notamment celles de trois Israéliens qui ont été tués accidentellement par l’armée.

Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats tués en 2014.

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