Un ex-ministre de la Justice met Netanyahu en garde contre une « dictature »
Dan Meridor a fustigé la loi visant à limiter les pouvoirs de la Cour suprême et à garantir l'immunité, affirmant que cela "détruira" le système judiciaire et érodera la démocratie

Un ancien ministre de la Justice et député expérimenté du Likud a mis en garde jeudi contre les politiques visant le système judiciaire israélien que soutient le Premier ministre Benjamin Netanyahu et qui pourraient, selon lui transformer Israël en une dictature, avertissant qu’elles étaient diamétralement opposées aux politiques soutenues pendant des années par le Likud.
Dan Meridor, qui a été plusieurs fois ministre sous Netanyahu durant les 21 ans passées à la Knesset entre 1984 et 2013, a rejoint les anciens du Likud Benny Begin et Limor-Livnat, et s’est publiquement élevé contre le souhait du Premier ministre de limiter les pouvoirs de la Cour suprême, et par voie de conséquence, se protéger des poursuites qu’il risque dans trois affaires pour corruption.
Mais Meridor a été le plus loin dans sa critique des démarches lancées par son ancien allié politique, qui souhaiterait faire adopter une loi qui autoriserait les élus à contourner les décisions administratives de la Haute cour, affirmant à la radio militaire que cela « changerait le régime ».
« L’idée que quelqu’un soit au-dessus de la loi, qu’il n’y ait pas d’égalité face à la loi, que les soupçons contre le Premier ministre et le ministre ne fasse pas l’objet d’enquête et que la cour ne soit pas saisie, transforme notre pays en quelque chose d’autre », a-t-il dit. « Ce n’est jamais arrivé. Nous avons eu des Premiers ministres et des ministres et même un président, qui ont été en prison. Nous devrions être fiers du fait que les personnes privilégiées ne soient pas au-dessus de la loi. »
« L’idée d’une clause de contournement – cela ne sera plus une démocratie, ça sera une dictature où la majorité peut faire ce qu’elle veut, que la cour ne peut rien dire parce qu’il n’y a aucun compte à rendre – c’est une idée dangereuse anti-démocratique. Aucun Parlement dans le monde n’existe sans rendre des comptes », a affirmé Meridor.

Selon un reportage télévisé mercredi soir, Netanyahu et ses potentiels partenaires de coalition ont accepté que le gouvernement entrant légifère sur un changement constitutionnel destiné à limiter les pouvoirs de la Cour suprême, donnant aux députés de la Knesset l’autorité pour refaire passer des lois retoquées par l’instance juridique, et empêcher ainsi la cour d’intervenir dans les décisions administratives.
En plus des implications constitutionnelles, une telle loi serait lourde de conséquence pour Netanyahu, qui fait face à trois enquêtes pour corruption. Il devrait demander à ses confrères de la Knesset de voter en faveur de l’immunité, comme c’est déjà prévu par la loi israélienne.
Le Premier ministre est confronté à des accusations de fraude et abus de confiance dans trois affaires distinctes, et de corruption dans l’une d’entre elles. Netanyahu a droit à une audience pré-inculpation avant qu’un acte officiel d’accusation soit officiellement déposé. Il nie toute malversation et affirme que les accusations sont destinées à lui faire quitter son poste.
Le journaliste a demandé à Meridor s’il était d’accord avec l’ancien du Likud qui a qualifié les démarches de Netanyahu « d’actes de corruption ». Meridor a répondu « évidemment ! ».
Meridor, qui a été ministre de la Justice entre 1988 et 1992, a déclaré que la révolution constitutionnelle et législative de certaines des Lois quasi-constitutionnelles qui garantissent les droits humaines avait été initié et préparé par lui-même et le gouvernement de l’époque, sous la houlette du Premier ministre Yitzhak Shamir. C’est le contraire de la perception actuelle qui associe la révolution à la gauche et à l’ancien président de la Cour suprême Aharon Barak.
Meridor a décrié « l’argument fou selon lequel le droit signifie droit absolu » et accusé le gouvernement entrant « détruirait le système judiciaire, coup après coup », et « castrerait le glorieux système que nous avons construit et dont nous sommes fiers depuis 70 ans ».

Meridor a déclaré qu’il « était à l’agonie » face à l’état actuel du Likud, affirmant qu’il « avait été inversé » dans son soutien historique à l’activisme judiciaire, qui, dit-il, a été la politique encouragée par son premier président, Menachem Begin, le père de Benny Begin.
« Je ne peux pas croire qu’il y ait assez de députés qui oseront lever la main en soutien à cet acte corrompu », a-t-il conclu. »Je voudrais croire que sur les 35 membres du Likud, certains ne soutiendront pas la disparition du système judiciaire et de l’égalité. »
Dimanche, Begin avait fustigé Netanyahu au micro de la radio israélienne : « Je suis témoin de ce qui est en train de se passer avec une grande tristesse. Le Premier ministre se cache derrière le bouclier de l’immunité en tant que membre du Parlement et, avec ou sans changements législatifs, c’est un acte erroné ».
« En agissant ainsi, le Premier ministre a l’intention de faire un mauvais usage de son autorité pour des gains personnels et il attire avec lui d’autres personnalités vers le bas », a expliqué Begin. « Les membres de la Knesset qui soutiennent cette tentative du Premier ministre d’échapper à la justice contreviendront à leur mandat en tendant clairement la main à un acte de corruption ».
Raoul Wootliff et Marissa Newman ont contribué à cet article.