Un historien français s’intéresse aux dirigeants qui savaient pour la Shoah
Dans une émission diffusée en replay sur France Bleu, Olivier Lalieu tente de comprendre pourquoi les dirigeants du monde n'ont pas tenté d'empêcher la Shoah
La station de radio France Bleu diffuse actuellement une émission en replay intitulée : « Les dessous de la Shoah : ceux qui savaient et qui n’ont rien fait ». La présentatrice Sidonie Bonnec reçoit Olivier Lalieu, historien au Mémorial de la Shoah et auteur du dossier « Shoah, ceux qui savaient, ceux qui pouvaient, ceux qui taisaient », publié dans le nouveau numéro de la revue Historia.
L’émission parle des différents acteurs politiques, tels que les dirigeants britanniques et américains ou encore la Croix Rouge (CICR), qui étaient au courant qu’un génocide était en train de se produire et qui n’ont pas agi.
Le président du CICR, Peter Maurer, avait dénoncé en 2015 le bilan de son organisation pendant la Seconde Guerre mondiale, affirmant qu’elle « avait perdu sa boussole morale ». Lors d’une cérémonie de commémoration du 70e anniversaire de la libération des camps nazis à Genève, Maurer avait en effet déclaré que le CICR « n’a pas réussi à protéger les civils et, plus particulièrement, les Juifs persécutés et assassinés par le régime nazi ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le CICR, dont le siège est situé à Genève, a été la principale institution humanitaire à maintenir les communications avec les deux puissances alliées et avec l’Axe. Bien que le CICR ait fourni une assistance et une protection aux prisonniers de guerre alliés détenus par l’Allemagne nazie, il n’a pas fait la même chose pour les déportés juifs parce que les nazis ont refusé toutes les demandes humanitaires pour apporter de l’aide aux victimes juives. Dans le même temps, le CICR n’a pas dénoncé publiquement la déportation des Juifs vers les camps de concentration.
« Le CICR n’a pas vu ce qu’était l’Allemagne nazie », avait déclaré Maurer. « Au lieu de cela, l’organisation a maintenu l’illusion que le Troisième Reich était un ‘partenaire normal’, un Etat qui viole parfois les lois, de façon pas très différente des autres armées pendant la Seconde Guerre mondiale, qui utilisaient parfois des moyens et méthodes de guerre illicites. » « Nous avons choisi de faire face à notre passé et à embrasser la transparence », avait poursuivi Maurer. « Nos archives publiques sont la preuve de notre reconnaissance du passé et de notre effort continu pour faire face aux vérités qui dérangent. »
« Pour le CICR, la phrase ‘plus jamais ça’ a une résonance difficile, en quelque sorte, à cause de ce que nous voyons et de notre expérience sur le terrain tous les jours. Nous ne pouvons pas garantir qu’une autre catastrophe humanitaire de l’ampleur de l’Holocauste ne se reproduira pas. Au contraire, nous assistons à un catalogue d’atrocités, tous les jours, dans les guerres à travers le monde », a-t-il dénoncé.
Selon l’émission diffusée sur les ondes de France Bleu, les dirigeants britanniques ont découvert l’existence de la Shoah en 1941, après avoir réussi à décrypter le code de la machine de chiffrement Enigma, utilisée par les nazis et réputée impénétrable.
Winston Churchill y fait même plusieurs allusions, comme le 21 août 1941, où il déclare que « nous sommes en présence d’un crime sans nom », ou bien lors du 100e anniversaire du Jewish Chronicle le 14 novembre de la même année, lorsqu’il écrit que « nul ne souffre plus cruellement que les Juifs ».
Mais, alors que la solution finale est décidée à la Conférence de Wannsee le 20 janvier 1942, les alliés gardent le silence, soucieux de ne pas révéler à l’ennemi le succès du décryptage de leur code, et la Shoah n’est pas mentionnée dans les apparitions publiques de Churchill.