Un mémorial érigé pour Joachim Gans, le premier Juif d’Amérique du nord
Il a fallu presque quatre siècles et demi aux Américains pour reconnaître le métallurgiste juif, jugé pour avoir nié la divinité de Jésus après son retour en Angleterre
Joachim Gans a finalement reçu la reconnaissance du public pour sa contribution à la colonisation de l’Amérique du nord, des siècles après avoir été le tout premier Juif à arriver dans le Nouveau monde en 1585.
Selon Smithsonian.com, un panneau à la mémoire de Gans a été installé, le mois dernier, le long d’une autoroute de Caroline du nord, à proximité du site qui avait accueilli la première implantation britannique – qui n’avait pas fait long feu – sur Roanoke Island, là où ce Juif, né à Prague, exerçait le métier de métallurgiste.
« Joachim Gans. Scientifique, Juif natif de Prague. A mené des expérimentations métallurgiques, en 1585-86, dans la première colonie de Roanoke, à proximité. Il faisait partie de l’expédition anglaise de Lane », dit le panneau.
Smithsonian note que Gans « a joué un rôle déterminant dans la première tentative des Anglais de s’établir dans le Nouveau monde » et que « ses réalisations, dans les années 1580, ont contribué à semer les graines de ce qui allait devenir plus tard les Etats-Unis ».
Gans, expert métallurgiste à Prague, était initialement venu en Angleterre pour aider le pays à extraire davantage de cuivre de ses mines et à améliorer les rendements.
A l’époque, il était interdit aux Juifs de vivre en Angleterre mais les Britanniques, qui devaient faire face à une pénurie de métaux pourtant nécessaires pour armer leurs navires dans un contexte de tensions avec l’Espagne, avaient choisi d’ignorer ses origines religieuses pour l’inclure dans la colonie.
La présence de Gans avait rassuré les investisseurs, sceptiques face aux perspectives commerciales en Amérique du nord, les autres explorateurs ayant échoué à trouver quoi que ce soit de prometteur.
L’inclusion de Gans dans l’exploration « avait marqué ce moment où l’Angleterre s’est davantage intéressée à la contribution qu’il pouvait apporter à l’économie qu’à ses propres préjugés religieux », explique Leonard Rogoff, président de la Jewish Heritage Foundation en Caroline du nord et auteur d’un livre consacré aux membres de la communauté juive dans l’Etat.
Tandis que la mission avait finalement échoué et que les colons étaient repartis en Angleterre, Gans avait été en mesure, au cours de la période passée en Amérique du nord, d’apporter des preuves de l’abondance des ressources naturelles sur le continent – ce qui devait aider à accroître l’intérêt futur pour la colonisation.
Si Gans n’avait pas trouvé d’or, il avait identifié la présence de cuivre. Et ses recherches avaient été suffisamment convaincantes pour qu’un groupe de civils, qui devait devenir la Colonie perdue, s’installe là-bas en 1587.
Notant que l’installation du panneau a lieu à un moment où l’antisémitisme est en augmentation et où le débat public portant sur la manière de commémorer certains des aspects les plus douteux de l’histoire des Etats-Unis est vigoureux, Smithsonian indique que « les panneaux au bord des autoroutes, comme celui qui est consacré à Gans, offrent une alternative peu onéreuse, discrète et démocratique de rendre hommage aux nouveaux héros ignorés des générations précédentes ».
L’une des raisons justifiant l’oubli du rôle tenu par Gans à l’époque est l’antisémitisme qui régnait en Angleterre du 16e siècle. En 1589, trois années après son retour en Angleterre, Gans avait été accusé d’hérésie pour avoir nié le caractère divin de Jésus.
Il avait été emprisonné et son sort reste toujours indéterminé à ce jour. Les historiens présument qu’il n’avait pas été exécuté – il n’existe aucune trace de sa mise à mort – ce qui laisse ouverte la possibilité qu’il soit retourné à Prague. Un historien du musée juif de Prague fait actuellement des recherches et un séminaire consacré à Gans est prévu dans la ville au mois de novembre.
Les archéologues prévoient de retourner cet automne sur le site du centre scientifique que dirigeait Gans à Roanoke, le tout premier centre scientifique du Nouveau monde.