Un mémorial surgit des décombres d’un cimetière biélorusse détruit par les nazis
Lieu d'étude dynamique de la Torah, Brest a perdu ses 20 000 Juifs dans la Shoah. Longtemps abandonnées à la poussière, ses pierres tombales brisées dessinent un nouvel avenir
JTA – Cette année, la communauté juive de Brest, en Biélorussie, a reçu l’appel d’un jeune couple qui venait d’acquérir une maison et avait besoin d’aide pour régler un problème délicat : leur cave avait été construite avec des pierres tombales juives.
Cela fait maintenant près de vingt ans que la communauté juive – aidée ces dernières années par l’ONG The Together Plan et sa branche américaine, le Jewish Tapestry Project, soutien à la communauté juive biélorusse – reçoit ce type d’appel de la part d’habitants de Brest qui ont découvert des milliers de pierres tombales juives dans la ville. Ces pierres tombales proviennent d’un ancien cimetière détruit pendant et après la Shoah.
C’est un complexe sportif qui s’élève aujourd’hui sur ce qui était alors un cimetière riche de dizaines de milliers de tombes. D’ici la fin de l’année prochaine, The Together Plan estime qu’il aura terminé le mémorial en cours de construction. L’ONG a photographié et répertorié pas moins de 1 249 vestiges de pierres tombales originaires de l’ancien cimetière, utilisés après-guerre pour divers chantiers de la ville.
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« Pour l’heure, rien là-bas n’indique que cela a, un jour, été un cimetière », explique à CNN Debra Brunner, PDG et cofondatrice de The Together Plan, l’ONG à la tête du projet.
Avant la Seconde Guerre mondiale, Brest – plus connue sous le nom de Brest-Litovsk, ou Brisk pour la communauté juive qui y vivait alors – comptait plus de 20 000 Juifs et était un centre de culture et d’étude juives. Mais lorsque la ville avait été libérée après la Shoah, il ne restait plus qu’une dizaine de Juifs. Aujourd’hui, la ville compte plus de 300 000 habitants.
Les nazis commencent par retirer les pierres tombales pour faire place à des appareils d’écoute lorsqu’ils occupent Brest en 1941. Pendant la guerre, les pierres tombales servent de matériaux de construction et ils sont utilisés pour paver les routes. Après-guerre, la Biélorussie fait partie de l’Union soviétique et les matériaux de construction sont rares : les pierres tombales sont utilisées pour édifier les fondations des maisons, des supermarchés, des espaces verts et des caves. Dans certains cas, les lettres en hébreu sont effacées.
Le mémorial sera érigé sur ce qui était autrefois une partie du cimetière, à une bonne distance du complexe sportif. Il sera érigé avec des fragments de pierres tombales récupérés ces vingt dernières années et sera revêtu d’une plaque de granit noir porteur d’un texte en russe, en hébreu et en anglais. La zone autour du mémorial sera plantée d’arbres, d’herbe et de fleurs sauvages.
La préservation des cimetières juifs s’est parfois révélée être une question épineuse en Biélorussie. En 2017, un tribunal biélorusse a autorisé la construction d’un immeuble de logements de luxe au sommet d’un cimetière juif dans la ville de Gomel, non loin de la frontière avec l’Ukraine et la Russie.
La municipalité de Brest s’est engagée à entretenir le mémorial mais n’a pas souhaité contribuer directement au projet, dirigé par l’ONG Plan Together et le Jewish Tapestry Project, avec le soutien de l’Union religieuse juive de Biélorussie, la Fondation Illuminate et l’organisation caritative biélorusse Dialog.
« Les Juifs ont toujours honoré la mémoire de leurs ancêtres », rappelle Boris Bruk, président de la communauté juive orthodoxe de Brest, dans une vidéo consacrée à ce projet. « Puisqu’il n’y a pas de cimetière, nous avons souhaité avoir un panneau commémoratif, un lieu de mémoire pour dire à ceux qui nous survivront que c’est ici que reposent leurs ancêtres, ceux qui ont vécu, travaillé et prié dans cette ville. »
C’est en 2004 que riverains, entreprises de construction et propriétaires de maisons pavées de pierres tombales ont commencé à prendre contact avec Regina Simonenko, directrice de la Fondation et du musée de Brest sur la Shoah, dans l’idée de les rendre à leur vocation originelle. En 2011, la commune de Brest a autorisé la construction d’un mémorial avec ces mêmes pierres tombales. L’ONG Plan Together a rejoint le projet en 2014.
En plus des 1 287 fragments revêtus d’un texte, on estime à 2 000 – voire 2 500 – le nombre de plus petits fragments dépourvus d’inscriptions, collectés et stockés dans un entrepôt où ils ont été photographiés, répertoriés et intégrés à une base de données consultable.
Le mémorial est l’oeuvre de l’artiste Brad Goldberg, installé à Dallas. Il sera composé de deux arcs se faisant face, faits de pierres tombales. Selon les informations données par son site Internet, il s’agit pour Goldberg « d’une fusion entre sculpture, paysage et bâti ».
« Ce ne sera pas un cimetière », a-t-il déclaré à CNN. « Tous les éléments pointeront dans des directions différentes, comme s’ils discutaient. »
Il ajoute : « Nous avons consulté un rabbin qui l’a décrit comme un monument qui consacre la vie, et non la mort. »
Goldberg a un lien particulier avec Brest, qui l’a amené à ce travail sur le mémorial.
En effet, ses proches avaient accueilli un survivant de la Shoah, feu Jack Grynberg, à son arrivée aux États-Unis après la guerre. 70, sinon 100 de ses proches, avaient été tués par les nazis pendant la Shoah. Grynberg était l’un des rares Juifs de Brest à avoir survécu.
En 1997, Grynberg et son fils Stephen s’étaient rendus ensemble à Brest. Stephen Grynberg est un cinéaste qui a travaillé pour la Fondation de la Shoah et c’est lui qui a proposé le nom de Goldberg pour concevoir ce mémorial. Stephen Grynberg a fait un don pour la construction du mémorial, dont le coût est estimé à 325 000 $.
« En 1997, on ne voyait plus rien du cimetière », rappelle Stephen Grynberg à CNN. « On nous a emmenés sur place et notre guide nous a dit : ‘C’est là que se trouvait le cimetière.’ Comme tant de choses qui se sont passées du temps de la Shoah, cela dépasse l’entendement. On ressent des choses très fortes, viscérales, compliquées. »
Il ajoute : « J’essayais d’imaginer comment ils avaient rasé ce cimetière au bulldozer pour reconstruire par dessus. Cela m’a occasionné un profond sentiment de vide. »
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