Un mois après le scandale Irving, livre et film antisémites sont toujours sur Amazon
Jusqu’à présent, la société résiste aux nombreux appels à supprimer le contenu litigieux de sa plateforme, malgré les nombreux débats internes qu’il suscite
Un mois après le scandale provoqué par Kyrie Irving, joueur de la NBA, qui a fait la promotion d’un film à caractère antisémite sur les réseaux sociaux, Amazon n’a toujours pas retiré de ses plateformes ni le film ni le livre dont il est tiré.
Irving a été très critiqué pour sa publication du film « Hebrews to Negroes : Wake Up Black America » (Des Hébreux aux Nègres (sic) : Debout, l’Amérique noire), et avait été suspendu par son équipe. Après s’être excusé, il a pu réintégrer dans son équipe.
Le documentaire ne s’est jamais aussi bien vendu et figure même en tête des ventes des documentaires sur Amazon Prime Video.
Sur IMDb, la célèbre base de données de films, qui appartient à Amazon, le film compte désormais 650 critiques. Une capture d’écran de la page du film datant de février montre qu’il ne comptait à l’époque que huit avis.
Selon un article paru dans le magazine Variety cette semaine, citant des sources internes non identifiées, malgré les nombreuses réunions des cadres supérieurs d’Amazon au cours desquelles la question a été débattue ces dernières semaines, il n’est pas question pour le moment de supprimer le matériel contesté.
Selon l’article, Amazon aurait envisagé à un moment donné d’ajouter un avertissement au film Hebrews to Negroes : Wake Up Black America, mais ce projet aurait lui aussi été abandonné.
Le film est diffusé par Amazon par le biais de la plateforme Amazon Prime Direct, qui offre aux réalisateurs indépendants un espace pour télécharger leurs œuvres et les diffuser dans le monde entier.
Le film, et le livre sur lequel il est basé, postule que les véritables descendants des Israélites sont les Afro-Américains d’aujourd’hui et que les Juifs revendiquent cette origine à tort. On y trouve tout un tas de propos antisémites, la négation de la Shoah et l’affirmation fausse selon laquelle les Juifs auraient organisé la traite des esclaves.
Amazon a subi des pressions de la part de groupes juifs pour retirer les titres de son site web.
Selon Variety, Amazon hésite encore à supprimer le contenu, mais envisage maintenant de retirer les titres des suggestions de remplissage automatique de la barre de recherche du site.
Amazon n’a pas expliqué pourquoi il refusait de retirer le contenu de son site, mais il s’est déjà montré réticent à censurer des contenus autoédités litigieux par le passé, au nom des principes de la liberté d’expression. Variety a avancé l’hypothèse que pour Amazon, la suppression de ces titres risquait d’entraîner un déluge de demandes concernant d’autres contenus controversés.
L’Anti-Defamation League (ADL) a averti Amazon que ces titres « portent clairement préjudice aux Juifs ».
« Les points de vue [qu’ils développent] ne sont pas des points de vue différents sur l’Histoire, c’est de l’antisémitisme pur et simple. Ils renforcent encore les tropes antisémites bien connus, et fort anciens, sur le pouvoir des Juifs, leur prétendue cupidité et le contrôle qu’ils auraient des médias. »
L’American Jewish Committee (AJC) a indiqué qu’il « est essentiel qu’Amazon agisse rapidement pour retirer ce matériel ouvertement haineux ».
« Il est irresponsable de faire de l’argent avec un ouvrage aussi ignoble et dangereux », a déclaré au Washington Post Alvin H. Rosenfeld, directeur du Centre pour l’étude de l’antisémitisme contemporain et professeur à l’Université de l’Indiana.
Plus de 200 personnalités du monde du spectacle ont également exhorté Amazon et Barnes & Noble à cesser de vendre ces œuvres antisémite, avertissant les dirigeants qu’ils « profitent de la haine ». Les titres semblent avoir été retirés du site web de Barnes & Noble.
Les règles d’Amazon pour la distribution de films stipulent que « tous les titres sont examinés manuellement et de manière automatisée », afin de mettre en évidence de possibles violations des droits d’auteur, les contenus sexuellement explicites ou « les propos désobligeants, discours de haine ou menaces envers certains groupes ou individus ».
La politique de la société en matière de vente de livres lui permet de supprimer les contenus « choquants ». Mais elle s’engage aussi à assurer la diffusion des points de vue les plus divers.
« En tant que libraire, nous pensons qu’il est important de donner accès aux contenus écrits, même à ceux susceptibles d’être considérés comme répréhensibles », peut-on encore lire dans la politique de vente d’Amazon.
Irving s’est excusé d’avoir fait de la publicité pour le film, disant qu’il est « conscient de l’impact négatif de ma publication envers la communauté juive et j’en prends la responsabilité. »
Il a exprimé ses « profonds regrets à tous ceux qui se sont sentis menacés ou blessés par ce que j’ai publié, ce n’était pas du tout mon intention. »
La controverse autour d’Irving, et les commentaires antisémites de la star du hip-hop Kanye West, ont rouvert le débat sur l’antisémitisme à l’échelle nationale et ont accentué l’inquiétude des Juifs américains, face au nombre record d’actes antisémites signalés.