Un ossement humain vieux de 1,5 million d’années découvert en Israël
C'est la preuve la plus ancienne de présence humaine dans le pays ; cette vertèbre d'enfant apporte la preuve des migrations depuis l'Afrique, disent les chercheurs
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
Un groupe de chercheurs américains et israéliens ont découvert une vertèbre d’une espèce d’hominidés datant d’il y a 1,5 million d’années, dans la vallée du Jourdain. La vertèbre est celle d’un enfant âgé entre six à douze ans et elle est la preuve la plus ancienne de présence humaine sur le territoire de l’État d’Israël contemporain. Il s’agit également du deuxième reste humain le plus vieux à avoir été trouvé hors d’Afrique.
Cette étonnante découverte met en lumière les plus anciens mouvements de migration partis d’Afrique, et elle semble indiquer que de multiples vagues d’espèces d’hominidés avaient été amenées à quitter le continent africain, notent les chercheurs dans un article qui a été publié mercredi dans le prestigieux journal Scientific Reports, dont les articles sont relus par des pairs.
« Nous avons une preuve sans équivoque de la présence de deux vagues distinctes de dispersion », expliquent les chercheurs.
L’évolution humaine peut être retracée jusqu’à il y a environ six millions d’années, par le biais d’éléments fossiles et l’ADN. Les hominidés sont des primates qui sont les ancêtres directs de l’être humain moderne – ou ils y sont tout du moins étroitement liés. L’Homo sapiens, notre forme moderne, n’apparaît pas dans les comptes-rendus fossiles jusqu’à il y a environ
200 000 ou 300 000 ans.
L’évolution n’est pas une trajectoire rectiligne et il faut plutôt la considérer comme un arbre, avec de nombreuses branches qui n’ont débouché nulle part. Elle s’est déroulée lors d’un très long processus et de nombreuses espèces d’hominidés ont disparu dans l’intervalle – la plus célèbre étant l’homme de Néandertal (le fameux squelette prénommé « Lucy » et trouvé en Éthiopie en 1974, était une espèce d’hominidé pré-Homo sapiens d’il y a environ 3,2 millions d’années).
Des éléments découverts par les archéologues avaient pu indiquer que certaines espèces humaines primitives avaient commencé à quitter l’Afrique il y a approximativement deux millions d’années. Les premiers restes humains provenant de ces groupes partis d’Afrique avaient été retrouvés dans la région du Caucase – des restes vieux d’environ 1,8 million d’années. Les archéologues avaient retrouvé ces restes, avec des outils, sur un site appelé Dmanisi.
La nouvelle vertèbre trouvée au sein de l’État juif est la preuve d’une seconde vague de migration depuis l’Afrique des centaines de milliers d’années plus tard, une vague qui avait impliqué une autre espèce d’hominidés, notent les chercheurs.

Les archéologues ont découvert cet os minuscule sur un site préhistorique appelé ‘Ubeidiya, à proximité du kibboutz Beit Zera, au sud du lac de Tibériade. Pendant des fouilles qui avaient eu lieu entre 1950 et 1999, les archéologues avaient découvert de vieux outils en pierre et en silex qui ressemblaient à des trouvailles qui avait été faites dans l’Est de l’Afrique. Mais ils avaient aussi découvert des restes d’animaux aujourd’hui disparus – tigre à dents de sabre, mammouth, buffle géant – ainsi que des ossements d’espèces qui ne se trouvent plus dans la région (babouins, phacochère, hippopotame, girafe, jaguar).
Pour leur nouvelle étude, les chercheurs sont retournés sur le site pour y faire des fouilles, utilisant de nouvelles technologies pour mieux classifier et dater les découvertes antérieures.
La vertèbre de l’enfant a été trouvée en examinant des fossiles datant des fouilles antérieures, qui étaient conservés à l’Université hébraïque de Jérusalem. L’os avait déjà été examiné, mais il n’avait pas été identifié.
Il s’est donc avéré qu’il s’agissait d’une lombaire humaine – ce sont les vertèbres inférieures du dos – vieilles de 1,5 million d’années.
Les chercheurs ont expliqué qu’il y avait un débat en cours cherchant à déterminer si les migrations humaines de l’Afrique avaient eu lieu en une seule vague ou en plusieurs vagues. Ils ont affirmé que cette découverte d’ossement vient soutenir la deuxième hypothèse, dans la mesure où la vertèbre appartient à une espèce d’hominidés différente de celle des squelettes trouvés en Géorgie.

Les outils en pierre trouvés en Géorgie et sur le site israélien étaient eux aussi différents. Les chercheurs avaient initialement pensé qu’ils étaient issus de deux cultures différentes mais, dans le nouvel article, les archéologues estiment qu’ils ont probablement été fabriqués par deux espèces différentes.
La nouvelle étude a aussi établi que ces deux sites dorénavant connus pour leur présence humaine précoce avaient des climats divergents, ce qui avait contribué aux deux cultures distinctes.
« L’une des principales questions concernant les déplacements divers des humains partis d’Afrique était celle des conditions écologiques susceptibles d’avoir facilité leur dispersion. Notre nouvelle découverte, qui montre la présence d’espèces humaines différentes à Dmanisi et ‘Ubeidiya, est cohérente avec la conclusion que nous avons tirée, concernant des climats qui étaient différents sur les deux sites. ‘Ubeidiya est plus humide, compatible avec un climat méditerranéen tandis que Dmanisi est plus sec, avec un habitat proche de la Savane », explique la professeure Miriam Belmaker de l’université de Tusla, dont la subvention a notamment permis les nouvelles fouilles.

L’analyse faite par les chercheurs au sein de l’État juif a établi que l’ossement trouvé en Israël appartenait à un individu qui était âgé de six à douze ans au moment de sa mort. Il était grand pour son âge et il aurait pu avoir une taille d’un mètre 80 à l’âge adulte.
Une taille similaire à d’autres espèces d’hominidés vivant dans l’Est de l’Afrique, à l’époque. L’espèce retrouvée en Géorgie était plus petite, précisent les chercheurs.
« Il semble alors que dans la période connue sous le nom de Pléistocène ancien, nous pouvons identifier au moins deux espèces d’humains primitifs hors d’Afrique », déclare le docteur Alon Barash de l’université Bar Ilan, l’un des principaux chercheurs de l’étude.
« Chaque vague de migration a été celle de différentes espèces d’humains – dans l’apparence, dans la forme, dans les techniques et dans la tradition de fabrication d’outils en pierre. Ils différaient aussi dans la niche écologique dans laquelle ils vivaient », continue-t-il.
L’étude a été dirigée par des chercheurs de l’université Bar-Ilan, de l’Ono Academic College, de l’université de Tulsa et de l’Autorité israélienne des antiquités.