Un plan arabe pour l’après-guerre à Gaza conditionné à une voie vers un Etat palestinien
La guerre entre Israël et le Hamas représente pour cinq pays arabes à la fois une urgence et une opportunité
Au moment où Israël poursuit son offensive contre les terroristes palestiniens du Hamas, les dirigeants arabes réfléchissent aux moyens de soutenir la bande de Gaza après la guerre, en posant comme condition d’ouvrir la voie à un Etat palestinien.
Le pari est loin d’être gagné, mais le quintette formé par les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Jordanie et l’Egypte a clairement fait savoir que son soutien financier et politique, crucial pour l’avenir de la bande de Gaza dévastée, aurait un coût.
« Nous avons étroitement collaboré sur ça avec les Palestiniens. Il doit s’agir d’une véritable voie vers un Etat palestinien », a déclaré le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Fayçal ben Farhane, lors d’une réunion spéciale du Forum économique mondial à Ryad le mois dernier.
« Sans une véritable voie politique (…) il serait très difficile pour les pays arabes de discuter de comment nous allons gouverner », a-t-il prévenu.
Ce n’est pas la première fois que les dirigeants arabes défendent la solution à deux Etats, susceptible de désamorcer les tensions au Moyen-Orient. Mais la guerre entre Israël et le Hamas représente pour eux à la fois une urgence et une opportunité.
Le mois dernier, en marge de la réunion du Forum économique mondial à Ryad, des ministres des Affaires étrangères européens et arabes ont discuté des moyens d’unir leurs efforts pour avancer vers une solution à deux Etats.
La guerre à Gaza sera également en tête de l’ordre de jour du sommet de la Ligue arabe prévu jeudi à Bahreïn.
Les pays arabes « font pression sur les Etats-Unis pour obtenir deux choses : la création d’un Etat palestinien et sa reconnaissance par les Nations unies », a affirmé à l’AFP un diplomate arabe du Golfe, sous couvert d’anonymat.
« Ce qui entrave actuellement ces efforts intensifs, c’est la poursuite de la guerre et le rejet intransigeant de Netanyahu », a-t-il ajouté.
Selon Sanam Vakil, du groupe de réflexion britannique Chatham House, les dirigeants arabes essayent « de travailler avec l’administration Biden pour soutenir mutuellement ce qu’on appelle le jour d’après ».
L’une des questions centrales de ce plan est la réforme de l’Autorité palestinienne, qui permettrait d’unifier sous une même direction la Cisjordanie et la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas depuis 2007.
« Nous croyons en un gouvernement palestinien unique », a déclaré mardi le Premier ministre du Qatar, Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani. La transition ne devrait pas « affecter la cause palestinienne » ni « saper l’Autorité palestinienne », a-t-il ajouté lors d’un Forum économique à Doha.
Celle-ci s’est dotée en mars d’un nouveau gouvernement dont la priorité sera d’oeuvrer à « réunifier les institutions, y compris en assumant la responsabilité de Gaza », selon son Premier ministre Mohammed Mustafa.
« Nous avons un plan »
Mais le principal obstacle à surmonter est le gouvernement de Benjamin Netanyahu, a estimé l’analyste émirati Abdulkhaleq Abdulla, en soulignant que les efforts arabes essayaient aussi d’atteindre l’opposition israélienne.
Le chef de la diplomatie des Emirats arabes unis, Abdallah ben Zayed, a ainsi rencontré Yair Lapid, figure de l’opposition israélienne, le mois dernier à Abou Dhabi où ils ont discuté de la nécessité de mener des négociations sur une solution à deux Etats, selon un communiqué du ministère émirati des Affaires étrangères.
Selon Abdulkhaleq Abdulla, « il y a des promesses que si l’opposition israélienne remporte les élections (anticipées), elle pourrait se montrer plus ouverte et plus coopérative ».
Les dirigeants arabes ont largement exclu la possibilité participer à la gouvernance de Gaza ou d’envoyer des troupes dans les conditions actuelles.
Abdallah ben Zayed a affirmé samedi que son pays refusait « d’être entraîné dans un plan visant à couvrir la présence israélienne dans la bande de Gaza ».
Son homologue jordanien, Ayman al-Safadi, a assuré aussi le mois dernier que les Etats arabes n’enverraient pas de troupes à Gaza pour éviter d’être associés à la « misère créée par cette guerre ».
« En tant que pays arabes, nous avons un plan. Nous savons ce que nous voulons. Nous voulons la paix sur la base de la solution des deux Etats », a-t-il déclaré.
L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, deux géants du Golfe riches en pétrole, sont également réticents à payer la facture de la reconstruction sans garanties.
« Ils ne veulent certainement pas être juste une tirelire. Ils ne sont pas disposés à simplement réparer les dégâts d’Israël », souligne Bernard Haykel, spécialiste de l’Arabie saoudite à l’université de Princeton.
L’ambassadrice des Emirats arabes unis à l’ONU, Lana Nusseibeh, a prévenu en février que son pays ne pouvait « pas continuer à financer et voir ensuite tout ce que nous avons construit détruit. »