Un Polonais crée le buzz avec ses graffitis pro-Juifs
Dans les anciens quartiers juifs de Pologne, Rafal Betlejewski peint des inscriptions 'Tu me manques, Juif' pour contrer les insultes antisémites couramment taguées

JTA – Les graffitis antisémites sont tellement répandus en Pologne que personne n’en parle plus, sauf peut-être lorsqu’ils sont peints sur les sites de la Shoah ou des cimetières juifs.
Mais d’énormes slogans philosémites peints aux couleurs nationales et confessant un sentiment de perte suite à l’extermination des Juifs polonais durant la Shoah sont un peu plus notables. C’est la raison pour laquelle les médias polonais sont cette semaine en effervescence avec des articles sur un graffiti disant « Tu me manques, Juif » qu’un artiste a peint sur une importante rue de Lodz.
Rafał Betlejewski, qui n’est pas Juif, s’est coordonné avec des Juifs locaux et d’autres avant de peindre le 11 juin l’inscription attirant l’attention sur la rue Piotrkowska, une artère de la ville. Le graffiti fait partie d’une série, qu’il a commencée en 2005. Fondateur d’une agence de publicité, Betlejewski, 48 ans, a peint ou aidé à peindre ce message des dizaines de fois sur les sites ayant une importance particulière dans l’histoire de la communauté juive polonaise.
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Il a entre autres peint dans la rue Brzeska, qui avait été utilisée pour former l’une des limites du ghetto juif de Varsovie.
En 2010, il s’est attaqué à Jedwabne, où les Polonais locaux avaient assassiné des centaines de Juifs en 1941. Betlejewski a également mis là-bas la photo d’une grange en feu à la mémoire des Juifs qui ont été brûlés vifs par leurs voisins chrétiens. C’est cet épisode sombre de l’histoire polonaise – l’épicentre du débat acrimonieux en Pologne sur la complicité à l’époque de la Shoah – qui l’a fait réfléchir en premier lieu sur les relations polono-juives, a-t-il expliqué dans des interviews au sujet de son travail.
En avril dernier, dans le quartier de Powiśle de Varsovie, des individus non identifiés avaient noirci le mot « Juif » dans le graffiti de Betlejewski, l’incitant à appeler ses partisans à « s’opposer à la haine » en continuant à écrire le mot sur le mur à chaque fois qu’il était noirci. Bien qu’il ait eu la permission des propriétaires de ce mur, il a dans le passé eu des problèmes juridiques du fait de ses inscriptions « Tu me manques, Juif », que certaines municipalités ont vu comme du vandalisme.

« Je veux récupérer le mot ‘Juif’, l’arracher des mains des antisémites, qui dans ce pays sont les seuls à l’utiliser librement », a affirmé Betlejewski en 2010 au journal Gazeta Wyborcza cité à propos de sa campagne et en particulier de l’action à Jedwabne. « Je cherche à construire une plate-forme utilisée pour s’exprimer positivement à l’égard des personnes connues comme des Juifs ».
L’opération de Lodz était moins controversée, mais le site choisi pour l’œuvre d’art n’est pas moins symbolique.
Interdite aux Juifs quand elle a été construite au début du 19e siècle, la rue Piotrkowska a finalement été ouverte à certains Juifs ayant des moyens en 1825. Pendant l’occupation allemande de la Pologne, elle a été rebaptisée rue Adolf Hitler. Des Juifs y ont été rassemblés, abattus et battus sur ses pavés au cours de diverses pogroms.
« Je veux récupérer le mot ‘Juif’, l’arracher des mains des antisémites, qui dans ce pays sont les seuls à l’utiliser librement »
La ville située au centre de la Pologne, à environ 130 km de Varsovie, hébergeait historiquement l’une des communautés juives les plus dynamiques du pays et l’un des plus grands ghettos pendant la Shoah. Mais la vie juive a disparu de Lodz en 1944.
La quasi-totalité des 164 000 habitants du ghetto ont été assassinés dans la Shoah, selon le musée Yad Vashem de Jérusalem, ainsi que 90 % de la population juive de la Pologne d’avant la Shoah qui comptait trois millions de personnes.

Malgré cet héritage tragique, Betlejewski a affirmé qu’il aimait y travailler, en comparaison à des expériences passées à Varsovie.
« Lodz était un changement très agréable », a écrit Betlejewski sur son blog. « Peut-être parce que nous avons peint dans un espace semi-privé, peut être parce que le mur était prêt, et je m’y suis rendu à l’invitation des gens qui voulaient cette inscription. Tout le monde a mangé un houmous délicieux servi par le restaurant israélien Jaffa ».
Jonny Daniels, le fondateur de From the Depths [Des Profondeurs], une association à but non lucratif qui travaille sur la mémoire de la Shoah et qui vise à construire des ponts entre le monde juif et la Pologne, a déclaré que, malgré les manifestations occasionnelles d’hostilité envers les Juifs, « le nombre de ceux qui ont une attitude positive envers les Juifs dépasse de loin ceux avec une attitude négative ».
Des milliers de volontaires polonais non-juifs s’engagent avec From the Depths, a-t-il confié à JTA, tandis que le gouvernement polonais maintient un vif intérêt pour « les questions liées au passé juif. »
En mars, le président polonais Andrzej Duda a ouvert un musée pour les Justes parmi les Nations, les non-Juifs qui ont sauvé des Juifs pendant l’Holocauste.
Néanmoins, certains intérêts du gouvernement polonais sur les sujets juifs – comme l’enquête criminelle sur un professeur de l’Université de Princeton qui a étudié la culpabilité polonaise pendant la Shoah – ne sont pas très bien passés à l’échelle internationale.
Jan Gross, un Juif polonais qui avait émigré aux États-Unis en 1969, est soupçonné d’avoir violé la loi polonaise contre les insultes à la nation en disant récemment lors d’une interview que les Polonais avaient tué plus de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale qu’ils n’avaient tué d’Allemands.

En outre, la Pologne ne montre que peu d’intérêt à restituer les biens ayant appartenu à des Juifs avant la Shoah. Le « gouvernement actuel, ayant une ligne nationaliste dure, ne semble pas susceptible d’accepter ce processus douloureux », a écrit Dina Porat, la directrice du Centre Kantor pour l’Etude du judaïsme européen contemporain à Tel-Aviv, dans une tribune parue il y a quelques jours dans le journal Haaretz.
Mais revenons à Lodz, Betlejewski reste positif, soulignant que pour lui, il est « important qu’il y ait ici de jeunes Juifs polonais. Des jeunes Juifs de Lodz. Des gens qui essaient de reconstruire la communauté juive ».
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