Un pont de sa ville d’adoption portera le nom d’une romancière juive américaine
Évoquant Cora Wilburn, née au 19e siècle, un professeur a estimé qu'il était opportun de donner le nom de l'autrice, "bâtisseuse de passerelles", à la structure
BOSTON (JTA) – Une ville du Massachusetts qui avait été au centre d’un scandale lié à l’antisémitisme dans un lycée – un scandale survenu l’année dernière – vient de renommer un pont en l’honneur d’une autrice juive pionnière mais peu connue qui y avait vécu au XIXe siècle.
Cora Wilburn, dont le roman autobiographique Cosella Wayne a probablement été le premier roman publié en anglais par une femme juive en Amérique, s’était installée à Duxbury, au sud de Boston, à l’âge adulte. Elle y était restée jusqu’à sa mort, en 1906, alors qu’elle avait 82 ans.
116 ans plus tard, la ville de Duxbury a renommé le « pont D-14-009(49Q) » qui est devenu le pont Cora Wilburn, baptisé ainsi en son honneur. C’est un hommage rendu à cette pionnière dont le roman, les poèmes et les essais largement publiés ont laissé une trace dans les cercles religieux du pays.
Cosella Wayne a été republié récemment, accompagné d’un essai sur son autrice qui a été rédigé par Jonathan Sarna, professeur d’histoire à l’Université Brandeis, qui était présent lors de la cérémonie d’inauguration qui a eu lieu mercredi. Il a déclaré qu’un pont était un hommage approprié à rendre à la romancière dans la mesure où Wayne était connue pour établir des relations avec des personnalités différentes de ce qu’elle était.
« Il est tout à fait approprié que nous nous souvenions aujourd’hui à travers ce pont d’une femme qui a été une bâtisseuse de passerelles », a dit Sarna à la Jewish Telegraphic Agency.
Il avait été révélé l’année dernière que l’équipe de football d’un lycée de Duxbury avait utilisé les termes « Auschwitz » et « rabbin » comme appels au jeu. L’entraîneur avait été licencié et la ville avait ouvert une enquête qui a permis de faire remonter au grand jour des éléments prouvant un antisémitisme de longue date dans la culture de l’équipe.

L’automne dernier, alors que la ville était sous le choc de ces révélations, Josh Cutler, un natif de Duxbury qui représente certaines parties de la ville au sein de l’assemblée législative du Massachusetts, avait proposé à la société historique locale de chercher et de mettre en lumière les anciens résidents influents, peu connus ou issus de populations traditionnellement sous-représentées dans les récits historiques.
Et, cette année, il a déposé un projet de loi visant à rendre hommage à Wilburn. Le gouverneur du Massachusetts, Charlie Baker, l’a approuvé en août, donnant le nom de l’autrice à un pont auparavant anonyme qui est situé à un échangeur autoroutier.
Cutler avait indiqué avoir été attiré par Wilburn parce qu’elle était une « fervente défenseure de la justice sociale qui a donné une voix aux plus démunis ».
Wilburn était née Henrietta Pulfermacher en 1824 en Alsace, en France, dans une famille juive dont le père était un marchand de pierres précieuses malhonnête et un alcoolique connu pour ses violences. Toujours en fuite devant les créanciers et la justice, il avait traîné sa famille, y-compris sa fille, dans des endroits éloignés du globe.
À l’âge de 24 ans, après la mort de son père, Henrietta, alors sans le sou, a émigré seule depuis le Venezuela vers les États-Unis, où elle a d’abord travaillé à Philadelphie comme couturière et domestique mal payée, souvent pour des familles juives aisées. Quelques années plus tard, elle a embrassé une vie littéraire et a commencé à écrire sous le nom de Cora Wilburn.
Son roman autobiographique révèle le côté sombre de la vie juive, exposant la pauvreté et les violences conjugales, ainsi que des divisions de classe qui contrastent fortement avec les images dépeintes dans la littérature juive de l’époque. Elle a également écrit sur les droits des femmes et l’exploration spirituelle.
Attirée pendant de nombreuses années par le spiritisme, un mouvement religieux populaire pendant la guerre civile, Wilburn a ultérieurement réaffirmé publiquement sa foi juive, à l’aise avec les principes libéraux du judaïsme réformé. Elle a écrit des poèmes et des essais pour plusieurs publications juives.
La passion féroce de Wilburn pour l’égalité transcendait les questions de race et de religion, selon Sarna, qui a lu lors de la cérémonie d’inauguration du pont l’extrait d’une lettre que Wilburn avait écrite trois ans avant sa mort à Lilly Harris, une Afro-américaine de 19 ans qui avait vécu près d’elle à Duxbury. Harris travaillait comme domestique pour une famille locale.
« Malgré les 60 ans qui les séparaient et leurs différences manifestes de religion et de race, Cora Wilburn s’adressait à Lilly Harris comme à une égale », a déclaré Sarna.
Un deuxième pont, le Lewis Sisters Bridge, a été inauguré mercredi en l’honneur d’Ella Lewis Woodbury, de Lillian Mae Lewis Hayes et de Beulah Lewis Fogg, trois Afro-Américaines qui, dans les années 1930, avaient créé et dirigé un camp résidentiel à Duxbury pour les jeunes Afro-Américains de Boston. Le camp avait ensuite attiré des vacanciers issus de cette communauté en provenance de tout le pays.
S’exprimant lors de la cérémonie, Jeremy Burton, directeur exécutif du Jewish Community Relations Council of Greater Boston, a félicité les élus et les dirigeants de la communauté de Duxbury pour leur reconnaissance des diverses communautés qui ont composé l’histoire de leur ville.
« Alors que nous célébrons l’inauguration de ces deux ponts, nous célébrons l’engagement à construire des passerelles entre les communautés en vue d’un avenir meilleur », a déclaré Burton, des propos qu’il a partagés dans un courriel.