Un responsable du JNF-KKL veut allouer un milliard de shekels pour la diaspora
Samuel Hayek, figure de proue de la communauté juive britannique et de la politique israélienne, avertit le groupe qu’il doit aider les Juifs dans le monde s’il veut rester pertinent
Samuel Hayek, le magnat de l’immobilier britannique d’origine israélienne, philanthrope et interlocuteur politique occasionnel, voit d’un œil pessimiste la direction que prend le judaïsme dans le monde.
Selon lui, les Juifs des Etats-Unis ne survivront probablement pas plus qu’une ou deux générations, au vu du nombre de mariages interconfessionnels, et les Juifs d’Europe et d’autres communautés dans le monde sont en train de se diluer face à l’antisémitisme et à l’assimilation.
Que l’on soit d’accord ou non avec ses affirmations, Hayek a décidé d’y remédier, notamment en demandant au Fonds national Juif – Keren Kayemet LeYisrael (JNF-KKL), une organisation dans laquelle il est impliqué depuis une quinzaine d’années – de s’engager à verser 1 milliard de shekels par an pendant les dix prochaines années dans le but de soutenir les communautés juives du monde entier, en leur fournissant les ressources dont elles ont besoin pour rester unies et prospérer.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Cela représenterait un revirement radical du rôle du JNF-KKL, qui a été créé officiellement il y a 121 ans pour faire exactement le contraire. Pendant des décennies, les Juifs du monde entier ont versé leurs pièces dans une pushka, ou boîte de charité, bleue du JNF pour contribuer à la construction de l’État juif. Aujourd’hui, Hayek demande à l’organisation de renvoyer ces fonds aux Juifs du monde entier.
« Les communautés juives du monde entier sont, au mieux, négligées, quand elles ne sont pas complètement ignorées par Israël. Le fait que nous ayons un ministère des Affaires de la Diaspora est une bonne idée. Mais lorsque vous regardez le budget de ce ministère, c’est très révélateur de l’attitude du gouvernement israélien à l’égard de la diaspora », a déclaré Hayek, le directeur du Jewish National Fund-United Kingdom (JNF-UK), une organisation apparentée, mais techniquement distincte du Jewish National Fund-Keren Kayemet LeYisrael (JNF-KKL) d’Israël. (La plupart des pays ont leur propre JNF affilié mais discret).
L’entretien de Hayek avec le Times of Israel a eu lieu à l’arrière de son SUV, sur la route 6 en direction de la résidence présidentielle, depuis la ville de Yeruham, qui a bénéficié de millions de shekels de dons du JNF-UK ces dernières années. Le jour même, les administrateurs britanniques du JNF-UK inauguraient une nouvelle promenade le long de l’une des entrées de la ville, avant de se rendre à Jérusalem pour une réunion avec le président Isaac Herzog.
« Donc, où pouvons-nous trouver les ressources humaines et financières pour assurer l’existence à long terme des communautés juives à travers le monde ? », s’est interrogé Hayek. « Le Keren Kayemet LeYisrael a fait des collectes centime par centime afin de pouvoir acheter des terres pour que les Juifs qui puissent s’établir en Israël, qu’ils aient un lopin de terre à cultiver et sur lequel construire leurs maisons. Aujourd’hui, le KKL possède 13% de l’ensemble des terres de l’État d’Israël – et il s’agit de certains des meilleurs endroits d’Israël – c’est un actif que le KKL détient pour le peuple juif.
Savez-vous ce que nous pourrions faire avec 1 milliard de shekels par an ? Énormément
« Les revenus annuels du KKL se chiffrent en milliards de shekels par an. Est-il si exagéré de suggérer que le KKL alloue 1 milliard de shekels par an pendant les 10 prochaines années ? Pour sauver notre peuple, pour sauver les communautés juives du monde entier ? », a-t-il déclaré.
« La dernière chose que l’on peut dire de moi c’est que je suis un rêveur, je ne le suis pas. J’estime que c’est faisable. »
Bien qu’il soit très poli lorsqu’il expose son idée d’un milliard de shekels, ce n’est pas pour autant avec gentillesse qu’il les réclame. Sa demande est un rappel à l’ordre pas si subtil au JNF, une organisation accusée depuis des années de corruption, de népotisme, de faire de la politique en dépit de son exonération fiscale et de verser des salaires exorbitants à ses employés haut placés, entre autres choses.
« Je pense qu’ils ont l’obligation de le faire. Regardez l’image que le KKL s’est forgée au cours des 15-20 dernières années. Ils ont mauvaise réputation. Et les voix qui s’élèvent contre eux viennent de partout. « Nationalisons-la. Qui a besoin d’eux ? » a expliqué Hayek.
« Le sentiment est que ces actifs seraient mieux gérés par le gouvernement que par le KKL… [ils] souffrent de leur très mauvaise réputation. Si le KKL acceptait un tel projet, cela changerait radicalement son image », a-t-il déclaré.
De fait, les pratiques de l’organisation ont été critiquées par les gouvernements de droite et de gauche au fil des ans et certains ont demandé sa nationalisation.
Selon Hayek, un tel investissement massif dans les communautés juives du monde entier est un projet que le gouvernement israélien serait tout simplement incapable de réaliser.
« Si le gouvernement venait au KKL et prenait son argent, vous pensez qu’il investirait 1 milliard de shekels pour sauver des communautés juives dans le monde ? C’est au-delà du domaine du raisonnable », a-t-il déclaré.
Bien que Hayek ait des plans spécifiques pour faire bouger les choses au sein de l’organisation, il est un peu plus flou sur la façon dont l’argent serait dépensé. Son idée globale consiste à envoyer des émissaires dans les communautés juives du monde entier – d’une manière plus solide et plus exhaustive que ne le font actuellement des organisations comme l’Agence juive. Les détails de l’organisation pourraient facilement et rapidement être réglés par une équipe d’experts selon lui.
« Je dois d’abord convaincre le conseil d’administration du KKL de la nécessité de de changer leur objectif et de le faire », a-t-il expliqué. « Ensuite, il faudra constituer un groupe, un think tank, qui élaborera les moyens, les meilleurs moyens et les meilleurs plans pour atteindre cet objectif. Je ne pense pas que mettre en place ces dispositifs prendra une année. Je pense que cela pourrait se faire en quelques mois, une fois la décision prise.
« Nous devrons recruter des centaines d’émissaires afin qu’aucune communauté juive dans le monde n’ait à se débrouiller seule. Et ces envoyés devront aller dans ces communautés, vivre avec elles, les relier à Israël, leur enseigner l’hébreu, leur enseigner le judaïsme. On ne pourrait laisser le judaïsme en dehors de l’équation. Le judaïsme est le principal outil qui relie les gens à la terre qui a été promise à nos ancêtres », a-t-il déclaré.
« Je pense que si cela se fait, des changements seront visibles d’ici quelques années. Vous vous rendez compte de ce que nous pourrions faire avec un milliard de shekels par an ? Énormément. »
De Kfar Saba à Londres
À la tête du Jewish National Fund-United Kingdom depuis 2008, Hayek a contribué à la relance de cette organisation en perte de vitesse.
L’année dernière, Hayek a provoqué une agitation considérable dans le monde juif britannique après avoir déclaré au Jerusalem Post que la communauté n’avait pas d’avenir face à la forte augmentation de l’immigration musulmane au Royaume-Uni, ce qui lui a valu des accusations d’islamophobie et des dénonciations de la part de certains hauts responsables juifs britanniques, dont le grand rabbin Ephraim Mirvis. Bien qu’il ne se soit jamais excusé, Hayek a précisé par la suite que ses remarques avaient été quelque peu mal interprétées et que ses préoccupations n’étaient « pas dirigées contre une minorité ou contre les musulmans du Royaume-Uni ou d’Europe, mais contre quiconque propage la haine et nuit aux Juifs ».
Un an plus tard, Hayek a déclaré qu’il aurait dû « choisir ses mots avec davantage de soin », mais qu’il était heureux que ses remarques aient suscité un débat sur l’avenir de la communauté juive britannique. « Cela a réveillé les gens de leur torpeur », a-t-il déclaré.
Né de parents iraquiens dans la ville de Kfar Saba, au centre d’Israël, Hayek a servi dans les rangs de l’armée israélienne pendant la guerre de Kippour avant de partir au Royaume-Uni pour étudier le droit, après avoir peiné à être accepté dans un programme israélien.
Hayek s’est engagé dans la politique de droite dès son plus jeune âge, en tant que président du département de la jeunesse du Likud. Il a travaillé en étroite collaboration avec Ariel Sharon et entretient des liens avec le futur premier ministre Benjamin Netanyahu et le chef de Yisrael Beytenu Avigdor Liberman, ainsi qu’avec un certain nombre d’autres personnalités de droite et centristes.
Bien qu’il ait passé la majeure partie des quarante dernières années au Royaume-Uni, Hayek est resté un intermédiaire important dans les cercles politiques de droite, notamment lorsqu’il a aidé à négocier les accords entre Netanyahu et Liberman après que ce dernier se soit séparé du Likud pour former son parti Yisrael Beytenu. Hayek reste extrêmement proche de Yisrael Beytenu, et l’un de ses membres – le ministre Oded Forer – est même venu à Yeruham pour rencontrer Hayek pendant la visite.
Hayek, qui possède une galerie à Jaffa, a un regard mélancolique lorsqu’on l’interroge sur l’art israélien et juif.
« Je pense que l’âme d’une personne ne peut pas survivre longtemps sans accès à l’art, que ce soit la musique, les arts plastiques, le théâtre ou toute autre forme d’art. Un jour, une personne – quelqu’un de très important dans ce pays – s’est assise avec moi quand je vivais à Jaffa et s’est mise en colère contre moi. Comment pouvez-vous gaspiller autant d’argent pour un morceau de toile avec de la peinture dessus ? N’y a-t-il pas des choses plus importantes que cela dans la vie ? » a confié Hayek. « Comment expliquer l’art à une telle personne ? »
Jusqu’à récemment, il partageait son temps entre Londres et Tel Aviv, mais il y a quelques mois, il a décidé de vivre à plein temps à Ramat Gan, retournant périodiquement au Royaume-Uni pour y surveiller ses vastes avoirs immobiliers dans le pays.
« Chaque fois que j’allais à Londres, je cherchais une excuse pour revenir plus vite en Israël. Et chaque fois que je revenais en Israël, je cherchais des excuses pour y rester plus longtemps. Après des années comme ça, je me suis dit : » Ça suffit de chercher des excuses. Si tu veux être en Israël, reste en Israël », a-t-il déclaré.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel