Un survivant français de la Shoah honore ses sauveurs à l’occasion de Rosh Hashana
Pour tous les Juifs du monde, les fêtes sont l'occasion de nouveaux horizons et commencements. Mais pas pour Jacques Stuzalf, un survivant français de l'Holocauste âgé de 84 ans

Hanté par ses souvenirs à la veille de Rosh Hashana, il revit chaque année à cette période, sa fuite des camps de la mort à l’âge de dix ans.
« C’est très émouvant car c’est un vrai cauchemar, pire qu’un cauchemar, d’avoir vécu tout cela, » a-t-il révélé à France Télévisions durant une récente visite à la gare de Lille, où en 1942, à la veille de Rosh Hashana beaucoup de ses amis ont été emmenés par les nazis vers les camps de la mort.
Mais Stuzalf s’en est sorti, après avoir fait équipe avoir un historien local afin de donner une reconnaissance aux cheminots français qui l’ont aidé à survivre.
Le 11 septembre 1942, Stuzalf est arrivé à la gare avec sa mère et son frère sur les ordres des nazis qui occupaient la France. Il a été séparé de sa famille la-bas comme des centaines d’autres enfants juifs français.
Mais contrairement à beaucoup de ses camarades, Stuzalf a été sauvé par des combattants de la résistance, des cheminots de la SNCF, avec 33 autres Juifs.
L’opération de sauvetage impromptue et inédite apparaît comme un point lumineux dans l’histoire sombre de la SNCF. Le rôle qu’a joué la SNCF pour transporter les Juifs vers la mort est synonyme pour beaucoup de collaboration française dans le meurtre d’un quart de la population juive du pays durant l’Holocauste.
Jusqu’à 1995, la SNCF a combattu bec et ongles pour rejeter toute la responsabilité de ses employés d’avoir conduit des milliers de Juifs vers les camps de la mort.
Stuzalf, dont les parents et le frère ont également survécu à la guerre, figure parmi les 34 Juifs sauvés par un groupe de 24 employés de la SNCF. Ils ont travaillé à la gare de Lille, selon l’historien Gregory Celerse, qui a publié ses recherches pour la première fois dans un ouvrage en français paru le 6 septembre dernier.
Les actions des employés de la SNCF à Rosh Hashana à Lille sont inhabituelles car la résistance française n’a pas fait beaucoup d’efforts pour sauver les Juifs. Elles sont aussi uniques car elles ont été réalisées sans planification et cela a été l’une des plus grande opérations de sauvetage de Juifs jamais réalisée dans la France occupée.
En ce jour de septembre 1942, l’un des plus chauds de l’année, « les membres d’un groupe de sauveurs ont vu les camions emmener les gens, essentiellement des femmes et des enfants, issus de la population juive polonaise de Lille, en dehors de leur lieu de travail » a déclaré Celerse, « ils ont eu une brève discussion puis ont décidé d’agir ».
A la gare, un employé de la SNCF a frayé un passage à Stuzalf alors qu’un autre employé Marcel Hoffman était en train de distraire un garde allemand dont le job était de s’assurer que personne n’échappait au train de la mort.
« Alors que j’étais emmené loin, Marcel Hoffman a sorti sa carte d’identité pour la montrer au soldat allemand et lui dire « regarde j’ai un nom allemand aussi, » a rappelé Stuzalf à la gare pendant l’interview de France 3 en juillet.

Plusieurs des 24 sauveurs ont attrapé des sceaux et des balais et se sont approchés du train stationné prétendant faire partie du nettoyage, selon les quatre années de recherche de Celerse sur ce qu’il s’est passé ce jour-là à Lille.
Encadrés par la police allemande et les cheminots, les sauveurs ont inventé des distractions pour pouvoir faire passer un groupe d’enfants dans un entrepôt abandonné.
Quand il était impossible de distraire, les sauveurs utilisaient la tromperie: l’un d’eux a sauvé une fillette juive en la mettant sur son siège de vélo et en parlant avec elle comme si c’était sa fille donnant ainsi l’impression qu’elle avait rejoint son père au travail.
Six ans et séparée de sa mère, on a ordonné à la fillette de rester silencieuse et cachée dans un bureau vide. Des heures plus tard, il l’a faite s’échapper. Dans un même temps, d’autres sauveurs ont pris son petit frère et l’ont fait passer par dessus un mur.
Quelques enfants ont été donnés pendant la résistance, tandis que d’autres ont été ramenés dans les maisons de leurs sauveurs. Une femme a transporté un bébé de trois mois depuis la gare dans un sac.
L’héroïsme documenté par Celerse contraste de manière frappante avec la perception généralisée des archives de la SNCF pendant l’Holocauste, qui n’a pas été aidée lors des batailles juridiques en 2006 pour éviter de payer une indemnité aux familles dont les proches avaient été emmenés dans les trains de la mort.
La critique de la SNCF, qui a d’abord soutenu qu’elle n’était pas responsable des actions sous l’Occupation nazie pendant le gouvernement collaborateur de Vichy, a finalement versé une compensation de 60 millions de dollars en 2014 en échange d’une immunité contre de nouvelles poursuites aux Etats-Unis. Pourtant, les archives de l’Holocauste était plutôt négatif, » a affirmé Celerse.
« Mais il y a un autre aspect qui découle des actions des 24 employés pour sauver les douzaines d’enfants à Rosh hashana à Lille, » a déclaré l’historien, ajoutant qu’il n’a pas reçu de fonds de la part de la SNCF en préparant sa recherche.
Celerse et Stuzalf tentent d’obtenir le statut de Juste parmi les nations, pour Hoffman de la part de l’autorité du mémorial de Yad Vachem à Jérusalem (la désignation d’Israel pour les non-juifs qui ont sauvé les Juifs pendant l’Holocauste).
Seul un des 24 survivants de la gare de Lille a été reconnu Juste parmi les nations, selon Celerse.
Le 11 septembre, une cérémonie a eu lieu à la gare où une plaque a été posée avec le nom des 24 sauveurs. Cinq des enfants qui ont été sauvés devaient participer à l’événement.