Un tournoi d’échecs rapproche Arabes, Juifs et Druzes dans un contexte de guerre à Gaza
Fin janvier, un Championnat d'échecs israélien, à Akko, a rassemblé divers secteurs de la société qui se sont affrontés autour du plateau de jeu, renforçant le sentiment communautaire par le partage de la même passion
Dans un contexte de guerre contre le Hamas à Gaza, ce sont 132 joueurs d’échecs âgés de 9 à 78 ans qui ont pris part à l’Open d’échecs qui a eu lieu du 21 au 29 janvier à Akko, dans le nord d’Israël – en présence notamment de maîtres et de grands maîtres, les titres qui distinguent les meilleurs joueurs du monde.
Ce tournoi de neuf jours, organisé par la Fédération israélienne d’échecs, a attiré des joueurs venus de tout le territoire israélien et notamment des enfants originaires des villages druzes de Beit Jann et de Pekin, en Galilée. Malgré la guerre – ou peut-être à cause de la guerre – tout le monde a répondu à l’appel.
« Alors qu’en ce moment, on a tendance à rester là à s’inquiéter à cause de la guerre, c’est thérapeutique », explique Avi Cohen dont le fils, Israel – c’est le plus jeune compétiteur du championnat – avait remporté le championnat dans la catégorie des moins de huit ans en 2022. « Les échecs sont comme une échappatoire ».
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L’organisatrice de l’événement, Olga Volkov, dirige le club d’échecs de Nahariya, une ville située à proximité, et elle entraîne les joueurs de Shlomi, une localité qui se trouve à la frontière avec le Liban.
Dans les semaines qui ont suivi la début de la guerre – une guerre déclenchée, le 7 octobre, par l’assaut meurtrier qui avait été lancé par le Hamas dans le sud d’Israël où les terroristes avaient tué 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza – les résidents de Shlomi ont été évacués en raison des attaques commises par le groupe terroriste du Hezbollah, soutenu par l’Iran, depuis le sud du Liban. Des frappes qui, selon l’organisation, viennent en signe de solidarité avec la bande de Gaza.
Depuis cette date, Volkov fait le voyage jusqu’à Haïfa, chaque semaine, où elle coache ses joueurs – qui y ont trouvé un refuge temporaire.
« Nous nous inquiétons au sujet de nos joueurs et nous nous assurons que nous prenons bien soin d’eux », s’exclame-t-elle.
Volkov travaille dans des écoles variées du nord d’Israël dans le cadre de son programme éducatif « les échecs à l’école », un programme qui a été lancé en 2016. Il a permis de présenter le jeu d’échecs aux élèves de plus de 300 établissements scolaires de tout le territoire, dans les secteurs juif, arabe et druze.
Volkov explique que des milliers d’enfants israéliens jouent dorénavant aux échecs – un phénomène qui était déjà très présent même avant la sortie, sur Netflix, de la série « The Queen’s Gambit » qui raconte l’histoire d’une joueuse d’échecs prodige et qui a fait les beaux jours de la plateforme de streaming.
Melan Halbi, 10 ans, originaire de Beit Jann, en Galilée, est « tombée amoureuse » du jeu dès la première partie, note son père, Walid.
« Elle s’est rendue compte que les échecs épousaient tous les traits de son caractère, qu’il s’agisse de la patience, de la réflexion ou de l’esprit de compétition », ajoute Halbi. « Pour elle, c’est beaucoup plus qu’un simple jeu, elle est réellement tombée amoureuse des échecs et c’est devenu une addiction. »
Pendant le tournoi, à Akko, Halbi a disputé un match contre un homme qui avait quatre fois son âge. Son entraîneur, Andrei Gurbanov, estime que Halbi a eu « un avantage énorme pendant une partie » – mais c’est son adversaire qui l’a finalement emporté. Les concurrents jouent un total de neuf parties chacun, bénéficiant d’une heure trente pour 40 coups. Après cela, chaque joueur a droit à un rajout de 30 minutes supplémentaires pour toute la durée du jeu.
Les échecs ont gagné en popularité, ces dernières années, en Israël, déclare Gurbanov, qui est le vice-président de l’Association des joueurs d’échecs en situation de handicap physique (IPCA) et qui est aussi le fondateur de l’IPCA Israel, établie en 2022 par ses soins.
Gurbanov, qui est handicapé de naissance – il est né manchot – a gagné à trois reprises le championnat de l’IPCA. Et aujourd’hui, à un moment où un si grand nombre de soldats ont été blessés durant la guerre, il explique avoir le sentiment que le jeu d’échecs pourrait leur venir en aide. Il y a quelques années, il a aidé à mettre en place un club d’échecs au sein de Beit HaLochem, le centre de rééducation militaire de Haïfa.
« Jouer aux échecs pendant la guerre montre que nous continuons toutefois à vivre », s’exclame Gurbanov. « On ne parle pas de la guerre, on parle d’autres choses ».
Un grand nombre des joueurs présents lors du tournoi confient avoir appris l’art des échecs auprès de leurs parents. Gurbanov raconte que son père a commencé à lui enseigner le jeu alors qu’il n’avait que six ans ; il est devenu entraîneur il y a dix-sept ans.
Gurbanov est enthousiaste à l’idée de présenter les échecs à de nouveaux joueurs. Avec l’aide de l’IPCA Israel, il a ouvert des clubs dans un grand nombre de localités druzes du nord d’Israël, notamment à Pekiin, à Yirka et à Beit Jann. L’année dernière, il a organisé un championnat international d’échecs à Pekiin, attirant des amateurs du monde entier et notamment de Jordanie. Il y a eu aussi les épreuves de sélection pour le championnat national, des épreuves auxquelles ont pris part presque cent participants druzes.
« Il n’y a plus de communauté druze sans jeu d’échecs aujourd’hui », se réjouit Gurbanov.
Avi Cohen, joueur d’échecs – il a le titre de Candidat maître – a enseigné le jeu à son fils Israel quand ce dernier avait cinq ans. Pendant la pandémie de coronavirus, le père et l’enfant jouaient durant des heures entières. Mais, estime son père, le jeu d’échecs « entre en collision avec la nature même de l’enfant, qui est pleine d’énergie et il nécessite de faire quelque chose qui exige une forte discipline, beaucoup de réflexion ».
Cohen ajoute que contrairement au basketball où, « lorsque vous menez de 20 points, vous pouvez gagner le match », les échecs sont « cruels ».
« Vous faites une petite erreur et c’est terminé », continue-t-il.
Cohen pense que son fils a du talent. Il investit beaucoup de temps et d’énergie dans sa formation et pour ce faire, il travaille notamment avec Moshe Rothman, coach et ancien champion de Moldavie qui vit dorénavant à Haïfa.
« C’est un objectif d’être champion aux échecs mais vous ne savez jamais vraiment ce qui arrivera à l’avenir », dit Cohen.
Le jeu d’échecs est toute une discipline, ajoute-t-il. « Il faut être capable de calculer. Il faut avoir une certaine mentalité ».
Les recherches montrent que peu d’enfants sont capables de rester assis et de rester concentrés pendant des heures d’affilée, fait remarquer Cohen – ce qui est pourtant nécessaire pour jouer aux échecs. Il ajoute avec fierté qu’à l’occasion d’un match disputé dans le cadre du tournoi, son fils Israel a joué pendant cinq heures, de 15 heures à 20 heures. Les deux adversaires ont finalement fait match nul.
Et pour les parents qui veulent que leurs enfants réussissent, note Cohen, « il faut du temps, des ressources et de l’argent ». Il connaît un homme, en Europe, qui a récemment quitté son travail pour aider son fils à lancer sa carrière naissante de joueur d’échecs professionnel.
« Il faut pouvoir voyager pour se rendre dans un grand nombre de différents tournois, pas seulement en Israël mais aussi à l’étranger », indique-t-il.
« Je pense que les échecs vous apprennent à prendre des décisions seul », continue-t-il. « Ils enrichissent l’esprit ».
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