Une ex-otage dénonce l’attribution du Pulitzer à un Gazaoui qui a légitimé son enlèvement
Emily Damari fustige le comité Pulitzer pour avoir récompensé Mosab Abu Toha, qui a appelé les otages des « tueurs » et émis des doutes sur l’assassinat des enfants Bibas

Une ancienne otage, détenue plus de 500 jours à Gaza, a exprimé jeudi son « choc et sa douleur » après l’attribution du prix Pulitzer à un écrivain né à Gaza qui a semblé justifier son enlèvement et s’en est pris à d’autres otages sur les réseaux sociaux.
Mosab Abu Toha, un Palestinien vivant actuellement aux États-Unis, a remporté le prix de journalisme dans la catégorie « commentaire » lundi pour des essais publiés dans le magazine The New Yorker.
L’organisme de surveillance des médias pro-Israël Honest Reporting a toutefois signalé que, dans des publications sur les réseaux sociaux, Mosab Abu Toha avait écrit des propos dénigrants à l’égard d’Emily Damari et d’une autre otage dans ses publications, et qu’il avait mis en doute les assassinats brutaux des deux très jeunes enfants Bibas, enlevés avec leur mère par des terroristes de Gaza. Ces éléments ont suscité de vives critiques du ministère israélien des Affaires étrangères à l’encontre du comité Pulitzer, auquel il a été demandé d’annuler le prix.
« Il ne s’agit pas de jeux de mots – ce sont des dénis purs et simples d’atrocités dûment documentées », a écrit Damari dans une lettre adressée au comité du prix et publiée sur X jeudi. « Vous prétendez récompenser un journalisme qui défend la vérité, la démocratie et la dignité humaine. Or, vous avez choisi d’amplifier une voix qui nie la vérité, efface les victimes et profane la mémoire des personnes assassinées. »
Damari, une civile de 28 ans ayant la double nationalité israélienne et britannique, avait été blessée par balles puis enlevée à son domicile de Kfar Aza le 7 octobre 2023. Elle a été libérée le 19 janvier dernier dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu, amputée de deux doigts blessés lors de l’attaque.
Quelques jours après sa libération, Abu Toha l’a décrite à tort comme une soldate, dans une tentative apparente de justifier son enlèvement et sa détention par le groupe terroriste palestinien Hamas.

« Mais comment diable peut-on appeler cette fille une otage ? (Et c’est le cas de la plupart des ‘otages’). Je vous présente Emily Damari, une soldate israélo-britannique de 28 ans capturée par le Hamas le 7 octobre », a-t-il écrit sur Facebook le 25 janvier, accompagnant une vieille vidéo dans laquelle elle apparaît en uniforme. « Donc cette fille est qualifiée ‘d’otage’ ? Cette soldate qui se trouvait près de la frontière d’une ville qu’elle et son pays ont occupée est qualifiée ‘d’otage’ » ?
Le 6 mai, Abu Toha a légèrement édité la publication, remplaçant « la plupart des otages » par « certains otages ».
Début février, il publiait une photo d’Agam Berger, une tatzpitanit (soldate d’observation) enlevée le 7 octobre et libérée en janvier, la qualifiant, elle et d’autres, de « tueurs qui servent dans l’armée et ont de la famille dans l’armée ! », en reprochant aux médias internationaux de les avoir « humanisés ».

Honest Reporting a également souligné qu’Abu Toha s’en était pris à la BBC en février pour avoir relayé les conclusions israéliennes selon lesquelles Ariel et Kfir Bibas, âgés de 4 ans et 9 mois au moment de leur enlèvement, avaient été assassinés à mains nues par leurs ravisseurs.
« Si vous n’avez aucune preuve, pourquoi publiez-vous cela ? Voilà ce que vous êtes : des gens répugnants », écrivait-il alors.
« Mosab Abu Toha n’est pas un écrivain courageux », a écrit Damari jeudi. « Il est l’équivalent contemporain d’un négationniste de la Shoah. En l’honorant, vous rejoignez son camp, celui du négationnisme. Ce n’est pas une affaire de politique. C’est une question d’humanité. Et aujourd’hui, vous avez failli. »
Dear Members of the @PulitzerPrizes board,
My name is Emily Damari. I was held hostage in Gaza for over 500 days.
On the morning of October 7, I was at home in my small studio apartment in Kibbutz Kfar Aza when Hamas terrorists burst in, shot me and dragged me across the border…
— Emily Damari (@EmilyDamari1) May 8, 2025
Abu Toha n’a pas encore réagi.
Un porte-parole du comité Pulitzer a indiqué à Fox News en ligne que « le processus de sélection repose sur l’examen des œuvres soumises ».
Mercredi, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Oren Marmorstein, a déclaré en ligne que ce prix était « honteux ».
« Visiblement, attaquer des jeunes femmes israéliennes brutalement kidnappées par le Hamas peut vous rapporter le @PulitzerPrizes – du moins quand il s’agit de @MosabAbuToha », a-t-il écrit.
Le consul général d’Israël à New York, Ofir Akunis, a déclaré à Fox News que les publications « devraient écœurer toute personne digne de ce nom ».

« Ces publications sont une honte absolue. Cet homme devrait être condamné pour ses propos, et non récompensé par un prix Pulitzer », a poursuivi Damari.
Lors de l’annonce du prix lundi, le comité Pulitzer a salué les écrits d’Abu Toha, 32 ans, pour ses « essais sur le carnage physique et émotif à Gaza, alliant rigueur journalistique et intimité du témoignage pour transmettre l’expérience palestinienne de plus d’un an et demi de guerre avec Israël ».
Honest Reporting, qui reproche à Abu Toha d’avoir franchi la ligne de l’antisémitisme dans ses critiques d’Israël, a demandé l’annulation du prix.
« Le prix Pulitzer est la plus haute distinction journalistique. Il ne devrait pas être entaché par l’attribution du prix à un homme qui déforme systématiquement les faits », a déclaré Gil Hoffman, directeur exécutif de Honest Reporting, dans un communiqué. « Abu Toha justifie l’enlèvement de civils chez eux, propage des fake news, et qualifie d’antisémitisme le fait d’allumer une menorah pour Hanoukka. »
Israeli terror soldiers celebrate Hanukkah in occupied Gaza, on the ruins of my city. This is what israel is and this is what true antisemitism looks like. pic.twitter.com/2C8oVd66NK
— Mosab Abu Toha (@MosabAbuToha) December 25, 2024
Selon l’organisation, la rhétorique en ligne d’Abu Toha correspond à la définition de l’antisémitisme établie par l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah (IHRA).
Elle cite notamment des publications dans lesquelles Abu Toha qualifie les soldats israéliens de « soldats terroristes » et compare la campagne militaire d’Israël à Gaza à la Shoah.
Les opposants à la définition de l’IHRA, largement, mais pas universellement, adoptée en Occident, estiment qu’elle est trop vague et qu’elle étouffe toute critique légitime d’Israël.
Abu Toha a également été accusé de relayer la propagande du Hamas, après avoir publié en avril un article sur le bombardement de l’hôpital al-Ahli en novembre 2023. Le groupe terroriste imputé l’explosion à Israël, bien que l’armée israélienne, soutenue par les États-Unis, ait présenté des preuves montrant que l’hôpital avait été touché par une roquette tirée par le groupe terroriste du Jihad islamique palestinien.
Remember when Israel denied its responsibility for the bombing of the Ahli/Baptist Hospital in 10/2023?
Today Israel bombed a building and a power plant minutes after it threatened to bomb.
Another piece of breaking news:
Israel warned that it would carry out another air strike.— Mosab Abu Toha (@MosabAbuToha) April 12, 2025
Un examen sommaire des publications récentes d’Abu Toha sur les réseaux sociaux par le Times of Israel a également révélé plusieurs publications dans lesquelles il accuse Israël d’avoir tué des otages détenus par des groupes terroristes à Gaza, rejette les appels à leur libération, appelle la communauté internationale à agir militairement contre Israël et exhorte activistes et sympathisants à « intensifier » leurs actions contre l’État juif.
Mardi, Abu Toha a indiqué en ligne que son compte Facebook avait été suspendu, avant d’être rapidement rétabli. Un porte-parole de Meta a précisé qu’il s’agissait d’une erreur.
Réagissant en ligne lundi à l’annonce du prix Pulitzer, Abu Toha a publié : « Qu’il soit porteur d’espoir. Qu’il serve de conte », citant un poème de l’écrivain palestinien Refaat Alareer, tué en décembre 2023 lors d’une frappe israélienne à Gaza.
I have just won a Pulitzer Prize for Commentary.
Let it bring hope
Let it be a tale pic.twitter.com/VP6RsPY6vz— Mosab Abu Toha (@MosabAbuToha) May 5, 2025
Il a ensuite énuméré le nom de dizaines de membres de sa famille tués dans des frappes aériennes israéliennes sur Gaza.
La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre avec le pogrom perpétré par les plus de de 5 000 terroristes Hamas dans le sud d’Israël, au cours duquel ils ont assassiné plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils. 251 personnes ont également été kidnappées par les terroristes ce jour-là pour être emmenées en otage à Gaza. Parmi elles, 59 sont toujours captives dans la bande de Gaza, y compris les dépouilles d’au moins 35 personnes dont la mort a été confirmée par Tsahal.
Abu Toha avait été arrêté brièvement par Tsahal en novembre 2023. Son interpellation avait suscité une couverture médiatique internationale, notamment parce qu’il publiait alors dans The New Yorker et d’autres grands titres, décrivant les conséquences de la guerre sur les civils à travers le prisme de son expérience personnelle.