USA : 5 rabbins poursuivent l’État du Missouri pour l’interdiction de l’avortement
Les chefs spirituels de plusieurs congrégations juives se sont joints à une dizaine d'autres sommités religieuses opposées à l’interdiction de l’avortement

Cinq rabbins issus de plusieurs congrégations juives se sont joints à une dizaine de chefs religieux du Missouri opposés à la décision de l’Etat d’interdire l’avortement.
À l’appui de leur plainte, déposée jeudi dernier devant le tribunal de Saint-Louis, ils accusent les législateurs d’avoir agi en fonction de leurs croyances religieuses personnelles, enfreignant le principe de séparation de l’Église et de l’État, protégé par la constitution du Missouri.
« Je suis très fière d’avoir pu ajouter ma voix à cette plainte, contre cette tendance à légiférer sur la base d’opinions religieuses, dans l’Etat du Missouri comme dans le reste du pays », a expliqué la Maharat Rori Picker Neiss, directrice exécutive du Conseil des relations communautaires juives de Saint-Louis et militante de tout premier plan dans la région de Saint-Louis, selon la Jewish Telegraphic Agency.
« C’est extrêmement dangereux pour notre démocratie, pour l’ensemble des citoyens, et particulièrement pour la communauté juive », a-t-elle ajouté.
Les militants juifs sont nombreux à s’opposer aux restrictions à l’avortement imposées depuis l’annulation par la Cour suprême de la jurisprudence « Roe v. Wade » l’an dernier.
En Floride, une synagogue a poursuivi l’État en raison de sa loi sur l’avortement, en juin dernier, estimant que l’interdiction de l’avortement « empêchait les femmes de confession juive de pratiquer leur foi sans ingérence du gouvernement, violait leur droit à la vie privée et leur liberté religieuse ».
En septembre, trois femmes de confession juive se sont jointes à un procès intenté dans l’Indiana, affirmant que l’interdiction de l’avortement enfreignait la loi de l’Etat sur la liberté religieuse.
Enfin en octobre, trois femmes de confession juive ont intenté une action en justice pour lever les limitations à l’avortement prises par le Kentucky, avançant le principe de liberté religieuse et le fait que la loi les privait de la faculté de décider du début de la vie ou de procéder à une fécondation in vitro, conformément aux principes du judaïsme.
Dans le Missouri, les chefs religieux ont rédigé leur plainte avec deux autres partenaires, le National Women’s Law Center et Americans United for Separation of Church and State.
Ils souhaitent revenir sur l’interdiction généralisée de l’avortement, sauf en cas d’urgence médicale.
Rédigée en 2019, la loi n’est entrée en vigueur que suite à la décision de la Cour suprême, en raison d’une clause « contingente ».
Elle rend l’avortement passible de 5 à 15 ans de prison et stipule que ceux qui la pratiquent sont susceptibles d’y laisser leur licence médicale.
« Ce procès dénonce le fait de légiférer en fonction de certaines croyances religieuses, ce qui aboutit à les imposer à l’ensemble de la société, obligée de vivre d’une manière qui heurte ses propres croyances », explique Michelle Banker, directrice des droits reproductifs et de la santé au National Women’s Law Center et avocate des plaignants dans le cadre de cette affaire.
« Cela nous blesse. Et cela viole nos droits humains les plus fondamentaux. »
La plainte cite un certain nombre de formules religieuses utilisées par les promoteurs et partisans du projet de loi, comme celle-ci : « En tant que catholique, je crois que la vie commence dès la conception, ce que traduisent nos conclusions législatives. »
La tradition juive ne repose pas sur la même croyance, ce qui explique la forte mobilisation juive contre la limitation du droit à l’avortement.
Picker Neiss, qui s’est formée dans un environnement orthodoxe, a reçu le soutien de trois rabbins réformés et d’un rabbin non confessionnel, qui travaillent dans les synagogues du Missouri. Il s’agit de James Bennett, Susan Talve, Andrea Goldstein et Douglas Alpert.
Ensemble, ils représentent 40 % des chefs religieux à l’origine de cette plainte.
Après avoir déposé leur plainte, jeudi matin à St. Louis, ils ont donné une conférence de presse avant de marcher en direction des tribunaux civils.
« C’était particulièrement encourageant d’être aux côtés de tant de personnes de traditions religieuses différentes, toutes unies pour affirmer qu’il n’existait pas une réponse religieuse unique à la question de l’avortement », a déclaré Picker Neiss.
« Il n’y a pas une opinion religieuse unique en Amérique. Cela m’a encouragée et inspirée de manifester avec des chefs religieux de toutes confessions. »