USA: Les expats israéliens anti-Netanyahu mobilisent leurs ressources pour aider Israël
Exploitant l'infrastructure existante, les activistes mettent la politique de côté pour aider les soldats et les victimes des atrocités commises par le Hamas
New York Jewish Week – En plein mois de septembre, un groupe d’activistes israéliens avait projeté un message en lettres majuscules sur le siège de l’ONU : « Don’t believe crime minister Netanyahu » (Ne croyez pas Netanyahu ministre du Crime, un jeu de mots avec les termes anglais ‘Prime’ signifiant premier et ‘crime’, crime).
Environ un mois plus tard, le même groupe d’activistes projetait un tout autre message toujours en majuscules sur ce même bâtiment. Mais au lieu de viser le dirigeant israélien, il affichait les photos d’israéliens, jeunes et vieux.
Le texte, placé au-dessus d’une photo montrant une petite fille souriante, disait : « Avigail, 3 ans ». Cette photo était suivie d’autres photos comportant eux aussi la mention du nom et de l’âge de la personne photographiée, dont Ariel, 4 ans, Carmela, 80 ans, et Yaffa, 85 ans. Et sous chacune de ces photos figurait en rouge la légende « Kidnappé par le Hamas ».
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Ces deux campagnes sont l’œuvre de manifestants israéliens expatriés qui ont réussi à se mobiliser et à attirer l’attention du pays sur eux depuis presqu’un an. Ces deux dernières semaines, ils ont réorienté leur action.
Au départ, ces activistes s’étaient regroupés pour protester contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et ses efforts visant à affaiblir le système judiciaire israélien. À cet effet, ils ont organisé des manifestations et chahuté différents responsables israéliens lors de leurs visites dans la ville.
Toutefois, à la suite du massacre meurtrier perpétré par le Hamas le 7 octobre, au cours duquel des terroristes ont tué et blessé des milliers d’Israéliens, pour la plupart des civils, et en ont kidnappé au moins 220, les militants ont réorienté leur action. Depuis, ils utilisent leurs outils et leurs relations pour soutenir l’effort de guerre d’Israël, aider les populations vulnérables et plaider en faveur de la libération des otages.
« Nous pensons tous à nos familles, nous passons des nuits blanches et nous faisons tout ce que nous pouvons », a confié Shany Granot-Lubaton, une activiste israélienne connue à New York qui travaillait auparavant dans le domaine de l’organisation politique progressiste en Israël. Le groupe de protestation qu’elle aide à organiser, UnXeptable, a changé sa devise de « Sauver la démocratie israélienne » à « Sauver Israël ».
« Nous connaissons beaucoup de gens qui ont été massacrés, kidnappés et violés, et ce dans nos cercles les plus proches. Nous avons des enfants – nous étions leurs guides chez les scouts – qui ont été enlevés et tués », précise-t-elle. « En tant qu’Israéliens, le fait d’être loin de chez soi en ce moment est terrible et nous voulons tous essayer de faire ce que nous pouvons pour aider. »
Pour la famille de Granot-Lubaton, comme pour de nombreux Israéliens, la tragédie est personnelle. Son mari, Omer Lubaton-Granot, a appris mercredi dernier que quatre membres de sa famille figuraient parmi les captifs et que deux autres ont été assassinés lors du massacre. Il mène une campagne de sensibilisation en faveur des otages à New York, dans le cadre du Forum des familles d’otages et de disparus, une initiative coordonnée de plus grande envergure, menée en Israël et dans le monde entier. Les Israéliens ont joué un rôle actif dans le projet « Kidnapped in Israel », qui consiste à coller des affiches d’otages dans les rues de la ville.
« Il s’agit d’une famille entière. Nous pensions qu’ils avaient été tués tous les six, puis la famille a réalisé que quatre d’entre eux avaient été kidnappé par le Hamas. Les corps des deux autres ont été identifiés il y a quelques jours », a expliqué Omer Lubaton-Granot au sujet des membres de sa famille captifs, ajoutant que malgré le choc initial et l’horreur de la captivité, c’était un petit soulagement d’apprendre que certains d’entre eux avaient survécu. « Ce n’est pas bien, mais c’est mieux. »
Jusqu’à présent, les activistes disent avoir collecté environ 1,2 million de dollars. Ils ont également envoyé des fournitures aux soldats et aux civils, organisé des rassemblements, fourni des services et créé une communauté pour les Israéliens se trouvant aux États-Unis, et organisé des actions visant la libération des otages détenus par le Hamas.
La mobilisation des manifestants à New York et dans d’autres villes internationales est parallèle à l’approche du mouvement de protestation en Israël, qui a fait descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues au début de l’année pour protester contre la réforme du système judiciaire. Depuis le 7 octobre, le mouvement a mis de côté cette lutte pour se concentrer sur le travail d’aide – fournir des services et des fournitures à ceux qui sont dans le besoin. Granot-Lubaton a déclaré que son groupe basé à New York et d’autres aux États-Unis, qui se coordonnent avec les groupes israéliens, sont des « auxiliaires » de leurs efforts. Les organisations juives américaines ont également été des partenaires essentiels.
Les expatriés israéliens ont créé des branches du mouvement de protestation dans des dizaines de villes en Amérique du Nord et ont appris à naviguer dans le paysage complexe des organisations juives américaines et à nouer des liens avec nombre de ces groupes – des liens qui se sont avérés cruciaux pour lancer rapidement une importante opération de secours aux États-Unis.
« La conversion a été très facile parce que nous sommes expérimentés dans la mobilisation et la sensibilisation du public », a indiqué Lubaton-Granot. « Tout comme nous avons de l’expérience dans l’organisation d’événements et la collecte de fonds ».
Dans le cadre d’une opération d’aide qui a commencé dès le début de la guerre, les manifestants basés aux États-Unis ont envoyé quatre tonnes de fournitures aux soldats israéliens qui manquaient d’équipements essentiels alors que l’armée avait fait appel à 300 000 réservistes.
Tali Reiner Brodetzki, activiste israélienne installée à Philadelphie, s’est inspirée des partisans de l’effort de guerre ukrainien qui avaient organisé des « listes de souhaits » sur Amazon à la suite de l’invasion russe de l’année dernière. Elle a demandé à ses collègues d’un groupe de protestation d’anciens combattants israéliens, Frères et sœurs d’armes, de lui dire ce dont les soldats avaient besoin, et a lancé sa propre liste de souhaits.
Les volontaires ont répondu en achetant 80 000 lampes de poche, 100 000 T-shirts vert olive, des chaussettes, des gilets pare-balles en céramique, des garrots et des pansements pour les blessures traumatiques. Le matériel a été envoyé à la maison d’un bénévole à Long Island, près de l’aéroport John F. Kennedy, emballé dans des sacs de sport et expédié comme bagage en excédent de poids sur les vols d’El Al. Des militants de l’association Frères et sœurs en armes ont récupéré le matériel à l’aéroport de Ben Gurion et l’ont distribué aux troupes.
« Nous avons reçu un appel d’une mère très touchée » après que son fils a été blessé par balle, raconte Granot-Lubaton, qui a participé à cette initiative. « Il est à l’hôpital et a reçu une balle, mais le gilet que nous avons envoyé lui a sauvé la vie. »
De nombreux Israéliens qui vivent à New York et à travers les États-Unis ont pris l’avion pour Israël afin de combattre dans les réserves, et certains de ces réservistes – en plus des secouristes – sont arrivés sur des vols organisés par une section d’UnXeptable dans la région de San Francisco, dirigée par l’activiste Offir Gutelzon. Certaines familles israéliennes venues passer leurs vacances aux États-Unis ont choisi d’y rester jusqu’à ce que la situation se calme. Les militants contribuent à l’organisation de programmes pour les enfants des réservistes et des personnes se trouvant temporairement aux États-Unis, en aidant les nouveaux arrivants à être admis dans des écoles juives et en demandant aux restaurants casher de contribuer à l’effort en livrant de la nourriture à ces familles.
L’un des principaux moyens de communication utilisés par les groupes de protestation pour contacter et mobiliser leurs partisans est l’utilisation des groupes WhatsApp. Ces groupes se sont révélés essentiels pour rassembler un soutien massif depuis deux semaines.
Une femme enceinte de huit mois lorsque son mari a rejoint les unités de réserve s’est retrouvée seule dans la ville. Elle a pu bénéficier d’une assurance maladie et d’autres formes de soutien grâce au réseau d’activistes. Une demande récente de psychologues parlant hébreu à New York et capables de traiter les traumatismes a également donné lieu à une longue liste de recommandations. Certains Israéliens bloqués dans la ville ont pu trouver un logement temporaire gratuit.
Quelques-uns des programmes des activistes tentent de rassembler les Israéliens, enfants et parents, durant les week-ends. Un événement organisé le 14 octobre au centre communautaire juif de Manhattan a attiré plus de 300 personnes, et un concert de David Broza a attiré dimanche des centaines de personnes à Bnai Jeshurun, une synagogue de l’Upper West Side.
De nombreux Israéliens disent ne pas se sentir à leur place à New York, où la vie continue normalement, malgré les traumatismes et les épreuves subis dans leur pays. « Les communautés juives israélienne et américaine ont réagi différemment à la guerre », a constaté Granot-Lubaton.
« Les Juifs américains parlent de la guerre comme d’une chose effrayante, ils organisent des cérémonies, allument des bougies, mais les enfants israéliens, eux la vivent en direct, parce que leurs pères sont là-bas et qu’ils ont peur pour eux, ce qui fait que notre façon d’en parler est très différente », explique-t-elle.
Maintenant que les besoins immédiats des troupes ont été en grande partie satisfaits, les activistes espèrent aider les communautés du sud d’Israël qui ont été les plus durement touchées par les atrocités du Hamas, notamment en contribuant au financement des services de santé mentale. Les organisateurs espèrent également soutenir l’économie israélienne, qui a également été durement touchée par la guerre, en achetant des fournitures d’aide à des magasins locaux plutôt qu’à des fournisseurs américains. Cet effort d’aide s’inscrit dans le cadre d’une campagne de collecte de fonds juive américaine qui a permis d’envoyer des centaines de millions à Israël depuis le 7 octobre.
La guerre a également créé de nouveaux liens entre activistes israéliens et juifs américains, dont un certain nombre était opposé à leurs précédentes manifestations antigouvernementales. Reiner Brodetzki, un activiste de Philadelphie, a déclaré qu’un groupe de juifs religieux opposés au mouvement de protestation était passé chez elle pour emprunter ses drapeaux israéliens et ses mégaphones afin de les utiliser lors de leur propre manifestation pro-israélienne.
« C’est incroyable de voir que des gens qui ne voulaient pas nous parler auparavant et qui critiquaient fortement le fait que nous manifestions en dehors d’Israël contre le gouvernement israélien, veulent aujourd’hui coopérer avec nous », a déclaré Reiner Brodetzki. « Ils comprennent que nous aimons Israël, que nous le soutenons et que nous menons ce combat tous ensemble. »
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