Vers un allègement du boycott israélien du parti d’extrême droite autrichien ?
Netanyahu a couvert d'éloges Kurz, disant que Jérusalem va "intensifier" les contacts avec Vienne malgré l'interdiction posée sur la ministre affiliée au parti de la Liberté

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré lundi au chancelier autrichien Sebastian Kurz, en visite au sein de l’Etat juif, qu’Israël espère renforcer ses contacts avec Vienne, couvrant d’éloges son homologue et semblant signaler un dégel du boycott d’un parti de coalition d’extrême-droite par Jérusalem, accusé d’entretenir des liens avec les néo-nazis.
Netanyahu a remercié Kurz pour son soutien ardent apporté à Israël et son engagement à lutter contre l’antisémitisme européen, qualifiant le leader autrichien de « véritable ami d’Israël et du peuple Juif », et Kurz a juré pour sa part de « sensibiliser » aux besoins particuliers en termes de sécurité de l’Etat juif en Europe.
Au cours de la rencontre, Netanyahu a expliqué que le directeur-général du ministère des Affaires étrangères Yuval Rotem avait reçu l’instruction « d’intensifier les contacts » avec son homologue de Vienne, un changement dans la politique mise en place par Jérusalem qui était d’entretenir des interactions minimalistes avec l’instance en raison de ses liens avec l’extrême-droite autrichienne.
Le gouvernement dirigé par Kurz inclut le parti de la Liberté d’extrême-droite, boycotté par Israël en raison de son passé où il avait servi de refuge pour les nazis et de ses politiques xénophobes actuelles.
Les Juifs autrichiens sont pour leur part fermement opposés à cette formation – connue sous son acronyme allemand, FPO – affirmant qu’elle n’a pas suffisamment agi pour s’écarter de son passé antisémite et qu’elle continue à promouvoir des positionnements problématiques.
Depuis l’ascension du FPO au Parlement, lors des élections autrichiennes de 2017, Israël a maintenu une politique de contacts officiels avec le parti au niveau du service civil exclusivement, évitant toute interaction avec la ministre des Affaires étrangères Karin Kneissl, affilée au parti de la Liberté (dont elle n’est pas formellement membre).
Netanyahu avait précédemment donné pour instruction à Rotem d’examiner la manière dont Israël pourrait interagir avec Vienne au vu de l’ascension de la formation d’extrême-droite.
L’un des objectifs de la visite de Kurz, au cours de son voyage en Israël, aurait été de faire pression en faveur d’une fin du boycott du FPO.
Lors d’une réception qui a eu lieu au bureau du Premier ministre, Netanyahu a évoqué un discours prononcé au début de l’année par Kurz dans lequel il reconnaissait que les Autrichiens n’avaient pas seulement été des victimes de l’Allemagne nazie mais également des « auteurs ».
« Ce sont des mots courageux et audacieux et je pense qu’ils tracent la voie que vous suivez en Autriche, une voie que je soutiens vivement, vivement », a-t-il dit.
Netanyahu a salué Kurz pour sa volonté déclarée de soulever les inquiétudes de l’Etat juif auprès de l’UE, disant que Jérusalem a le sentiment que Bruxelles échoue parfois à les prendre en considération.
« C’est un souffle d’air frais. Et c’est cela, le leadership », a dit Netanyahu du chancelier âgé de 31 ans.
Le Premier ministre a également fait l’éloge de Kurz qui s’est rendu dimanche au mur Occidental, disant qu’il espérait que d’autres chefs européens « suivront votre exemple important ».
Dans son allocution, Kurz a promis de se faire l’avocat d’Israël en Europe et a répété son engagement à éradiquer l’antisémitisme malgré son alliance avec le FPO.
#Austria has in light of its history a special responsibility towards #Israel and the Jewish people. I assured Bibi @netanyahu that Austria will fight all forms of #antisemitism in #Europe with determination and supports the state of Israel as well as its #security needs. 2/3
— Sebastian Kurz (@sebastiankurz) June 11, 2018
« Nous tenterons d’éveiller les consciences en Europe sur la situation spéciale et les besoins de sécurité particuliers d’Israël », a dit Kurz.
L’Autriche prendra la présidence de l’Union européenne le 1er juillet.
« Nous, Autrichiens, savons à la lumière de notre propre histoire que nous avons une responsabilité envers Israël et le peuple juif », a dit Kurz. « Je peux vous assurer que l’Autriche combattra toutes les formes d’antisémitisme en Europe avec détermination, qu’il s’agisse d’un antisémitisme qui existe déjà ou d’un autre, qui a été récemment importé ».
« Nous savons également que notre responsabilité ne s’arrête pas à nos frontières et nous soutenons l’Etat d’Israël tout comme votre situation sécuritaire », a ajouté Kurz, qui a noté que « les voisins d’Israël ne sont pas comme les nôtres, le Liechtenstein ou die Schweiz [Suisse]. A ce moment de son discours, Netanyahu a demandé en plaisantant si Israël et l’Autriche pouvaient échanger leurs voisins pendant quelques semaines, ce à quoi Kurz a répondu : « Pas sûr, pas sûr ».
« En quête d’un contact amical avec Israël »
Le FPO est le membre junior de la coalition au pouvoir en Autriche, et il est au gouvernement aux côtés du parti de centre-droit de Kurz, le parti du Peuple.
Fondé en 1956, il avait émargé de la Fédération des Indépendants – qui avait rapidement disparu – lancée après la Seconde Guerre mondiale par d’anciens nazis qui avaient été démis de leur droit de vote. Son premier chef avait été un ex-officier des Waffen SS et le dernier avait été Joerg Haider, fils controversé d’un ancien responsable du parti nazi.

Haider s’était attiré une publicité négative en saluant la politique de l’emploi « ordonnée du Troisième reich, il avait qualifié les vétérans SS de « dignes » et décrit les camps de concentration comme des « camps punitifs ». Il était mort dans un accident de voiture en 2008.
Sous la direction du leader actuel du FPO, Heinz-Christian Strache Strache, qui est aujourd’hui le vice-chancelier autrichien, le parti a pris des initiatives pour se distancer des perspectives pro-nazies et il a adopté un positionnement fortement favorable à Israël.
Au mois de décembre, Strache avait dit que Vienne était « en quête d’un contact honnête, durable et amical avec Israël » et il avait promis que sa formation d’extrême-droite serait « un partenaire essentiel dans la lutte contre l’antisémitisme en Europe ».