Washington met en place un canal pour évoquer avec Israël les victimes civiles de Gaza
Selon un responsable américain, Blinken a récemment dit aux dirigeants israéliens que les États-Unis avaient besoin de « réponses » aux frappes signalées
WASHINGTON – Les Etats-Unis ont créé un canal de communication avec Israël pour évoquer les cas de civils tués ou blessés par l’armée israélienne à Gaza ainsi que les installations civiles prises pour cibles, ont déclaré à Reuters deux responsables américains proches du dossier.
Ce canal a été mis en place à l’issue d’une réunion, ce mois-ci, entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le cabinet de guerre israélien, au cours de laquelle Blinken a exprimé son inquiétude face aux informations « ininterrompues » de frappes israéliennes sur des sites humanitaires ou ayant entraîné la mort d’un grand nombre de civils.
Au cours de cette réunion, Blinken a déclaré au Premier ministre Benjamin Netanyahu, au ministre de la Défense Yoav Gallant et au ministre Benny Gantz que Washington avait besoin d’avoir « des réponses » sur ces frappes, au besoin d’un « canal fiable » par lequel les États-Unis pourraient évoquer ces questions avec les Israéliens, a expliqué l’un des responsables américains.
Cette initiative n’avait pas encore été signalée et les responsables américains ont demandé l’anonymat pour évoquer les détails qui l’entourent.
Ce canal a vocation à répondre aux pressions incessantes sur l’administration Biden au sujet des morts palestiniens alors qu’Israël est en guerre contre le Hamas, depuis l’attaque dévastatrice menée par l’organisation terroriste au pouvoir à Gaza le 7 octobre dernier, au cours de laquelle près de 1 200 personnes ont été tuées – essentiellement des civils – et 253 prises en otage.
Suite à cette attaque, Israël a déclaré la guerre au Hamas et s’est lancée dans une offensive pour le chasser du pouvoir et récupérer ses otages.
Selon le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas à Gaza, plus de 25 000 Palestiniens de la bande de Gaza ont été tués depuis le 7 octobre 2023. Ce chiffre non vérifié ne fait pas le distinguo entre terroristes et non-combattants et pourrait comprendre les civils tués par des roquettes lancées par des organisations terroristes à Gaza. Pour sa part, l’armée israélienne affirme avoir tué près de 10 000 membres du Hamas à Gaza, en plus du millier de terroristes tués en territoire israélien le 7 octobre.
La création de ce canal est également le signe de la déception de Washington envers Israël face à la situation humanitaire à Gaza, alors que les États-Unis demandent une intensification de l’aide humanitaire de façon à alléger les souffrances de la population civile.
A travers ce canal, qui fonctionne depuis quelques semaines, Washington parle avec les Israéliens de certains « incidents particulièrement préoccupants » liés à la campagne militaire d’Israël à Gaza, a précisé un autre responsable américain, et les Israéliens enquêtent et informent les Américains.
Les Israéliens transmettent des informations complémentaires sur des incidents et font parfois amende honorable, admettant « une erreur », ont déclaré les responsables, sans plus de précisions.
Les États-Unis ont mis en place ce canal pour favoriser la responsabilisation d’Israël, a déclaré l’un des responsables. On ignore à ce stade quelles mesures Washington pourrait prendre contre Israël, le cas échéant.
Le porte-parole du Département d’État a refusé de s’exprimer sur cette question mais a déclaré que Washington considérait qu’Israël avait le devoir de protéger les infrastructures humanitaires et de prendre toutes les précautions pour limiter les pertes civiles.
« Lorsque nous avons des informations faisant état d’incidents qui soulèvent des inquiétudes, nous en parlons maintenant directement avec le gouvernement israélien pour obtenir plus d’informations », a déclaré le porte-parole.
Ce canal est opéré par des diplomates de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, le bureau régional Du département d’État chargé du Moyen-Orient et l’envoyé spécial du président américain Joe Biden pour les questions humanitaires de la région, David Satterfield, ont précisé les responsables.
Très récemment, les États-Unis ont utilisé ce canal pour obtenir des informations complémentaires sur ce que les Nations Unies ont présenté, mercredi, comme une attaque de chars israéliens contre l’un de leurs complexes à Gaza, abritant des Palestiniens déplacés. On ignore de quelle manière Israël a réagi, ont déclaré des responsables.
A ce jour, l’administration Biden s’abstient de critiquer ouvertement Israël sur la question du nombre de morts palestiniennes, même si de hauts conseillers de Biden ont pu déclarer qu’un « trop grand nombre » de Palestiniens avaient été tués en raison du conflit.
Le porte-parole adjoint du Département d’État, Vedant Patel, a déclaré mercredi que toute mort de civil était « un déchirement », mais qu’il ne s’agissait pas d’une opération américaine et qu’il appartenait à l’armée israélienne d’enquêter sur « les accusations crédibles de violations du droit de la guerre ».