Yinon Magal sur le meurtre de Rabin : « La violence naît du silence »
Le journaliste de droite de la Quatorzième chaîne, critiqué pour ses justifications des motivations d'Yigal Amir qui a assassiné le Premier ministre en 1995
Pour la deuxième fois en un mois, un présentateur de télévision de la chaîne de droite, la Quatorzième chaîne, a fait l’objet de critiques pour avoir exprimé sa sympathie à l’égard de l’assassin de l’ancien premier ministre Yitzhak Rabin, au cours d’une émission diffusée en direct à une heure de grande écoute, mercredi soir.
Les propos ont été tenus lors d’une discussion sur le programme à succès « The Patriots », qui portait sur les protocoles récemment déclassifiés de la réunion du cabinet de 1993 au cours de laquelle Rabin et les ministres de son gouvernement ont approuvé la première partie des accords d’Oslo avec les Palestiniens.
Ces protocoles ont révélé que les ministres avaient de sérieuses réserves en matière de sécurité et que Rabin avait parlé « d’éléments radicaux » parmi les Israéliens, déterminés à faire échouer l’accord, préfigurant son propre assassinat deux ans plus tard par Yigal Amir, un extrémiste de droite juif condamné à la prison à perpétuité.
Dans l’émission de la Quatorzième chaîne, le présentateur Yinon Magal – un ancien membre de la Knesset et l’une des personnalités les plus en vue de la chaîne, par ailleurs fervent partisan du Premier ministre Benjamin Netanyahu – a fustigé Oslo et Rabin, et affirmé que l’opposition de droite, dirigée à l’époque par Netanyahu, avait été réduite au silence.
« Rabin a créé un désastre, Oslo a été un désastre », a affirmé Magal. « À l’époque, j’ai parlé avec Yigal Amir en prison, j’ai eu des conversations avec lui. Je ne crois pas tout ce que dit Yigal Amir, mais l’une des choses qu’il m’a dites est : ‘Je l’ai fait parce que la voix de la droite n’était pas entendue’ ».
Vers le milieu des années 1990, la droite a organisé une série de manifestations de masse contre le gouvernement, affirmant que les accords d’Oslo étaient un désastre sur le plan de la sécurité et qu’ils donnaient aux Palestiniens des armes qu’ils utiliseraient contre Israël.
Dans les années qui ont suivi, les attentats terroristes palestiniens se sont multipliés, causant la mort de centaines d’Israéliens et alimentant les tensions internes et l’incitation à la violence, qui se sont intensifiées et ont culminé avec l’assassinat de Rabin en novembre 1995.
« Comprenez – à chaque fois qu’ils veulent nous faire taire… quand les gens sont privés de parole, c’est la violence qui éclate. On ne pouvait pas critiquer Oslo. Les critiques de la droite n’étaient pas admises », a déclaré Magal, qui a ainsi semblé proposer une justification à l’assassinat de Rabin.
Face aux contestations de l’un des invités, Magal a ajouté : « Il s’agit d’un assassinat terrible et violent qui a affecté tout l’État d’Israël, mais nous ne pouvons pas nier le fait qu’un camp [politique] entier a été réduit au silence, ce qui a finalement conduit à la violence. À mon avis, on ne peut pas séparer ces deux choses ».
En réponse, Mossi Raz, ancien législateur de gauche et invité régulier de l’émission « The Patriots », a annoncé qu’il n’apparaîtrait plus sur le plateau de la Quatorzième chaîne.
« Les propos tenus hier par Yinon Magal sont scandaleux », a publié jeudi Mossi Raz sur X, anciennement Twitter. « Je déciderai si et quand je reprendrai mes apparitions sur la chaîne en fonction de son comportement futur ».
La Quatorzième chaîne, un réseau conservateur parfois comparé à Fox News aux États-Unis, a été mêlée à une controverse similaire il y a un mois, lorsque le panéliste de l’émission « The Patriots », Ari Shamai, a appelé à la libération d’Amir.
Les propos de Shamai portaient sur la décision de la Haute Cour selon laquelle une loi récemment adoptée par la Knesset avait été spécifiquement conçue pour bénéficier à un proche collaborateur du chef du Shas, Aryeh Deri. La Cour avait statué que la loi, qui abolit la période de réflexion pour un maire intérimaire avant qu’il ne puisse se présenter pour un nouveau mandat, ne devrait entrer en vigueur qu’après les prochaines élections locales en octobre.
« Je suis heureux d’entendre une déclaration selon laquelle la Haute Cour de justice et la Cour suprême sont opposées aux lois personnelles. Si c’est le cas, le moment est venu de libérer l’assassin Yigal Amir parce qu’il existe des lois personnelles contre lui », a affirmé Shamai, dont les propos ont été opposés par les autres membres du panel, mais applaudi par le public du studio de l’émission. L’animateur Yinon Magal a déclaré : « Nous n’allons pas entrer dans ce débat ».
Shamai semblait faire référence à une loi adoptée en 2001, communément appelée « la loi Yigal Amir », qui interdit aux commissions de libération conditionnelle de gracier ou de commuer la peine d’un prisonnier condamné pour le meurtre d’un Premier ministre pour des raisons politiques.
Cet incident a incité le géant israélien de l’alimentation Strauss et deux autres sociétés à cesser de faire de la publicité sur la Quatorzième chaîne.