Un avocat écarté de la 14e chaîne après avoir appelé à la libération d’Yigal Amir
Ari Shamai a affirmé que l'assassin d'Yitzhak Rabin, en réclusion à perpétuité, devrait être libéré ; la Quatorzième chaîne a déclaré qu'il ne sera plus invité
Un intervenant d’une émission d’information télévisée populaire de la Quatorzième chaîne, une chaîne conservatrice pro-Netanyahu parfois comparée à Fox News, a appelé dimanche à la libération d’Yigal Amir, l’extrémiste de droite qui purge une peine de prison à vie pour avoir assassiné le Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995.
Ari Shamai, avocat, s’est exprimé dans le cadre d’une discussion sur l’émission « The Patriots », au sujet de l’arrêt rendu dimanche par la Haute Cour, selon lequel une loi récemment adoptée par la Knesset a été spécifiquement conçue pour permettre à Boaz Yosef, maire par intérim de Tibériade et proche du président du parti Shas, Aryeh Deri, de briguer un mandat, et ne doit donc entrer en vigueur qu’après les élections municipales du 31 octobre.
« Je suis heureux d’entendre une déclaration selon laquelle la Haute Cour de justice et la Cour suprême sont opposées aux lois personnelles. Si c’est le cas, le moment est venu de libérer l’assassin Yigal Amir parce qu’il existe des lois personnelles contre lui », a affirmé Shamai, qui a représenté l’assassin dans le passé.
Ce commentaire a été applaudi par certains membres du public, mais d’autres membres du panel s’y sont opposés. « Nous n’allons pas entrer dans ce débat, » a déclaré l’animateur Yinon Magal.
La Quatorzième chaîne a rapidement désavoué la remarque de Shamai et a déclaré qu’il ne serait plus invité à l’émission ni sur la chaîne.
« Les graves remarques d’Ari Shamai ne représentent que son point de vue. Compte tenu de la gravité de la question, Shamai ne sera plus invité à participer aux programmes de la chaîne », a déclaré la chaîne dans un communiqué.
בהמשך לדברים החמורים שאמר ארי שמאי – מערוץ עכשיו 14 נמסר: הדברים החמורים שאמר ארי שמאי משקפים את דעתו בלבד. לאור חומרת הדברים, מר שמאי לא יוזמן יותר להופיע בתכניות הערוץ pic.twitter.com/cgbeuN7kxl
— לירי בורק שביט (@lirishavit) July 30, 2023
Rabin a été assassiné le 4 novembre 1995 par Yigal Amir, un Juif extrémiste qui a déclaré avoir été motivé par les résultats des élections en Israël et par le massacre de 29 Palestiniens perpétré par le terroriste juif Baruch Goldstein à Hébron en 1994 (L’actuel ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir avait accroché une photo de Goldstein dans son salon – il l’a depuis retirée car cela portait préjudice à sa carrière politique nationale). Rabin avait pris le pouvoir à la tête du parti travailliste Avoda après les élections de 1992 et avait signé les accords d’Oslo.
Amir a abattu Rabin à la fin d’un grand rassemblement pacifiste à Tel Aviv, destiné à mettre en évidence l’opposition à la violence et à montrer le soutien du public à ses efforts de négociation avec les Palestiniens.
En 2001, la Knesset a adopté la « loi Yigal Amir », qui interdit aux commissions de libération conditionnelle de gracier ou de commuer la peine d’un prisonnier condamné pour le meurtre d’un Premier ministre pour des raisons politiques.
Yigal Amir tente depuis longtemps de faire appel de cette loi devant la Haute Cour.
Deux ministres d’extrême droite composant l’actuelle coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont tenu des propos qui semblent favorables à Amir.
L’année dernière, Bezalel Smotrich, chef du parti HaTzionout HaDatit et actuel ministre des Finances, a suscité l’indignation lors d’un événement commémoratif en déclarant que la responsabilité de l’assassinat incombait à l’agence de sécurité israélienne du Shin Bet, affirmant que ce dernier avait eu recours à des « manipulations » qui avaient encouragé un extrémiste de droite à aller jusqu’au bout de son projet de meurtre. Il a assuré que la rhétorique sanglante de la droite à l’encontre de Rabin à l’époque n’avait joué aucun rôle dans l’incitation au meurtre.
« Ceux qui ont échoué dans la protection du Premier ministre Yitzhak Rabin », a estimé Smotrich, « ce ne sont pas les gens de droite, les sionistes religieux et les résidents d’implantations qui ont à juste titre décrié les politiques de son gouvernement – ce sont les services de sécurité, qui non seulement n’ont pas réussi à le protéger, mais ont également recouru à des manipulations irresponsables, qui n’ont pas encore été entièrement dévoilées à ce jour, pour encourager le meurtrier à mettre son plan à exécution ».
Les remarques de Smotrich faisaient référence à l’agent provocateur du Shin Bet, Avishai Raviv, connu sous le nom de code « Champagne », qui a rejoint les rangs des extrémistes de droite avant l’assassinat de Rabin et a été inculpé – puis acquitté – pour avoir prétendument eu connaissance de l’intention d’Amir de tuer Rabin et n’avoir pas réussi à l’en empêcher.
Amir a déclaré aux interrogateurs après l’assassinat que le Shin Bet « ne savait rien » de ses plans avant le meurtre. « Le Shin Bet n’aurait jamais pu être alerté. Le Shin Bet ne savait rien du tout à mon sujet », a déclaré l’assassin aux enquêteurs après le meurtre.
« Personne autour de moi ne pensait que j’étais capable de faire une chose pareille. Même aujourd’hui, les gens sont sous le choc », a déclaré Amir lors de la commission Shamgar, l’enquête officielle sur l’assassinat de Rabin, selon les enregistrements.
Le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, actuellement ministre de la Sécurité nationale, a attiré l’attention du pays pour la première fois lorsqu’il a été interviewé après avoir réussi à voler l’insigne du véhicule de Rabin. « Nous avons atteint sa voiture et nous l’atteindrons lui aussi », a déclaré Ben Gvir, 18 ans, quelques semaines avant l’assassinat de 1995.
Ben Gvir soutient que la séquence vidéo a été coupée de manière à ne pas inclure la partie suivante, où on lui demande ce qu’il ferait s’il parvenait à atteindre Rabin en personne, ce à quoi le jeune militant d’extrême droite aurait répondu : « Je lui crierais dessus ».
Mais Ben Gvir a continué à faire campagne pour la libération d’Amir et, lors de campagnes électorales précédentes, il a promis de gracier Amir s’il était élu.
Au début du mois, des centaines d’anciens agents du Shin Bet, y compris des chefs du service de sécurité à la retraite, ont envoyé une lettre à Netanyahu, l’accusant de promouvoir des théories conspirationnistes concernant la préparation de l’assassinat de 1995.
Dans cette missive, envoyée le mois dernier, les anciens agents dénoncent Netanyahu pour avoir accusé le Shin Bet d’avoir participé à l’incitation à la violence contre Rabin dans la période précédant l’assassinat en 1995, et lui demandent de revenir sur ses déclarations à ce sujet, publiées dans une autobiographie récente.
Dans son livre intitulé Bibi: My Story, publié à l’automne dernier, Netanyahu détaille sa carrière militaire et politique. Il y affirme que Raviv, l’agent provocateur d’extrême droite, était chargé d’inciter les gens de droite à s’opposer à Rabin, en utilisant des affiches imprimées par le Shin Bet.
Netanyahu fait spécifiquement référence à une manifestation qui s’est tenue à Jérusalem un mois avant l’assassinat de Rabin, au cours de laquelle ce dernier s’est exprimé depuis un balcon de la place Sion, tandis que des manifestants brandissaient des affiches montrant Rabin vêtu d’un uniforme nazi.
Cette manifestation a été considérée comme l’un des événements clés au cours desquels le niveau d’incitation à la violence a atteint son paroxysme dans la période précédant l’assassinat de Rabin.
La lettre des chefs du Shin Bet indique que le livre de Netanyahu contient « des mensonges et des distorsions » et affirme que ses affirmations « portent atteinte à la légitimité des services secrets et nuisent à la sécurité nationale ».
Netanyahu a été élu pour son premier mandat au lendemain de l’assassinat de Rabin.