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Le meurtrier de Rabin contredit Smotrich : « le Shin Bet ne savait rien de mes plans »

Après que le législateur d'extrême droite a accusé les services de sécurité de l'assassinat de l'ancien Premier ministre en 1995, la télévision a diffusé des extraits de l'enquête

Yigal Amir, condamné pour l'assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, lors d'une audience au tribunal de Tel Aviv, le 1er novembre 2007. (Crédit : Ariel Schalit/AP)
Yigal Amir, condamné pour l'assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, lors d'une audience au tribunal de Tel Aviv, le 1er novembre 2007. (Crédit : Ariel Schalit/AP)

Yigal Amir, l’extrémiste juif qui a assassiné l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, a déclaré aux interrogateurs que le service de sécurité intérieure du Shin Bet « ne savait rien » de ses plans avant le meurtre, contredisant ainsi les allégations du chef du parti HaTzionout HaDatit Bezalel Smotrich, qui a suscité l’indignation dimanche en accusant le Shin Bet d’être responsable du meurtre.

Face au tollé provoqué par le discours du législateur de droite, la Douzième chaîne a diffusé lundi d’anciens extraits du témoignage d’Amir recueilli après le meurtre, qui semblent réfuter l’affirmation de Smotrich.

« Le Shin Bet n’aurait jamais pu être alerté. Le Shin Bet ne savait rien du tout de moi », a déclaré l’assassin aux enquêteurs après le meurtre.

« Ils savaient que j’organisais des Shabbat et tout, mais ils n’auraient jamais pu savoir que je ferais quelque chose comme ça », a déclaré Amir.

Smotrich a été accusé par ses détracteurs de promouvoir des théories du complot dans son discours de dimanche à la Knesset, lors d’une cérémonie marquant les 27 ans de l’assassinat du 4 novembre 1995.

Smotrich a affirmé que la rhétorique de droite contre Rabin à l’époque était justifiée et n’a joué qu’un rôle minime dans l’incitation à son meurtre. Il a affirmé que le Shin Bet, qui est chargé de protéger les hommes politiques, était responsable.

« Ceux qui n’ont pas réussi à protéger le Premier ministre Yitzhak Rabin », a déclaré Smotrich sous les huées, « ce ne sont pas les gens de droite, les sionistes religieux et les résidents d’implantations qui ont, à juste titre, décrié la politique de son gouvernement – ce sont les services de sécurité, qui non seulement n’ont pas réussi à le protéger, mais qui ont également eu recours à des manipulations irresponsables, qui n’ont pas été entièrement dévoilées à ce jour, pour encourager le meurtrier à mettre son plan à exécution ».

Le chef du parti HaTzionout HaDatit Bezalel Smotrich prennant la parole à la Knesset lors d’une cérémonie commémorative marquant les 27 ans de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, à Jérusalem, le 6 novembre 2022. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Mais les paroles d’Amir contredisent ces propos.

« Personne autour de moi ne pensait que j’étais capable de faire quelque chose comme ça. Même aujourd’hui, les gens sont sous le choc », a déclaré Amir à la Commission Shamgar, chargée de mener l’enquête officielle sur l’assassinat de Rabin, selon les enregistrements.

Amir a déclaré qu’il avait été incité à tuer Rabin au vu des résultats des élections en Israël et du massacre de 29 Palestiniens par le terroriste juif Baruch Goldstein à Hébron en 1994 – dont le collègue de Smotrich, Itamar Ben Gvir avait fièrement accroché un portrait dans son salon. Rabin avait pris le pouvoir à la tête de son parti travailliste à la suite des élections de 1992.

« Après les élections précédentes, la situation dans le pays m’a vraiment perturbé. Surtout après [le massacre perpétré par] Goldstein, cela a commencé. L’idée m’est alors venue que je devais le faire tomber », a déclaré Amir aux enquêteurs, en faisant référence à Rabin.

Dans son discours au plénum, Smotrich n’a pas développé l’accusation portée contre le Shin Bet, qui tourne autour de l’agent provocateur du Shin Bet, Avishai Raviv, nom de code « Champagne », qui a rejoint les rangs des extrémistes de droite avant le meurtre de Rabin et a été inculpé – puis acquitté – pour avoir prétendument été au courant de l’intention d’Amir de tuer Rabin et ne pas avoir empêché cela.

Avishai Raviv, un ancien agent du Shin Bet, le 25 juillet 2002. (Flash90)

Amir a déclaré au cours de l’enquête qu’il connaissait Raviv et que l’agent avait discuté de l’assassinat de Rabin, mais que Raviv inspirait peu confiance à Kiryat Arba, l’implantation juive située près de Hébron.

Amir a ajouté que Raviv n’était « pas une personne que les gens écoutent ».

« Après Goldstein, il a déménagé pour vivre à Kiryat Arba, et alors les gens sont venus me voir et m’ont dit qu’il était du Shin Bet, qu’il travaillait avec le Shin Bet », a déclaré Amir. « Ces rumeurs se sont propagées à Kiryat Arba, au moment où Avishai Raviv… quand il est arrivé là, juste après Goldstein ».

« C’était le chaos, le Shin Bet a arrêté des gens, tout le monde se dénonçait mutuellement. Puis il a commencé à y avoir des soupçons sur Avishai Raviv, qu’il se déplaçait dans une voiture avec un téléphone, les gens m’ont dit de ne pas me lier d’amitié avec lui », a déclaré Amir.

Une section confidentielle du rapport de 1996 de la Commission Shamgar, l’enquête officielle de l’État sur l’assassinat de Rabin, comprenait des détails sur le Shin Bet et Raviv en relation avec le meurtre.

Raviv a affirmé que, bien qu’il ait entendu Amir déclarer que Rabin méritait d’être tué en invoquant le principe talmudique de din rodef, il ne pensait pas qu’il s’agissait d’une intention sérieuse.

Le Premier ministre Yitzhak Rabin à Washington, DC, le 16 novembre 1993. (Crédit : AP Photo/Charles Tasnadi)

Amichai Ataeli, un journaliste de Yedioth Ahronoth qui a interviewé longuement Amir en prison pendant des années, a déclaré lundi à la Douzième chaîne qu’Amir « méprisait largement » Raviv, qu’Amir et son entourage considéraient que Raviv n’était pas « tout à fait cuit » et n’était pas digne de confiance, et « qu’ils soupçonnaient qu’il était manipulé par le Shin Bet ». Quant à la suggestion spécifique de Smotrich, dimanche, selon laquelle Raviv avait poussé Amir à commettre l’assassinat, Ataeli a dit « ne pas le voir de cette façon ».

Les critiques contre Smotrich ont émané à la fois de membres du gouvernement sortant et d’au moins un député allié à la future coalition du leader du Likud Benjamin Netanyahu, qui devrait inclure Smotrich et d’autres législateurs d’extrême droite.

Avi Dichter, un député du Likud qui a dirigé le Shin Bet de 2000 à 2005, a déclaré qu’il condamnait pleinement les remarques de Smotrich, les qualifiant de « déconnectées de la réalité ». « Des commentaires comme ceux-ci nuisent à la bonne réputation de l’organisation et de son personnel, qui travaillent nuit et jour afin de protéger les citoyens d’Israël », a-t-il écrit dans un tweet.

« Salir de manière aussi énorme une organisation comme le Shin Bet – ce sont des mots vraiment sombres. Les manipulations de ce genre ne sont pas une méthode de travail, pas au Shin Bet, absolument pas », a surenchéri Dichter au micro de la Douzième chaîne lundi.

Avi Dichter à l’assemblée générale de la Knesset, le 18 juillet 2018. (Crédit : Hadas Parush/Flash90 )

Le ministre de la Défense, Benny Gantz, a déclaré sur Twitter qu’Amir était le tueur et que les « dirigeants » de l’époque étaient responsables de la « création d’une atmosphère d’incitation », une référence possible à Netanyahu, qui était chef de l’opposition à l’époque et qui a été largement impliqué dans l’attisement de la colère de la droite contre Rabin en raison de ses efforts pour parvenir à la paix avec les Palestiniens en échange de concessions territoriales.

« Le Shin Bet est celui qui a essayé de protéger Rabin, qui a appris ses leçons et qui s’acquitte de son rôle de gardien des fonctionnaires publics de manière dévouée et professionnelle », a écrit Gantz. « Les accusations contre le Shin Bet sont des théories du complot qui devraient être effacées du discours public et ne pas être évoquées par les dirigeants et les futurs ministres de premier plan. »

Smotrich a persisté lundi.

« Il n’y a pas de complot », a-t-il tweeté lundi en réponse aux vives critiques. « Le méprisable meurtrier Yigal Amir a assassiné Yitzhak Rabin, de mémoire bénie, et nous sommes tous encore sous le choc et la douleur de ce terrible meurtre. Oui, il y a eu un échec significatif de la part de la Division juive du Shin Bet, et oui, à ce jour, elle refuse d’en assumer la responsabilité. »

« Les médias, comme d’habitude, sont encore une fois tordus et déformés », a-t-il ajouté, en référence aux reportages qui avaient relayé ses commentaires lors de la cérémonie.

Dvir Kariv, qui a servi en tant qu’agent dans la Division juive du Shin Bet (le département de contre-espionnage et de prévention de la subversion dans le secteur juif) de 1994 à 2012 et qui était un membre majeur au moment de l’assassinat, a déclaré à Radio 103FM qu’il était « choqué » par les remarques de Smotrich, affirmant qu’elles revenaient « à accuser l’agence d’avoir assassiné le Premier ministre ».

« Ces déclarations sont totalement absurdes, elles sont très dangereuses, il n’y a pas une once de vérité », a déclaré Kariv, qui avait également participé à l’enquête sur l’assassinat. « Le fait même qu’il dise que le Shin Bet a incité un assassin à commettre ce meurtre revient à dire que le Shin Bet a assassiné Rabin, que l’État d’Israël s’est assassiné lui-même. »

Smotrich, a-t-il affirmé, propage des « théories du complot délirantes » en suggérant que l’assassinat était « délibéré » et qu’il a été orchestré par l’agence de sécurité intérieure.

Une photo d’Yigal Amir présent au tribunal en 2004. (Yoram Rubin/Flash90)

Lior Akerman, le premier agent du Shin Bet à avoir interrogé Amir après l’assassinat, a reconnu l’échec du Shin Bet à protéger Rabin, mais a amèrement contesté l’affirmation de Smotrich selon laquelle l’atmosphère d’incitation n’avait pas été un facteur clé et a rejeté comme totalement fausse l’affirmation de Smotrich selon laquelle l’agence de sécurité intérieure l’aurait encouragée.

« Il y a effectivement eu des manquements dans la collecte d’informations avant l’assassinat », a déclaré Akerman à la radio de l’armée. « Mais le reste des allégations de Smotrich sont totalement déconnectées de la réalité. »

« Tout au long de son enquête », a déclaré Akerman, Amir était heureux et fier de ce qu’il avait fait ; il avait reçu des encouragements « d’une longue lignée de rabbins et d’autres incitateurs contre Rabin ».

Une déclaration distribuée aux journalistes et attribuée à des « sources anonymes du Shin Bet » a fait part du « choc » suite aux commentaires de Smotrich. « Aujourd’hui, plus que n’importe quel autre jour, un élu a choisi d’encourager les théories du complot et de calomnier une organisation dont le seul but est de contrecarrer toute forme de terreur et de défendre la sécurité de l’État », indique le communiqué. « De telles remarques, qui encouragent le discours extrémiste, doivent être condamnées. »

Le partenaire politique de Smotrich, Itamar Ben Gvir, de la faction extrémiste Otzma Yehudit, a acquis sa notoriété à l’échelle nationale avant l’assassinat de Rabin.

Peu avant l’assassinat, Ben Gvir a fièrement brandi un emblème qu’il avait réussi à arracher de la Cadillac de Rabin lors d’une interview télévisée et a déclaré : « Nous aurons aussi Rabin ».

De plus, pendant des années, Ben Gvir avait une photo de Goldstein accrochée au mur de sa maison de Kiryat Arba. Il l’a retirée en 2019 après qu’elle a été fortement médiatisée dans les médias locaux et a commencé à lui nuire politiquement.

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