La Haute Cour statue sur la loi sur les élections municipales favorisant l’allié de Deri
Les juges décident à l’unanimité que les modifications concernant la période de réflexion pour les maires intérimaires ne doivent pas être appliquées avant le prochain scrutin

Dans une décision unanime prise par un panel de neuf juges, la Haute Cour de justice a statué dimanche soir qu’une loi adoptée par la coalition au début du mois n’entrerait en vigueur qu’après les prochaines élections municipales.
Cette décision empêche ainsi le maire intérimaire de Tibériade, Boaz Yosef, un allié du leader du Shas, Aryeh Deri, pour lequel la loi aurait été votée, de se présenter aux élections.
La loi – adoptée le 5 juillet et gelée par la Cour le 20 juillet – annulait la période de réflexion d’un mandat prévue pour les maires suppléants souhaitant se représenter au poste de maire, et ne prévoyait plus que 90 jours d’attente.
La décision de dimanche ne manquera pas d’exacerber les relations déjà tendues entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement, en raison du programme de refonte judiciaire de la coalition, qui cherche à nommer les juges du pays, à limiter le contrôle judiciaire et à restreindre le réexamen judiciaire des activités et des projets de loi du gouvernement.

Lors d’une audience qui a duré cinq heures dimanche, les juges se sont montrés très sceptiques quant à la position du gouvernement. Ils ont souligné le caractère jugé trop personnel de la loi. à la fin de l’audience, le juge conservateur, Noam Sohlberg, a recommandé que Yosef s’abstienne de se présenter comme candidat aux prochaines élections municipales prévues le 31 octobre prochain.
Ce dernier a clairement indiqué que les neuf juges étaient favorables à ce que la loi n’entre en vigueur qu’après le scrutin d’octobre, et qu’ils cherchaient un moyen d’éviter une décision finale sur la législation.
Mais Yosef a immédiatement rejeté la recommandation, et les neuf juges ont alors décidé à l’unanimité que la loi devait être interprétée comme n’entrant en vigueur qu’après les prochaines élections.
Le raisonnement qui sous-tend la décision n’a pas encore été publié en raison de contraintes de temps, et sera publié séparément à une date ultérieure.

La loi dite de Tibériade semble avoir été spécifiquement conçue pour permettre à Yosef de se présenter au poste de maire, comme le soulignent les propos de son principal parrain, le député Amit Halevi (Likud), et les déclarations faites par d’autres députés de la coalition au cours du processus législatif en commission parlementaire.
« La Cour est d’avis que l’application de la loi devrait être reportée », a donc déclaré Sohlberg à la fin de l’audience.
La suggestion de la Cour semblait destinée à éviter une décision directe contre la loi de la Knesset, une mesure envisagée en ultime recours, mais le rejet de Yosef a contraint les juges à rendre une décision.
La Cour a ajouté qu’elle s’abstiendrait de se prononcer sur les aspects constitutionnels de l’affaire.

Les avocats des organisations et des individus qui ont introduit des recours contre la loi ont fait valoir lors de l’audience qu’elle devrait être annulée par la Haute Cour parce qu’elle a été étroitement conçue pour aider un individu spécifique.
Ils ont également fait valoir qu’elle conférait à Yosef, le maire sortant, un avantage injuste sur les autres candidats lors des prochaines élections, et qu’elle portait donc atteinte à leur droit constitutionnel d’être élus.
Tout au long de l’audience, les juges ont exprimé leur inquiétude concernant le caractère personnel de la loi, tout en se montrant plutôt indifférents aux arguments constitutionnels avancés contre la législation.
La présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a aussi fait part de son scepticisme, déclarant qu’il s’agissait « clairement d’un projet de loi personnel ».

Yosef est connu du grand public comme étant un proche collaborateur de Deri, figure de proue de la coalition et chef du parti Shas. Alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Deri a nommé Yosef au poste de maire par intérim en 2020 après le limogeage du maire élu qui n’était pas parvenu à faire voter le budget.
L’avocat de Yosef, Ilan Bombach, a nié que les deux hommes étaient proches, qualifiant les allégations de « mensonges absolus » et insistant sur le fait qu’ils n’étaient ni amis, ni collègues de parti et qu’ils n’avaient aucune autre relation.
L’exigence d’une période de réflexion a été introduite en 2008 afin d’empêcher les fonctionnaires non élus de bénéficier des avantages de leur précédent mandat.
« La loi est personnelle parce qu’elle est taillée sur mesure pour le candidat de Tibériade, et que certains députés l’ont même dit ouvertement », a ajouté Hayut. « Le conseiller juridique de la Knesset a estimé qu’en raison des difficultés considérables liées à la modification des règles et au caractère personnel de la loi, il était raisonnable que la loi n’entre pas en vigueur avant les prochaines élections ».

« Les députés en ont décidé autrement et ont explicitement déclaré que la loi devait entrer en vigueur immédiatement à cause de Tibériade », a-t-elle rappelé.
Hayut faisait référence aux discussions tenues par les membres de la commission des Affaires intérieures et de l’Environnement de la Knesset sur la possibilité de prolonger le mandat de Yosef à titre de maire intérimaire ou d’adopter une loi lui permettant de se présenter à la mairie, en raison de ce qu’ils ont déclaré être sa gestion exemplaire de Tibériade, qui a fait face à de nombreuses crises ces dernières années.
Dans un avis remis à la Cour mercredi, la procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré que la mesure conférait un avantage injuste aux candidats qui occupent des fonctions intérimaires et qu’elle ne devrait pas être appliquée lors des prochains scrutins municipaux.
Lors de l’audience de dimanche, la juge Anat Baron a également critiqué la loi, estimant qu’elle était « taillée sur mesure en termes de calendrier, car il n’y a qu’une seule personne qui occupe ce poste à l’heure actuelle », tandis que le juge Alex Stein a déclaré : « Mon problème avec la loi, étant donné la date de son application, c’est qu’elle est personnelle ».

Le juge Uzi Fogelman a accusé le gouvernement d’avoir donné un avantage direct à une personne dans le processus électoral.
Yitzhak Burt, l’avocat représentant la Knesset, a déclaré qu’il n’y avait aucune raison d’invalider la loi car elle rétablit simplement la situation juridique qui prévalait en 2008.
« La position de la procureure générale, selon laquelle la loi n’est pas constitutionnelle, est très problématique. La loi établit un équilibre entre deux valeurs : le droit des [responsables intérimaires] d’être élus et le droit des résidents de les élire », a-t-il déclaré.
Hayut a répondu en affirmant qu’avant 2008, il n’existait aucun cadre juridique concernant cette question.

L’avocat Tomer Naor, représentant le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, l’un des requérants, a déclaré que la loi sentait « fortement la corruption et violait toutes les normes publiques ».
Il a reproché à la Knesset d’avoir adopté cette « loi personnelle » au lieu de s’occuper de questions importantes, telles que l’augmentation du coût de la vie et la sécurité du pays.
Un recours a été introduit contre la loi par la rivale de Yosef dans la course à Tibériade, Shani Illouz, ainsi que par plusieurs autres organisations.
La coalition a déjà été accusée de voter des lois conçues pour bénéficier seulement à certaines personnes, dont Deri.

En janvier, Deri avait été contraint de démissionner de ses fonctions de ministre de la Santé et de ministre de l’Intérieur, la Cour suprême ayant jugé sa nomination « extrêmement déraisonnable » compte tenu de ses multiples condamnations pénales antérieures pour détournement de fonds publics.
Lundi, la coalition a adopté une loi qui retire aux juges la possibilité d’utiliser le critère du caractère raisonnable pour annuler les décisions et les nominations du gouvernement. Cette loi est la première partie du paquet législatif du gouvernement visant à réformer le système judiciaire.