Seuls 3 arabes israéliens aveugles se font aider par un chien-guide
Les canins, traditionnellement considérés comme impurs dans l'islam, sont rares dans les villes arabes. Saleem Sharif et son labrador travaillent pour combattre les stéréotypes
NAZARETH, Israël — Salim Sharif et Winston sont un couple rare, bien que Winston ne le sache peut-être pas. Sharif fait partie d’une poignée d’Arabes israéliens aveugles qui utilisent un chien-guide et le seul dans sa ville natale de Nazareth.
Winston a été une grande bénédiction pour Sharif. Il est l’un de ses meilleurs amis ainsi que les yeux du jeune homme de 20 ans, qui a perdu sa vue, enfant, en raison d’un problème avec son réticulum. Sharif est calme, spirituel, sarcastique et trilingue. Il a appris l’arabe à la maison, l’hébreu grâce au temps qu’il a passé à l’hôpital quand il était jeune, et l’anglais en regardant les contenus YouTube avec Winston à ses côtés.
Et pourtant, pour Sharif, qui fait du bénévolat dans une clinique avec un petit groupe croissant de jeunes arabes israéliens faisant leur service national, le chien a également été une source de « souffrance ».
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« Il y a une différence entre les communautés juive et arabe, sur la façon dont elles se lient aux aveugles. Vous voyez cela essentiellement quand vous marchez avec un petit être que la communauté arabe n’est pas habitué à voir : un chien-guide. Je le sens. J’en souffre beaucoup », a-t-il récemment confié au Times of Israël depuis son bureau de la clinique.
Les chiens ne sont pas fréquents dans les villes arabes. Ils sont traditionnellement considérés comme impurs dans la société islamique, où la propriété et le contact avec les chiens sont généralement interdits, bien qu’il y ait des individus qui en ont quand même.
Sharif a une longue liste d’histoires amusantes ou tragiques qu’il raconte pour illustrer les épreuves auxquelles il doit faire face en tant que propriétaire de chien guide. Des mères lui ont hurlé dessus pour avoir amené son chien au travail — à la clinique — parce qu’il fait peur à leurs enfants. Les enfants qui harcèlent le chien, ignorant le fait que l’animal aide Sharif à se déplacer. Des hommes imposants qui refusent d’entrer dans l’ascenseur avec le doux Labrador.
Dans l’un de ses restaurants préférés dans le centre de la ville — où ils vendent des shawarma — il s’entend bien avec le propriétaire, mais il n’est toujours pas autorisé à manger à l’intérieur avec Winston. Cela ferait fuir les clients. Il est assis à une table à l’extérieur, mais il doit régulièrement expliquer aux passants qu’il ne faut pas avoir peur du chien.
« Il y a ce sentiment répandu que si vous êtes près d’un chien, vous serez mordu. Parfois, j’ai envie de rire. Parfois, je me fâche, mais je ne veux pas le montrer », a-t-il expliqué.
Le Hamas, le groupe terroriste islamiste qui contrôle la bande de Gaza, a interdit aux propriétaires de chiens de les promener dans les zones publiques de l’enclave palestinienne. Ils ont prétendu que la raison de l’interdiction était de protéger les Gazaouis du danger.
« Ces dernières semaines, le phénomène des jeunes hommes promenant leurs chiens dans les rues s’est largement répandu. Ce n’est ni dans notre culture ni dans nos traditions. Les enfants et les femmes ont peur quand ils voient des chiens… Notre devoir est de maintenir la sécurité des citoyens », a déclaré un porte-parole du Hamas au quotidien britannique The Telegraph.
Sharif, qui s’est décrit comme quelqu’un agissant « selon ma religion, mais qui ne prie pas », a expliqué que pour lui, il n’y avait pas de problème religieux avec son chien-guide.
« Dans notre religion, si vous avez besoin d’un chien pour une raison spécifique, il ne restera pas impur. Vous pouvez vivre avec un chien, mais à condition qu’il ait un but précis. Mon chien a un but précis, donc il n’est pas impur », a-t-il analysé.
Sharif a pris l’initiative d’éduquer sa communauté, et surtout les enfants, avec les chiens guides.
Quand Winston est arrivé à ses côtés pour la première fois, Sharif a expliqué qu’aucun restaurant ne le laissait entrer. Maintenant, s’est-il réjoui, beaucoup le font. Il a ajouté qu’il se rendait dans les écoles de la région et donne des conférences à des élèves de tous les âges.
« Je leur apprends à interagir avec le chien et ça marche », a-t-il expliqué.
« Il y a eu une différence significative. Mais nous avons encore besoin de faire plus », a déclaré Sharif. « J’essaie d’ouvrir des portes qui n’ont pas encore été ouvertes. »
Selon Abbass Abbass, le fondateur d’Almanarah, le groupe de défense des Arabes israéliens handicapés, il existe seulement 250 propriétaires de chiens guides israéliens — sur un total de 27 000 aveugles enregistrés — seuls trois d’entre eux sont arabes et il peut nommer deux d’entre eux en un claquement de doigt.
Abbass, également un non-voyant, dénonce ce qu’il appelle la « double discrimination » en raison du manque de services gouvernementaux accordés aux municipalités arabes ainsi que des attitudes culturelles qui créent des obstacles pour les handicapés. Sharif, pour sa part, a déclaré qu’il ne ressentait pas le manque des services de l’Etat.
« Les Arabes handicapés sont mis au défi au sein de leur propre communauté arabe. Nous souffrons d’un manque de sensibilisation, beaucoup de stigmates, de stéréotypes, d’attitudes négatives », a déclaré Abbass.
Abbass a indiqué qu’il avait organisé des sessions de formation avec des étudiants et des enseignants, des imams et des chauffeurs de bus, pour expliquer que « le chien-guide est un moyen d’accès [à de nombreuses choses], d’amélioration et de développement de l’accès pour les personnes ayant un handicap visuel ».
« Je suis toujours optimiste, mais il y a encore beaucoup de travail devant nous », a-t-il jugé.
Sharif a expliqué qu’il n’avait pas peur des chiens avant d’avoir Winston. Mais au début de l’entraînement, il a dit qu’il trouvait « bizarre de se réveiller avec un chien dans la chambre le matin. »
Quant à sa famille, Sharif a confié qu’au début sa mère était « sous le choc qu’il y ait un chien dans la maison. Elle avait peur de lui. »
Mais les choses ont changé.
« Maintenant, c’est presque comme si elle l’aimait plus que moi. Ils sont prêts à me virer et à le garder dans la maison », a-t-il plaisanté.
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